Après le Niger, Paris ferme le robinet financier au Burkina

Après les tensions diplomatiques et la rupture des accords militaires entre les deux pays, la France a rompu ses liens économiques avec le Burkina Faso.

Mis à jour le 8 août 2023 à 16:00
 

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L’université Thomas-Sankara à Ouagadougou, en octobre 2021. © Issouf SANOGO/AFP

 

 

Les relations franco-burkinabè n’en finissent plus de se dégrader depuis l’arrivée au pouvoir du capitaine Ibrahim Traoré. Après les manifestations antifrançaises à répétition à Ouagadougou, ou encore la demande de départ de l’ambassadeur de France en janvier, ainsi que celui des forces spéciales françaises du dispositif Sabre poussées vers la sortie, le 6 août, Paris a décidé de suspendre « jusqu’à nouvel ordre toutes ses actions d’aide au développement et d’appui budgétaire » au Burkina Faso.

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Cette annonce intervient alors que le Burkina Faso et le Mali sont solidaires des militaires qui ont pris le pouvoir au Niger. La France soutient quant à elle les pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) dans leurs efforts pour rétablir le président renversé Mohamed Bazoum, retenu prisonnier depuis le coup d’État du 26 juillet.100 millions d’euros par an

Premier bailleur bilatéral du Burkina Faso, classé parmi les 19 pays prioritaires de la politique de développement française, Paris décaisse environ 100 millions d’euros par an en faveur du pays. Par exemple, en 2022, l’Agence française de développement (AFD) a engagé 83 millions d’euros dans des secteurs prioritaires. L’aide humanitaire a également atteint 28 millions d’euros, principalement à destination des quelque deux millions de déplacés internes que compte le pays.

Au total, les projets en cours de l’aide française au développement en faveur du Burkina Faso représentent 482 millions d’euros tandis que l’aide budgétaire programmée en 2022 s’élève à 13 millions d’euros, a indiqué le ministère français des Affaires étrangères.

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La France soutient plus particulièrement les secteurs de l’éducation, de l’agriculture, de la décentralisation et de la sécurité. Contactée par Jeune Afrique, une source gouvernementale burkinabè tient à tempérer les conséquences de cette suspension. « La France ne nous donnait pas grand-chose. Pour nous, c’est un non-évènement. Nous n’avons pas reçu d’aide budgétaire en 2022 ni cette année », assure notre interlocuteur.

Creusement du déficit budgétaire

Cet avis n’est pas partagé par tous. « La suspension de l’appui français au Burkina concerne une enveloppe de 325 milliards de francs CFA en cours d’exécution », rappelle Fangassé Mahamadou Diarra, universitaire burkinabè agrégé des facultés d’économie. « Les conséquences sont nombreuses, à commencer par le rétrécissement des ressources budgétaires de l’État avec son corollaire qui est le creusement du déficit budgétaire.

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L’autre conséquence est l’arrêt de l’exécution des projets dans les domaines d’intervention de l’AFD à savoir l’énergie, la sécurité alimentaire, l’eau potable et assainissement, l’aménagement du territoire et le développement des zones affectées par l’insécurité. »

Selon Ouagadougou, en 2021, le volume total des aides apportées par les différents partenaires financiers du pays se chiffrait à 2,17 milliards d’euros. L’aide décaissée est caractérisée par la prédominance des dons (69 %) et de l’aide multilatérale (63,8 %).