Lutte contre la corruption : L’audit de l’Assemblée nationale révèle un préjudice financier de plus de 13 milliards de FCFA

Accueil > Actualités > Société • Lefaso.net • jeudi 9 mars 2023 à 22h25min 
 
Lutte contre la corruption : L’audit de l’Assemblée nationale révèle un préjudice financier de plus de 13 milliards de FCFA

 

L’Autorité supérieure de contrôle d’État et de lutte contre la corruption (ASCE-LC) a convoqué la presse ce jeudi 9 mars 2023 pour présenter les résultats de l’audit comptable et de gestion financière des trois grandes institutions du pays. Il s’agit notamment de la Présidence du Faso, de la Primature et de l’Assemblée nationale. Au titre de la représentation nationale, les irrégularités constatées par l’ASCE-LC ont causé un préjudice financier de plus de 13 milliards de FCFA entre 2018 et 2021.

 

L’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption (ASCE-LC) a été saisie par le chef de l’Etat pour réaliser un contrôle approfondi des structures publiques dont les trois institutions que sont la Présidence du Faso, la Primature et l’Assemblée nationale, conformément à l’article 46 alinéa 2 de la loi organique n° 082-20 5/CNT du 24 novembre 2015 portant attributions, composition, organisation et fonctionnement de l’ASCE-LC.

Les rapports de ces différentes opérations de contrôle ont été dévoilés ce jeudi 9 mars 2023 par le contrôleur général d’Etat Philippe Nion. L’objectif de ce contrôle est de s’assurer de la bonne gestion des ressources financières et comptables des structures publiques concernées.
Les domaines concernés par ces opérations de contrôle sont la commande publique, les comptes de dépôt, les régies d’avances, le carburant, les frais de mission, les frais de voyage, les rétributions, les dons au bénéfice des personnes politiquement exposées (PPE).

 


Le présidium lors de cette conférence de presse

Plusieurs irrégularités ont été constatées dans ces trois institutions et ont causé une incidence financière de plus de 16 milliards de FCFA. Au titre de la représentation nationale, les irrégularités constatées par l’ASCE-LC ont causé un préjudice financier de plus de 13 milliards de FCFA, entre 2018 et 2021. Parmi les irrégularités constatées, on peut retenir entre autres, des surfacturations, des non-liquidations des pénalités de retard, des missions fictives, la prise en charge des personnes absentes aux missions, des paiements injustifiés, les sorties irrégulières de carburant, les passations illégales de marchés publics, l’octroi irrégulier d’avantages à certaines personnes, le recours abusif à la procédure d’entente directe, des prises en charge illégales de soins à l’étranger de certaines personnes, etc.

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Au titre de la représentation nationale, le contrôleur d’Etat a rappelé que d’autres objectifs spécifiques ont été définis au regard des constats faits sur le terrain. Il s’agit de l’évaluation du cadre juridique et réglementaire, de l’état d’amortissement des prêts véhicules accordés aux députés et des charges du régime médico-social. Les irrégularités ressorties dans le rapport portent sur les domaines audités.
Au titre de l’évaluation du cadre juridique et réglementaire, le rapport a relevé le non-respect par l’AN des lois régissant la gestion financière et les marchés publics, à savoir la LOLF, la loi portant code de transparence dans la gestion des finances publiques et la loi régissant les marchés publics et leurs textes attenants.

 

Philippe Nion, contrôleur général d’Etat lors du point de presse

Au titre du contrôle de la « commande publique », les irrégularités concernent le recours abusif à la procédure d’entente directe, des surfacturations de 379 377 630 FCFA, la non liquidation des pénalités de retard d’un montant cumulé de 313 039 311 F CFA.
Au titre du « contrôle des comptes de dépôt », le rapport a ressorti une série d’irrégularités portant sur les paiements injustifiés ou pour lesquels aucune justification n’a été apportée. L’incidence financière est de 7 913 856 138 de FCFA, des dépenses effectuées sur décisions de déblocage non justifiés pour un montant total de 1 390 489 248 de FCFA.

On note également des pertes de ressources publiques consécutives à des dépôts de fonds dans une banque commerciale. Par cette pratique, 12 099 000 000 FCFA ont été déposés dans une banque sans intérêt avec des frais de plus de 10 000 000 FCFA. La perte financière, calculée à partir du loyer de l’argent (taux d’intérêt légal de la BCEAO sur la période) donne un montant de 693 742 711 F CFA, imputable à un agent public, selon l’ASCE-LC.

Il y a aussi l’insincérité des situations comptables. Les dépenses d’investissement exécutées telles que ressorties dans les comptes de l’AN ne sont pas sincères, soutient le contrôleur général d’Etat. Sur un taux d’exécution de 99,28%, le rapport ressort en réalité seulement 23% correspondant à des réalisations effectives.
Au titre de la gestion des prêts véhicules, le rapport de l’ASCE-LC ressort un encours cumulé des 7e et 8e législatures de 1 585 650 000 FCFA. Après les relances de I’ASCE-LC, un montant total de 70 415 000 FCFA a été régularisé par des députés et l’encours restant est de 1 515 235 000 FCFA dont 34 740 000 FCFA au titre des députés décédés, selon les explications de Philippe Nion.


Les journalistes mobilisés pour relayer le contenu de ces rapports

Il a profité de cette occasion pour inviter les députés qui restent redevables à l’Etat à se mettre en règle.
L’ASCE-LC a également épinglé le non-respect de la règlementation sur les évacuations sanitaires. Selon Philippe Nion, contrôleur général d’Etat, « une personne qui n’est ni député, ni fonctionnaire parlementaire a bénéficié de cette prise en charge. De même, des frais de mission ont été servis sans justifications pour 61 860 000 F CFA ».

Au titre du contrôle des missions, le rapport a ressorti des paiements pour des missions pour lesquelles il n’existe pas d’ordre de mission. L’incidence financière est de 429 607 000 FCFA en raison de 11 227 000 FCFA pour les missions à l’intérieur et de 418 380 000 FCFA pour les missions à l’extérieur, l’existence d’ordre de mission sans visa dument apposé par les autorités compétentes. L’incidence financière est de 67 132 501 F CFA en raison de 60 452 501 F CFA pour les missions à l’intérieur et de 6 680 000 F CFA pour les missions à l’extérieur.

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Au titre du contrôle « de la gestion des libéralités », le rapport constate que des libéralités ont été irrégulièrement faites et portant sur les subventions accordées aux groupes parlementaires en raison de 5 000 000 FCFA par député débloqué en cinq tranches. « En 2020, année d’élection, 3 000 000 FCFA supplémentaires ont été alloués à chaque député. Le rapport fait une annotation particulière sur ce financement déguisé des partis politiques et surtout sur le caractère discriminatoire, équivoque et inapproprié de cette libéralité », explique Philippe Nion.

Il y a aussi les appuis divers aux activités des députés, à savoir les journées de redevabilité, les financements des députés accordés par le président de l’AN sur demande individuelle de soutien. Ces appuis sont de 386 463 361 F CFA de 2018 à 2021, selon le rapport de l’ASCE-LC.

 

L’ASCE-LC a également constaté des irrégularités dans le financement du CORONATHON. Le rapport constate que six chèques des six groupes parlementaires ont été officiellement remis au profit du compte « CORONATHON » en raison d’un million (1 000 000) FCFA par député, soit un total de 126 000 000 de FCFA. Par la suite, des chèques ont été émis des comptes de l’AN au profit des six groupes parlementaires avec comme libellé « Subvention accordée aux groupes parlementaires pour la prise en charge de leur contribution à la lutte contre le covid-19 (à titre de régularisation) ».
« Je vous informe qu’un député nous a apporté sa quittance de reversement de la somme d’un million de FCFA suite au communiqué de I’ASCE-LC », se justifie le contrôleur général d’Etat.

 

 



Les participants à cette conférence de presse de restitution des résultats de l’audit de ces trois institutions.

Au titre du contrôle « des rétributions spécifiques », le rapport a constaté que 112 sont irrégulières avec une incidence financière de 787 519 100 FCFA. Ces irrégularités portent sur des dépenses sans pièces justificatives (37 430 000 FFCFA), des dépenses sans actes de création (234 720 000 FCFA) et des dépenses non éligibles (515 369 100 FCFA).
Selon l’ASCE-LC, le montant total de l’incidence financière des irrégularités constatées dans le rapport de contrôle de l’AN est de treize milliards six cent seize millions vingt-huit mille six cent trente-neuf (13 616 028 639) FCFA.

À l’issue de la présentation de ces rapports, des mesures seront prises pour le suivi de ces dossiers. Il s’agit de l’établissement de renseignement judiciaire et mise en œuvre des investigations sur les faits constatés, la saisine de la cour des comptes des faits pouvant être qualifiés de fautes de gestion, la saisine du ministère en charge des finances pour la mise en jeu de la responsabilité pécuniaire des agents mis en cause, la prise de mesures conservatoires afin de préserver l’intégrité des finances publiques et les intérêts de l’Etat et l’élaboration des plans d’actions pour le suivi des recommandations.

Le contrôleur général d’État Philippe Nion et ses collaborateurs souhaitent également que les sommes mises à la charge des différentes personnes visées dans ces trois rapports de contrôle fassent l’objet de recouvrement intégral conformément à la règlementation en vigueur.
Selon Philippe Nion, les périodes de contrôle sont de façon générale de 2020 à 2021, de 2016 à 2021 pour l’Armée et de 2018 à 2021 pour l’Assemblée Nationale. Plus de 150 personnes ont été mobilisées pour la conduite de ces contrôles lancés courant l’année 2022.

Mamadou ZONGO
Lefaso.net