COP27 : le Royaume-Uni devient le premier sponsor de l’adaptation climatique du continent

Avec une promesse de 1,5 milliard de livres d’ici 2025, Londres se place au premier plan des contributeurs du Programme d’accélération de l’adaptation en Afrique (PAAA) – promu, entre autres par la BAD. Malgré l’optimisme nourri par cette annonce, des réserves demeurent.

Mis à jour le 10 novembre 2022 à 09:53
 

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Photo de famille à l’issue de la réunion de l’AAAP à Charm el-Cheikh, le 8 novembre 2022. © EBRDgreen

 

Au troisième jour de la COP27, une réunion du Programme d’accélération de l’adaptation en Afrique (PAAA) était organisée. Le Premier ministre britannique Rishi Sunak a profité de cette occasion pour annoncer que le Royaume-Uni triplerait son enveloppe de financement, qui passerait de 500 millions de livres (568 millions d’euros) en 2019 à 1,5 milliard de livres (1,7 milliard d’euros) d’ici à 2025.

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D’autres représentants européens, ainsi que des organisations internationales ont également revu leurs engagements à la hausse par rapport aux promesses de la COP26 organisée l’année dernière en Écosse et surtout, par rapport aux fonds évoqués lors d’un premier sommet tenu à Rotterdam en septembre, qui avait largement douché les espoirs africains.

« Victime de l’Occident »

Lors de la réunion du PAAA, le président sénégalais Macky Sall, président en exercice de l’Union africaine (UA), a rappelé aux participants que la configuration mondiale tient du paradoxe. Selon lui, l’Occident ne peut pas demander à l’Afrique de payer ses propres projets de développement, en plus des projets d’adaptation pour compenser l’impact du changement climatique, alors qu’elle contribue beaucoup moins au réchauffement de la planète. « Ce paradoxe fait de l’Afrique une victime de l’Occident ».

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Cependant, le PAAA est soutenu par de nombreux dirigeants africains qui y voient un moyen d’uniformiser les règles du jeu. Ce projet conjoint entre la BAD et le Global Center on Adaptation basé aux Pays-Bas, doit permettre de mobiliser 25 milliards de dollars sur cinq ans pour accélérer et étendre les projets d’adaptation climatique sur le continent. « Le PAAA est la réponse de l’Afrique à la crise climatique pour tirer parti des investissements dans l’adaptation et la résilience, non seulement pour nous protéger de la menace du changement climatique, mais aussi pour conduire un programme de croissance économique verte pour la prospérité », a encore déclaré le chef d’État sénégalais.

Ces projets peuvent consister à améliorer les infrastructures des villes côtières pour prévenir les inondations ou à introduire une agriculture moins gourmande en eau dans les régions frappées par la sécheresse. Le problème reste la réticence de certains pays occidentaux à non seulement ouvrir leur porte-monnaie, mais aussi à verser les fonds.

« Belle au bois dormant »

S’exprimant lors de la réunion, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a déclaré qu’il aurait été préférable que le financement et l’innovation soient axés sur l’atténuation dès le départ, mais que ce train avait déjà quitté la gare. Il a en outre insisté sur le fait que repousser le financement en raison d’un « manque d’argent » n’est qu’une excuse. « À mon avis, il y a beaucoup d’argent », a-t-il déclaré.

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Selon la directrice du FMI, Kristalina Georgieva, l’Afrique a un potentiel énorme mais il est étouffé par les grands pays pollueurs. Elle a comparé l’Afrique à une « belle au bois dormant » qui attend un baiser de son « prince » pour la réveiller de son sommeil.

« Je pense que la réunion d’aujourd’hui était […] une sorte de témoignage que le mouvement d’adaptation est imparable », a déclaré Patrick Verkooijen, PDG du Global Center on Adaptation après l’annonce des engagements.

Le président de la Banque africaine de développement (BAD), Akinwumi Adesina, s’est montré tout aussi positif. La banque lancera une autre initiative pour encourager le financement local des projets. « C’est comme si vous étiez dans une forêt. Tout ce qui est vert est lié, c’est un écosystème de soutien […] Ce que vous voyez, c’est le soutien du monde derrière le Programme d’accélération de l’adaptation en Afrique […] donc si vous me demandez comment je me sens aujourd’hui, je me sens très bien », a-t-il réagi.

Blocage commercial

L’avertissement de la directrice générale de l’OMC, Ngozi Okonjo-Iweala est venu tempérer cet élan d’optimisme:  « Nous devons reconnaître que si le financement est très important, la politique commerciale peut bloquer ces efforts. C’est la leçon que nous aurions dû tirer, ou que nous devrions tirer, de ce qui s’est passé [pendant] la pandémie. »
Elle faisait référence à l’initiative Covid-19 Vaccines Global Access (Covax), qui disposait de suffisamment d’argent pour acheter des vaccins, mais qui a été bloquée en raison de « politiques et de restrictions commerciales, d’interdictions portant à la fois sur les intrants pour la fabrication des vaccins et sur les exportations du produit fini, qui ne permettaient pas à l’argent de fonctionner ».

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« L’exclusion de la politique commerciale de ce qui se fait dans le domaine du climat pose problème », a-t-elle répété. La responsable de l’OMC a ajouté qu’elle avait signé un protocole d’accord avec le Global Center on Adaptation de Patrick Verkooijen. « Notre collaboration permet de nous plonger dans le cas de certains pays pour voir quelles politiques commerciales peuvent être ajustées », a expliqué celui-ci.

Un rapport dont la rédaction sera lancée à la COP27 par l’OMC portera sur l’intégration de ces politiques dans les contributions déterminées au niveau national (CDN) de chaque pays. Si les politiques commerciales sont modifiées, les projets d’adaptation pourront alors décoller et se répandre.