Assimi Goïta pousse un peu plus la Minusma vers la sortie

Le gouvernement malien d’Assimi Goïta a sommé Guillaume Ngefa-Atondoko Andali, le chef de la division des droits de l’homme de la Minusma, de quitter le territoire. Un nouveau départ forcé qui pose la question de l’avenir de la mission onusienne.

Mis à jour le 6 février 2023 à 17:20
 

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     Le président de la transition malienne, le colonel Assimi Goïta, le 27 janvier 2023. Le Président de la Transition, SE le Colonel Assimi GOÏTA, Chef de l’État, a présidé, dans la salle des banquets de Koulouba, la cérémonie de présentation des vœux du Nouvel An du personnel de la Présidence, ce vendredi.. Le 27 janv. 2023. © Présidence Mali

Le courrier offre comme une impression de déjà-vu. Un peu plus de six mois après l’expulsion d’Olivier Salgado, porte-parole de la mission de l’ONU pour la stabilisation au Mali, c’est au tour de Guillaume Ngefa-Atondoko Andali, à la tête de la Division des droits de l’homme et de la protection (DDHP) de la Minusma d’être sommé, par les autorités maliennes, de quitter le pays dans les plus brefs délais.

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Ce dimanche 5 février, le colonel Abdoulaye Maïga, ministre d’État et porte-parole du gouvernement a donné, par voie de communiqué, quarante-huit heures à l’intéressé pour plier bagages. Une décision motivée par les « agissements déstabilisateurs et subversifs de M. Andali, en violation flagrante des principes et des obligations que doivent observer les fonctionnaires des Nations unies et tout diplomate accrédité au Mali ».

Déclaration contestée à l’ONU

Dénonçant une « conspiration », le gouvernement pointe la sélection d’« usurpateurs s’arrogeant le titre de représentants de la société civile maliennes » mise en place à l’occasion de sessions du Conseil de sécurité de l’ONU.

Sans la citer nommément, Bamako s’indigne de l’intervention d’Aminata Dicko à New York le 27 janvier dernier. Au nom de la société civile malienne, la vice-présidente de l’observatoire Kisal – une structure de protection des droits de l’homme au Sahel –, avait dénoncé « la présence des partenaires russes aux côtés des Forces armées maliennes [Fama] », responsables de ce « qui pourrait constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ».

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Une déclaration qui a valu à Aminata Dicko de devenir la cible d’une violente campagne de dénigrement sur les réseaux sociaux. Ulcérées elles-aussi par les propos de la défenseuse des droits de l’homme, les autorités de Bamako, qui nient toujours formellement la présence des mercenaires de Wagner dans le pays, ont vivement répliqué.

Présent à New York le 27 janvier, le ministre des Affaires étrangères du Mali, Abdoulaye Diop, s’est immédiatement dit « surpris » de la présence d’une déléguée malienne à cette réunion. « Nous ne connaissons pas cette personne. […] Naturellement nous doutons de sa représentativité et de sa crédibilité », avait alors fait savoir le chef de la diplomatie malienne.

Bouc émissaire

Guillaume Ngefa-Atondoko Andali fait-il office de bouc émissaire, alors que le travail de la division des droits de l’homme de la Minusma est déjà largement entravé par les autorités ? Selon nos informations, l’intéressé ne serait pas responsable de l’intervention d’Aminata Dicko. Celle-ci ayant été proposée par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) puis validée par le Japon, qui préside actuellement le Conseil de sécurité de l’ONU.

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Guillaume Ngefa-Atondoko Andali vient étoffer davantage la liste des personnalités expulsées par les colonels, au motif du respect de la souveraineté du Mali. Il y a un an, Assimi Goïta exigeait le départ de l’ambassadeur de France, Joël Meyer. Trois mois plus tôt, le représentant spécial de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) Hamidou Boly, a été enjoint de quitter le territoire pour des « agissements » jugés « incompatibles » avec son statut.

La fin de la Minusma ?

Sous couvert d’anonymat, plusieurs employés onusiens se disent aujourd’hui inquiets quant à leur capacité à remplir leur mission dans un contexte de plus en plus difficile, notamment pour les équipes en charge d’enquêter sur les exactions supposées de l’armée malienne et de ses supplétifs russes.

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Plusieurs pays contributeurs ont également annoncé leur intention de ne plus fournir de troupes à la Minusma, déplorant un manque de coopération des autorités maliennes. Si, officiellement, le chef de la Minusma, El-Ghassim Wane, privilégie le dialogue, l’expulsion de Guillaume Ngefa-Atondoko Andali semble obscurcir un peu plus l’avenir de la mission onusienne.

Le rétrécissement de son champ d’action et la multiplication des critiques à son égard offrent, là-encore, une impression de déjà-vu. Avant leurs départs en août 2022, les soldats de l’opération Barkhane avaient été la cible de vives critiques de la part des autorités maliennes. Ils avaient alors été poussés vers la sortie, sur fond de pourrissement des relations entre Bamako et Paris.