Ce que le Maroc et l’Algérie gagneraient à l’ouverture de la frontière
Tourisme, hydrogène vert, croissance économique. La normalisation des relations entre le Maroc et l’Algérie marquerait le début d’une nouvelle ère pour les deux pays et toute la région.
La restauration des liens entre le Maroc et l’Algérie pourrait booster le PIB des deux nations voisines. Ici, gardes-frontières algériens patrouillant le long de la frontière avec le Maroc, le 4 novembre 2021. © FADEL SENNA/AFP
Un « retour à la normale » avec l’Algérie. Ni plus, ni moins. Tel est le vœu exprimé par Mohammed VI lors de son allocution radiotélévisée adressée à la nation, le samedi 29 juillet, marquant l’anniversaire de son accession au trône.
La clé de cette normalisation réside notamment dans la réouverture de la frontière, fermée depuis 1994. Une démarche primordiale, a fortiori après la rupture des liens diplomatiques entre l’Algérie et le Maroc, en août 2021. Alger accusait Rabat de mener des « actes hostiles ». Des accusations jugées « complètement injustifiées » par le royaume. Depuis lors, les relations entre les deux voisins sont alimentées par une rivalité régionale exacerbée par leur antagonisme au sujet du Sahara occidental. Si le vœu du roi du Maroc venait à être exaucé, quels en seraient les impacts économiques ?
Commerce : un impact considérable
D’après la Banque mondiale, si une réelle intégration entre l’Algérie et le Maroc avait lieu, les deux voisins augmenteraient respectivement leur PIB de 35 % et 30 %. En 2021, selon les données de l’Office des changes marocain, les échanges maroco-algériens s’élevaient seulement à un peu plus d’un demi-milliard de dollars par an. En comparaison, et comme le rappelait Jean-Michel Huet, associé Afrique au sein du cabinet de conseil BearingPoint, dans les colonnes de Jeune Afrique, « l’Espagne et le Maroc échangent à ce jour 30 fois plus que le Maroc et l’Algérie ».
En 2023, d’après un rapport économique publié par le groupe Crédit agricole, l’Afrique du Nord est la région du monde où l’intégration commerciale régionale est la plus faible. Une donnée qui vient confirmer une étude de la Banque mondiale sur « le coût du non-Maghreb » datant de 2014, qui démontre que la région perd au moins deux points de PIB chaque année notamment à cause de la mésentente entre le Maroc et l’Algérie.
Avec la mise en place de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) – qui vise à supprimer les barrières tarifaires et non tarifaires sur les biens et services échangés –, ce coût d’opportunité risque d’augmenter.
Tourisme : une proximité inébranlable
Malgré la fermeture des frontières terrestres, le Maroc figurait parmi les destinations les plus prisées par les Algériens – aux côtés de la Tunisie, de la Turquie et de l’Espagne. Selon différentes sources, le royaume accueille annuellement au moins 100 000 touristes du pays voisin.
Un volume certes modeste au regard des 13 millions de touristes accueillis en 2019, mais l’engouement des Algériens pour la destination ne se dément pas. Le journal algérien L’Expression vantait ainsi, en 2014, « le bon accueil de la population marocaine, qui demeure malgré les tensions politiques, toujours proche du peuple algérien ».
Du côté algérien, il n’existe pas de statistiques publiques sur les arrivées touristiques en provenance du Maroc.
Aérien : un projet dans les cartons
Chez Royal Air Maroc, pas question de se laisser surprendre par une potentielle réouverture des frontières, car les démarches sont nombreuses avant que les vols puissent être opérationnels – et remplis. Aussi, la compagnie marocaine dépose-t-elle régulièrement des plans de vols entre son hub de Casablanca et la capitale algérienne. Sans les ouvrir à la réservation, bien évidemment.
Cette stratégie, qui lui permettra de minimiser le délai de restauration de cette route coupée depuis près de deux ans, l’oblige en revanche à décaler sans cesse ses projets. Sa dernière mise à jour prévoit ainsi une reprise des vols le 30 octobre prochain, à raison de quatre allers-retours par semaine en Boeing 737-800. Ce qui représente un décalage de près de deux mois par rapport à sa précédente anticipation, laquelle s’établissait le 2 septembre.
Air Algérie, qui proposait la destination Casablanca avant la rupture totale entre les deux pays, semble quant à elle guetter un signal politique avant d’enclencher des préparatifs de reprise.
Un souhait univoque ?
Selon une source algérienne proche du gouvernement qui s’est exprimée auprès de Jeune Afrique sous le couvert de l’anonymat, « l’Est du Maroc connaît des niveaux de pauvreté extrême. Pour cette région, l’ouverture des frontières et la coopération avec l’Algérie sont importantes. A contrario, du côté algérien, on gagnera peu dans cette normalisation ».
Ferid Belhaj, vice-président de la Banque mondiale pour la région MENA, qui s’est récemment exprimé à ce sujet, ne partage pas le même avis. « Entre le Maroc et l’Algérie, les perspectives de collaboration sont infinies. Par exemple, avec l’hydrogène vert, ces deux pays pourraient constituer à eux seuls un pôle de premier plan à l’échelle mondiale. Malheureusement, les disparités politiques ont eu raison des énormes opportunités économiques », estime-t-il.