Mali – Guinée : Alpha Condé et Karim Keïta sous sanctions des États-Unis

L’ancien président guinéen et le fils de l’ex-chef de l’État malien ont été placés sous sanctions du Trésor américain. Ils sont respectivement accusés de « violations des droits de l’homme » et de « corruption ».

Mis à jour le 9 décembre 2022 à 18:04

 
conde keita

 

 

Karim Keïta et Alpha Condé. © Montage JA : MICHELE CATTANI/AFP ; Vincent Fournier/JA

Le Trésor américain a publié le 9 décembre une liste de plus de quarante personnalités visées par des sanctions pour des faits de corruption et de violations des droits de l’homme. Parmi les cibles de l’Office of Foreign Assets Control (OFAC), l’organisme de contrôle financier du Département du Trésor, figure l’ancien président guinéen Alpha CondéRenversé par le colonel Mamadi Doumbouya le 5 septembre 2021, l’ancien chef de l’État guinéen est accusé « de graves violations des droits de l’homme pendant son mandat ».

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« Violences »

Pour justifier cette décision, le Trésor américain explique qu’au début de l’année 2020, et en pleine polémique autour du référendum constitutionnel visant à lui permettre de briguer un troisième mandat, Alpha Condé a « ordonné à plusieurs ministres de créer une unité de police pour répondre aux manifestants, en ayant recours à la violence si nécessaire ».

« Les violences contre les membres de l’opposition se sont poursuivies pendant et après l’élection présidentielle guinéenne d’octobre 2020 », ajoute le communiqué du Trésor qui explique qu’après le scrutin « les forces de sécurité auraient tué plus d’une douzaine de personnes ». Depuis le 21 mai, Alpha Condé se trouve à Istanbul où il a été évacué pour recevoir des soins.

« Pots-de-vin » et affaire Birama Touré

L’autre personnalité de premier plan visée par cette salve de sanctions est Karim Keïta. Le fils aîné de l’ex-président malien Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), lui aussi renversé par un coup d’État, en août 2020, est accusé de corruption. Ancien tout-puissant président de la Commission défense de l’Assemblée nationale, il aurait « utilisé sa position pour recevoir des pots-de-vin, attribuer des contrats à des sociétés affiliées qui lui ont ensuite versé des pots-de-vin, et détourner des fonds publics en surfacturant des contrats de matériel » entre 2014 et 2020.

Le Trésor l’accuse également d’avoir fait pression sur les fonctionnaires qui ne soutenaient pas ces pratiques et d’avoir, par la même occasion, organisé un système de pots-de-vin « pour soutenir la réélection de son père ». À l’époque où Karim Keïta présidait la Commission défense, censée être un outil de contrôle de la politique de défense et des dépenses engagées par le gouvernement, l’instance est en effet restée étonnamment silencieuse sur plusieurs dossiers.

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Dès 2014, le Bureau du vérificateur général (BVG) du Mali a pointé des anomalies concernant l’achat d’un avion présidentiel. Un dossier dans lequel plusieurs personnalités seront citées par la suite. Le BVG évoque quelque 28,5 milliards de F CFA (un peu plus de 43 millions d’euros) d’irrégularités de gestion.

À l’époque, selon un rapport de l’ONG Transparency international publié en 2019, plusieurs contrats relatifs à l’achat d’armements n’ont pas fait l’objet d’un examen par la commission parlementaire concernée. Sans être illégale, cette absence de contrôle soulève des questions quant au manque de transparence de l’État en matière de contrats d’armement. Depuis la chute d’IBK, Karim Keïta s’est réfugié en Côte d’Ivoire. Il y dirige, selon le Trésor américain, la société Konijane Strategic Marketing.

L’OFAC évoque également une autre affaire dans laquelle le fils de l’ancien président serait impliqué. Selon le parquet de Bamako, Karim Keïta aurait en effet joué un rôle dans la disparition, en 2016, du journaliste malien Birama Touré. Le Mali, qui a saisi Interpol pour demander l’émission d’un mandat d’arrêt international, soupçonne le fils d’IBK d’être le commanditaire de l’enlèvement du journaliste qui, selon plusieurs témoignages, serait décédé dans les geôles de la sécurité d’État.