Washington poursuit son opération séduction en Afrique
Linda Thomas-Greenfield, l’ambassadrice des États-Unis auprès de l’ONU, commence ce 25 janvier une tournée qui la conduira au Ghana, au Mozambique et au Kenya.
La représentante des États-Unis auprès des Nations unies, l’ambassadrice Linda Thomas-Greenfield, en réunion d’information avec l’agence de presse nationale ukrainienne Ukrinform, à Kiev, le 8 novembre 2022. © Ruslan Kaniuka / NurPhoto via AFP
Il est toujours bon de savoir sur qui l’on peut compter – ou pas. L’ambassadrice américaine auprès des Nations unies, Linda Thomas-Greenfield, entame donc ce 25 janvier une visite sur le continent qui, jusqu’au 29 janvier, la conduira au Ghana, au Mozambique et au Kenya sachant qu’au même moment, la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, achève, elle, une tournée qui l’a menée au Sénégal, en Zambie et en Afrique du Sud.
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Ces voyages précèdent celui qu’effectuera dans le courant de l’année le président Joe Biden et s’inscrivent dans la lignée du sommet États-Unis – Afrique, organisé mi-décembre. C’est aussi la troisième fois que Linda Thomas-Greenfield se rend sur le continent en tant qu’ambassadrice onusienne, elle qui – avant de servir l’administration Biden – avait occupé le poste de secrétaire d’État adjointe aux affaires africaines et d’ambassadrice au Liberia.
« L’Afrique est un acteur géopolitique et économique clé pour les États-Unis. Nous nous attendons à un déplacement très productif », a prévenu un membre de l’administration américaine sous couvert d’anonymat, expliquant qu’elle allait tout à la fois « répondre aux préoccupations en matière de sécurité régionale », « soutenir la résilience et le redressement » du continent et travailler à « atténuer les effets du changement climatique ».
Réforme du Conseil de sécurité
Dans chacun des pays visités, elle évoquera également la question de la réforme du système des Nations unies, et le fait que Joe Biden a fait savoir qu’il était favorable à l’ajout de sièges permanents et non permanents au Conseil de sécurité, où le continent ne dispose actuellement que de trois sièges tournants sans droit de veto.
Cet activisme diplomatique est à mettre en regard de la rivalité géopolitique qui oppose les États-Unis à la Russie et la Chine. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, était lui-même ces derniers jours en Afrique du Sud, afin d’obtenir le soutien de Pretoria. Il a rencontré son homologue sud-africain, Naledi Pandor, le 23 janvier. Il a défendu le principe des exercices conjoints prévus le mois prochain entre les marines sud-africaine, russe et chinoise au large de la côte est de l’Afrique du Sud, et accusé les Occidentaux de refuser de négocier la fin de la guerre en Ukraine.
« Nostalgie dangereuse »
Rien de surprenant à ce que Linda Thomas-Greenfield fasse escale au Kenya et au Ghana – ces deux pays ont condamné sans équivoque l’invasion de l’Ukraine par la Russie de Vladimir Poutine. Nairobi n’est certes plus représenté au sein du Conseil de sécurité depuis la fin de décembre, son mandat de deux ans étant arrivé à son terme, mais son ambassadeur à New York, Martin Kimani, avait prononcé un discours remarqué l’année dernière, condamnant le recours à la force pour modifier les frontières et ce nationalisme qui pousse à regarder « toujours en arrière, avec une nostalgie dangereuse ». Le Kenya a également défendu une résolution, à laquelle la Russie a opposé son veto, qui visait à établir un lien entre changement climatique, terrorisme et problèmes sécuritaires.
Le mandat du Ghana – comme celui du Gabon – court encore pendant un an, et Accra a été très critique à l’égard de la guerre menée par Moscou. Nana Akufo-Addo s’est en outre fait remarquer lors du sommet de Washington en accusant le Burkina Faso d’avoir invité des mercenaires du groupe Wagner sur son territoire, provoquant une querelle diplomatique avec son voisin du nord. « Le Burkina Faso a conclu un accord pour employer des forces de Wagner et faire comme le Mali », avait notamment asséné le chef de l’État ghanéen.
À Maputo, c’est un pays riche en pétrole, et qui a des liens historiques étroits avec la Russie, que Linda Thomas-Greenfield courtisera. Jusqu’à présent, le Mozambique s’est abstenu de condamner Moscou à l’Assemblée générale, mais les États-Unis ont tout intérêt à s’en rapprocher : le pays a beau n’avoir rejoint le Conseil de sécurité qu’en janvier, il en assurera la présidence en mars.
« Nous savons que les membres [du conseil] prennent leurs responsabilités au sérieux et nous voulons nous assurer que nous sommes tous, autant que possible, sur la même longueur d’ondes lorsque des questions importantes sont en jeu, commente le haut fonctionnaire américain cité plus haut. Nous continuerons à investir dans nos relations au sein du conseil et à défendre certaines des questions fondamentales qui sont en jeu lorsqu’il s’agit de paix et de sécurité internationale. »