Où sont les femmes… puissantes ? Par Aurélie M’Bida
Malgré quelques avancées, les discriminations de genre subsistent sur le continent, notamment dans le domaine économique. Quant aux modèles féminins, ils tendent à disparaître.
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Les masculinistes les plus endurcis auront beau se remuer les méninges, pas certain qu’ils trouvent à redire. À regarder de près en effet, la liste des femmes africaines qui ont fait l’Histoire depuis l’antiquité, comme Cléopâtre, est longue. En revanche, les modèles féminins ne se bousculent pas depuis près de deux cents ans, notamment quand Abla Pokou, princesse ashanti, est devenue reine des Baoulés, au 18e siècle, ou encore quand Seh-Dong-Hong-Beh a dirigé l’armée des célèbres amazones du Dahomey, en 1851. Où sont donc passées les femmes de pouvoir ?
Sans faire de raccourci hasardeux, il faut reconnaître que le contexte a évolué. Le temps des conquistadors et autres bellicistes en quête de construction ou de destruction d’empires est derrière nous, et les occasions d’idolâtrer des héros et des héroïnes s’amenuisent – même si un président noir a été élu en 2008 à la tête de la première puissance mondiale. Et si de vraies figures féminines ont récemment pris le pouvoir en Afrique – Sahle-Work Zewde en Éthiopie et Samia Sululh Hassan en Tanzanie –, seules trois autres femmes occupent actuellement le poste de Première ministre (Tunisie, Togo, Guinée équatoriale), ce qui est loin d’être suffisant. D’autant que la bataille pour voir émerger davantage de mixité dans les postes à responsabilité – alors que les femmes représentent 50% de la population mondiale – se déroule aussi sur le terrain économique, un domaine dans lequel les disparités sont criantes.
Considérations patrimoniales
Une vérité particulièrement douloureuse en Afrique, relève une récente étude mondiale sur les discriminations hommes-femmes conduite par l’Organisation européenne de coopération économique (OCDE). L’institution a attribué à 180 pays un score de 0 à 100 (où 100 correspond à une discrimination totale) en prenant en compte quatre domaines – la famille, l’accès aux ressources, l’intégrité physique et les libertés civiles –, afin d’en évaluer les niveaux d’inégalités. L’Afrique, qui obtient le score de 41, dépasse largement la moyenne mondiale qui s’établit à 30.
Dans ce tableau, la Mauritanie et le Cameroun apparaissent comme les deux pays du continent où les discriminations sont les plus fortes, avec respectivement un score de 67,7 et 66,2 sur la même échelle. À l’inverse, la Côte d’Ivoire (17,9) et le Zimbabwe (19,5) se distinguent favorablement. Par ailleurs, un autre chiffre tiré de l’étude est frappant : 60 % des femmes africaines vivent dans des pays dont le niveau de discrimination est jugé élevé.
Un constat peu reluisant que l’on peine à s’expliquer aujourd’hui. Tout comme un autre palmarès qui, lui, porte sur des considérations patrimoniales. Où sont les femmes africaines puissantes en termes de fortune ? L’Occident avait sa Liliane de Bettencourt dont l’héritage et les quelque 80 milliards de dollars de patrimoine maintiennent sa fille Françoise Bettencourt Meyers (et sa famille) à la onzième place des fortunes mondiales. Toutes proportions gardées, de quoi – ou de qui – l’Afrique peut-elle se prévaloir ?
Question rhétorique
Depuis la disparition de l’Angolaise Isabel Dos Santos, fille aînée de l’ancien président José Eduardo dos Santos, du classement Forbes des milliardaires africains, aucune femme n’y est plus recensée. Cela signifie-t-il qu’aucune femme ne créé de richesse sur le continent ? Question rhétorique, pour plusieurs raisons. D’abord car tous ces hommes puissants sont nés d’une femme toute aussi puissante. Ensuite parce qu’à en croire les dynamiques de politiques d’égalité hommes-femmes mises en place dans certains pays, avec l’instauration de quotas de genre pour garantir la parité aux postes de représentation politique, les choses pourraient évoluer rapidement… Si les textes venaient à être réellement suivis d’effets. La situation n’est pas différente dans les grandes entreprises que compte le continent et qui sont contraintes d’en passer par des quotas ou d’autres mesures de discrimination positive pour inverser la tendance. Mais qu’importe au final, tant que le résultat est là.