Au Mali, l’activité d’Orange et de Malitel en péril après une lourde sanction judiciaire

La Cour suprême du Mali a confirmé la condamnation d’Orange Mali et de Malitel, filiale locale de Maroc Telecom, à indemniser une association de consommateurs à hauteur de 175 milliards de francs CFA (plus de 266 millions d’euros).

Mis à jour le 15 mars 2023 à 18:17

 

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Implantation d’une boutique Orange à Tombouctou, Mali. © Daniel Riffet/Photononstop/AFP

 

C’est une décision qui pourrait tout simplement mettre en péril les activités des deux principaux opérateurs télécoms du Mali. Le 13 mars, la Cour suprême du Mali a confirmé une décision formulée par la cour d’appel de Bamako en novembre 2021, condamnant Orange Mali –  contrôlé à 70 % par le sénégalais Sonatel et le groupe français Orange – et Malitel – filiale à 51 % de Maroc Telecom – à payer environ 175 milliards de francs CFA (soit plus de 266 millions d’euros) d’indemnités au Réseau malien des consommateurs de téléphonie mobile (Remacotem), qui accusait les deux opérateurs de facturer les minutes d’appel sur répondeur.

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« C’est une action en réparation du préjudice subi, explique Me Mangara Tidiane, l’avocat du Remacotem, joint par Jeune Afrique. Sur les 193 pays membres de l’Union internationale des télécoms, il n’y a qu’au Mali que cette pratique se faisait encore », s’alarme-t-il, tout en s’étonnant que le caractère contraignant – parce qu’exécutoire – de la décision de la cour d’appel n’ait pas été respecté. Selon des informations publiques communiquées par Maroc Telecom, au cours de l’année 2022, la Cour suprême a annulé les procès-verbaux des arrêts en appel et a accordé un délai de grâce aux opérateurs.

Délai de grâce

Cette fois-ci, un second délai de grâce de deux mois a été donné aux opérateurs « pour réfléchir à la suite à donner à cette décision », indique pour sa part à Jeune Afrique une porte-parole d’Orange. En d’autres termes, les opérateurs concernés, qui se partagent environ 23 millions d’abonnés, étudieraient l’opportunité d’un ultime recours auprès d’un autre juridiction dont la nature n’a pas été précisée. Orange s’estime néanmoins « choqué » par cette décision qui, si elle doit être appliquée, « met en difficulté tous les opérateurs », reconnaît sa porte-parole.

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Premier opérateur du pays avec 12,4 millions d’abonnés au troisième trimestre de 2022, Orange a réalisé un chiffre d’affaires de 695 millions d’euros en 2021. Ses résultats au cours des trois premiers trimestres de 2022 ont oscillé entre 175 millions et 176 millions d’euros. Pour sa part, Malitel, qui compte près de 9 millions d’abonnés sur le mobile, ne communique pas le détail des résultats pour ses filiales.

Protestation des syndicats

Ce litige relatif à la facturation abusive de la boîte vocale court depuis 2011. Il a été classé sans suite une première fois au civil par le tribunal de grande instance de la commune III de Bamako, puis au pénal sept ans plus tard par le tribunal de grande instance de la commune IV de la capitale malienne. Cette même année 2018 voit un nouveau procès en appel engagé au civil, lors duquel les plaignants réclament 400 milliards de F CFA à Orange et 160 milliards de F CFA à Malitel. Ce dernier procès débouche sur la décision de novembre 2021.

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Des questions demeurent quant à la façon dont l’argent sera redistribué aux consommateurs. « Remacotem est une association de droit malien bien structurée avec ses adhérents, disposant d’une adresse et d’un président. Il revient au réseau d’organiser comme il le souhaite la répartition des indemnités », indique sans plus de détail Me Mangara Tidiane.

À ceux qui accusent le Remacotem de mettre en péril le secteurs malien des télécoms – en premier lieu les syndicats des opérateurs, qui ont respecté une grève de cinq jours en février 2022 en signe de protestation –, l’avocat de l’association formule une réponse musclée : « Ce sont des sociétés prédatrices. Si cette décision les met en péril, d’autres opérateurs prendront le relai. »