Missionnaires d'Afrique

José María Cantal Rivas
Algérie


Année de la foi et Africae Munus en Algérie

Heureusement, nous étions invités à célébrer une Année de la foi et non pas une année du droit canon ou de la liturgie… car ces réalités-ci sont une barrière dans notre contexte, alors que la foi, la confiance placée en Dieu et dans les autres, peut nous rapprocher de nos frères musulmans, mais nous permet aussi de rester enracinés dans notre amitié avec Jésus et peut devenir, dans certains cas, annonce parce que témoignage de vie.

Nous avons, tout au long de l’Année de la foi, préparé des événements pour manifester notre attachement à la foi catholique : chaque paroisse ou groupe sociologique du diocèse d’Alger devait monter en pèlerinage à Notre-Dame d’Afrique pour y faire une journée de récollection et raviver la foi ; des feuillets ont été insérés dans les bulletins des quatre diocèses du pays ; les enfants du catéchisme (première communion et confirmation) ont participé à des ateliers pour exprimer leur foi personnelle… Le pèlerinage diocésain, en mai, a été placé sous la lumière de la foi que nos quatre confrères assassinés en 1996 avaient en ce pays et en l’avenir des relations islamo-chrétiennes. Grâce à des grands panneaux, tous les participants ont “fait connaissance” avec nos confrères, leurs écrits, leurs vies données.

La clôture de l’Année de la foi coïncidait, en octobre, avec la journée diocésaine de rentrée à Alger : par petits groupes composés de personnes de langues, origines et parcours différents, nous avons été invités à dire ce que signifiait pour nous la phrase du credo qui nous avait été attribuée en entrant dans la basilique. Nous avons ensuite inscrit, devant l’autel, au moment de l’offertoire, sur une immense toile, “en quoi nous croyons”. Ce fut une journée de grâce prolongée par le pique-nique partagé en toute amitié et par les chants, spontanés ou prévus à l’avance par les chorales, qui ont rempli tout l’après-midi la nef de Notre-Dame d’Afrique.

Dans le diocèse de Laghouat-Ghardaïa, confié à notre confrère Claude Rault, une session diocésaine a réuni les permanents de l’Église et des représentants des catholiques habitant le Sahara algérien. Une journée fut consacrée à la foi (convergences et divergences avec l’islam) et à la découverte en profondeur du document Africae Munus, grâce à un diaporama suivi d’un débat. À la messe du soir, chaque personne devait avoir écrit, sur un cœur en papier, les trois mots qui définissaient le mieux, de manière personnelle, sa foi. Il faut signaler que Mgr Rault a été nommé par le Pape Benoît XVI pour faire partie de la commission chargée du suivi et de la mise en application d’Africae Munus : c’est vous dire s’il a de l’intérêt pour ce sujet !

Africae Munus interpelle
Africae munus est un document extrêmement important mais qui risque d’être noyé par la “nouvelle évangélisation”. Or, en Algérie, nous sommes très concernés par Africae munus : d’abord parce que nous sommes en Afrique, ensuite parce que le nombre de chrétiens africains atteint 80 % de nos assemblées. En plus, nous cherchons à faire venir des nouvelles congrégations d’Afrique et, finalement, son thème (la paix et la justice) nous interpelle quotidiennement.

En inaugurant l’Année de la foi, Benoît XVI avait écrit : Je voudrais (aider) à comprendre de façon plus profonde non seulement les contenus de la foi, mais, avec ceux-ci, aussi l’acte par lequel nous décidons de nous en remettre totalement à Dieu, en pleine liberté. La foi, c’est décider d’être avec le Seigneur pour vivre avec lui. Et ce “être avec lui” introduit à la compréhension des raisons pour lesquelles on croit. La foi, parce qu’elle est vraiment un acte de la liberté, exige aussi la responsabilité sociale de ce qui est cru (Porta fidei nº 10).

Une introduction au Nouveau Testament dit : “Certains mots grecs ont une telle richesse de sens que l’on peut parfois les rendre par une quinzaine de mots français différents. C’est le cas de pistis : foi, fidélité, conviction, certitude, crédibilité, garantie, crédit, confiance…”. Benoît XVI a écrit : Que cette Année suscite en chaque croyant l’aspiration à confesser la foi en plénitude et avec une conviction renouvelée, avec confiance et espérance (Porta fidei nº 9).

À qui va notre loyauté
Dans la Bible, il ne s’agit donc pas de refuser des “faux dogmes”, mais de savoir à qui va notre loyauté. Le contraire de la foi serait donc la peur, le manque de confiance, la tentation de remplacer Dieu ; ce n’est qu’avec cet arrière-fond que l’on peut parler d’idolâtrie, de confiance placée en des divinités ou des forces qui promettent d’assurer la victoire.

C’est dans ce sens que nous devons interpréter les appels de la Bible à mettre sa confiance dans le Seigneur, à se fier à Lui seul. Il ne s’agit pas de dogmes, d’un credo à réciter, mais d’une confiance à placer en Quelqu’un qui la mérite (cf. Psaumes 21, 85, 145). Cette foi-confiance en Dieu seul est un terrain commun pour la rencontre des croyants, car il est la Force qui permet de lutter contre les abus et la corruption, et de supporter les épreuves, mettant notre confiance en son Jugement, sa Capacité à faire changer l’Histoire. Sans cette confiance, la foi devient idéologie !

C’est sous l’angle de la confiance que les Églises d’Afrique ont en Jésus et aussi de la mission que Jésus confie aux chrétiens de ce continent, qu’il faut lire Africae Munus. Car il n’est pas un texte adressé au monde pour qu’il s’engage en faveur de l’Afrique ; il s’agit d’un appel à la responsabilité des chrétiens du continent qui, face à des situations chaotiques, doivent s’engager en faveur de la paix, la justice et la réconciliation : L’Afrique désire se mettre debout ; elle désire avoir confiance en elle-même, en sa dignité de peuple aimé par son Dieu. C’est cette rencontre avec Jésus que l’Église doit offrir aux cœurs blessés, en mal de réconciliation et de paix, assoiffés de justice (N° 149).

Puisque notre contexte est très marqué par la culture arabo-musulmane, je vous signale que dans la formule du credo, en arabe nous disons “N’uminu billahi wahid”, ce qui devrait être traduit par : “Nous donnons notre foi à un Dieu unique qui nous met en sécurité”. Parmi les plus beaux noms de Dieu on trouve “Al-Mu’min”, Dieu serait celui qui rassure, à qui on peut faire confiance, à qui on peut se fier. C’est avec cette confiance placée en Dieu seul que nous avançons, avec nos frères en humanité, sur les routes du Maghreb.

José María Cantal Rivas

Tiré du Petit Echo N° 1051 2014/5