Cacao : l’ultimatum de l’alliance Côte d’Ivoire-Ghana à l’industrie du chocolat
Les deux premiers producteurs mondiaux de cacao accroissent la pression sur les acheteurs de fèves pour obtenir une meilleure rémunération des planteurs.
Dans la plantation de M’Brimbo, village près de Tiassalé, à quelque 120 km au nord-ouest d’Abidjan, en avril 2021. © Photo by Issouf SANOGO / AFP
Hausser le ton pour obtenir satisfaction. Tel est le pari que fait le tandem Côte d’Ivoire-Ghana, assurant plus de 60 % de l’approvisionnement mondial d’or brun, pour parvenir à une meilleure rémunération de ses cacaoculteurs.
Le bras de fer, engagé en 2018 avec la création d’une alliance entre les deux pays, se durcit ces dernières semaines. Après avoir boycotté une réunion de la filière fin octobre à Bruxelles, « l’Opep du cacao » vient de poser un ultimatum au secteur.
Interdire l’accès aux plantations
« Passé la date du 20 novembre 2022, le Conseil café-cacao et le Cocobod feront des recommandations à leurs gouvernements respectifs pour prendre des mesures allant jusqu’à la suspension de tous les programmes de durabilité et à l’interdiction d’accès aux plantations pour effectuer des prévisions des récoltes », a ainsi indiqué le Conseil café-cacao (CCC), le régulateur du secteur ivoirien, dans un communiqué diffusé le 8 novembre.
La déclaration, intervenue après deux réunions le 31 octobre et le 3 novembre à Abidjan entre le CCC et des représentants du reste de la chaîne du cacao, à savoir le chocolatier Mondelez et les exportateurs Cargill, Olam, Ecom Trading, Cemoi, Touton, Barry Callebaut, ETG et Sucden, a pour objectif de contraindre ces derniers à payer un bonus de 400 dollars la tonne sur les achats de fèves.
Instauré en 2019 et appelé « différentiel de revenu décent », ce bonus doit s’ajouter au cours du cacao, fixé sur les marchés à terme, ainsi qu’à une prime qualité liée à l’origine des fèves et à celle liée à la certification des fèves.
Accepté sur le principe par l’industrie, le mécanisme n’est pas appliqué dans les faits, ce qui suscite le mécontentent de l’alliance ivoiro-ghanéenne. Cette dernière, soulignant que l’industrie du cacao et du chocolat est « responsable de cette regrettable situation », l’a invitée « à prendre les dispositions pour la reprise effective des achats conformément aux engagements pris ».
Groupes de travail
Si le reste de l’industrie n’a pas réagi à cette déclaration, nombre de ses représentants déplorent la hausse des tensions et appellent à une résolution de la situation par la négociation. D’autres pointent la difficulté de la position d’Abidjan et Accra dans un secteur dirigé par les lois du marché et le principe de l’offre et de la demande.
« Nos membres continueront à concentrer leurs investissements par le biais des programmes de durabilité de leurs entreprises, qui cherchent à augmenter directement les revenus des agriculteurs en récompensant les pratiques agricoles durables », avait assuré, fin octobre en clôture de la réunion de Bruxelles, Chris Vincent, le président de la Fondation mondiale du cacao qui représente près de 80 % des acteurs du secteur.
Grève à San Pedro
Regrettant l’absence des parties ivoirienne et ghanéenne, M. Vincent avait indiqué « que la Fondation persisterait dans ses efforts pour travailler avec les deux pays producteurs », via notamment la participation à des groupes de travail pour « développer un pacte économique pour un cacao durable ».
Ce regain de tensions intervient en pleine campagne de commercialisation de la récolte de cacao et alors qu’un mouvement de grève lancé au port névralgique de San Pedro perturbe les opérations de chargement ces derniers jours, les dockers réclamant aux exportateurs une hausse de leur rémunération.