Mali: le groupe État islamique appelle ceux qui l'ont combattu à déposer les armes
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Le groupe État islamique appelle ceux qui l'ont combattu à déposer les armes. Dans un message audio mis en circulation il y a plusieurs jours, un cadre de l'État islamique au Sahel propose le « repentir » et la soumission. Un message de propagande diffusé alors que le groupe jihadiste assoit sa domination sur une grande partie du nord-est du Mali.
Youssouf Ould Chouaib est un cadre de la branche sahélienne du groupe État islamique dans le Liptako-Gourma, zone des trois frontières Mali-Niger-Burkina. Malien arabe par son père et tamachek (touareg) par sa mère, il est parmi les initiateurs de la vaste offensive menée depuis mars 2022 par l'État islamique dans le nord-est du Mali.
Plusieurs sources sécuritaires locales jointes par RFI reconnaissent formellement sa voix sur cet audio de propagande de trois minutes, également authentifié par Menastream, organisation spécialisée sur les questions de sécurité et de jihadisme au Sahel et en Afrique du Nord. Qui précise que l'audio n'a pas été diffusé par les canaux officiels du groupe État islamique - ce qui est habituel pour ce type d'initiatives locales et non « centrales »- et qu'il a commencé à circuler pendant le mois de ramadan, après l'arrivée de l'État islamique à Tidermène le 10 avril dernier. Une incursion qui a consacré la domination du groupe dans la région de Ménaka.
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Message adressé au Jnim et aux groupes armés locaux
Dans cet enregistrement de propagande ponctué de références islamiques, et dont RFI a choisi d'expliquer le contenu, qui présente un intérêt informatif, sans le relayer textuellement, Youssouf Ould Chouaib propose le « repentir » plutôt que la mort à « tous ceux qui [nous] ont combattu ».
Sans qu'ils soient nommément cités, le message s'adresse donc aux jihadistes rivaux du Jnim (Groupe de soutien à l'Islam et aux musulmans), liés à al-Qaïda, ainsi qu'aux groupes armés locaux signataires de l'accord de paix de 2015, notamment le MSA et le Gatia, en première ligne dans cette zone pour défendre les civils, ou encore la CMA, qui rassemble les ex-rebelles indépendantistes de Kidal.
Youssouf Ould Chouaib leur demande en substance d'abandonner leurs armes et leurs véhicules, ou de venir grossir les rangs de l'État islamique. Dans une moindre mesure, le message peut aussi concerner les militaires des armées nationales engagées contre le groupe État islamique au Mali, au Niger et au Burkina.
« Casser les forces en présence »
L' « offre » de Youssouf Ould Chouaib est en tout cas très différente de celle formulée par Iyad Ag Ghaly. Le chef du Jnim avait rencontré fin 2022-début 2023 plusieurs dirigeants de groupes armés du Nord signataires de l'accord de paix, pour leur proposer une sorte de pacte de non-agression temporaire, afin de combattre, chacun de son côté, le même ennemi : l'État islamique au Sahel, qui, à ce stade, a pourtant pris le dessus.
« Cela montre la volonté de l'État islamique au Sahel d'occuper idéologiquement et militairement la région », analyse une source sécuritaire malienne, qui suit de près la situation. « En soi, ce n'est pas nouveau, mais c'est une manière de se déclarer maître du terrain et d'essayer de casser les forces en présence. »
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Plusieurs sources relèvent que le message diffusé par Youssouf Ould Chouaib reprend des éléments de langage du groupe État islamique remontant au début du « califat » instauré en Syrie et en Irak (période 2013-2014), certaines formulations étant directement liées au contexte levantin de l'époque, peu appropriées pour le contexte sahélien actuel.
Enfin, cet audio ne donne aucune précision sur les conditions qui sont ou seront imposées aux civils qui n'ont pas souhaité fuir, et qui restent vivre dans un territoire désormais contrôlé par les jihadistes du groupe État islamique.
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