Au Mali, Ben le Cerveau envoyé en prison après avoir critiqué les autorités de transition

Figure médiatique pro-transition, le chef du mouvement Yerewolo – Debout sur les remparts a été interpellé lundi 4 septembre et placé sous mandat de dépôt. Il venait de se prononcer publiquement contre un prolongement de la transition.

Mis à jour le 5 septembre 2023 à 17:59
 

 

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Adama Diarra alias « Ben le Cerveau », fondateur du mouvement « Yerewolo », lors d’une manifestation contre la présence militaire française au Mali, à Bamako, le 19 février 2022. © Paloma Laudet

Ce mardi 5 septembre, Adama Ben Diarra, soutien affiché du président Assimi Goïta et membre du Conseil national de transition (CNT), aussi connu pour ses prises de positions pro-russes et anti-françaises, a été placé sous mandat de dépôt par le parquet du tribunal de la Commune VI de Bamako pour « atteinte au crédit de l’État ». Il séjournera à la Maison centrale d’arrêt de Bamako dans l’attente son procès, prévu vendredi 8 septembre à 10h (locale).

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Il a été interpellé après avoir invité, sur différents médias maliens, Assimi Goïta à respecter le calendrier de la transition qui prévoit une élection présidentielle en février 2024. Il s’en serait également pris à une autre (puissante) figure de la junte au pouvoir : le colonel Modibo Koné, le patron de la Sécurité d’État (SE, les services maliens de renseignement).

Soutien aux putschistes du Niger

C’est à la sortie du cimetière de Hamdallaye, au nord de Bamako – dans lequel reposent les anciens présidents Modibo Keïta, Moussa Traoré et Amadou Toumani Touré – qu’a été arrêté Adama Ben Diarra, lundi 4 septembre, selon son mouvement Yerewolo. Il y commémorait le septième anniversaire du décès d’Amadou Seydou Traoré, dit Amadou Djicoroni, figure politique dont il revendique l’héritage.

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Connu pour être un fervent soutien de la junte dirigée par Assimi Goïta – à travers notamment son militantisme pour le départ de l’armée française et de la Minusma, la mission de maintien de la paix de l’ONU au Mali – Adama Ben Diarra s’était récemment exprimé pour condamner les sanctions américaines à l’encontre du ministre de la Défense, le colonel Sadio Camara. Début août, il avait également annoncé son soutien aux putschistes ayant pris le pouvoir au Niger fin juillet. « Tous les présidents qui ne vont pas se plier au mot d’ordre du panafricanisme vont tomber un à un », avait-il alors déclaré.

Pour le respect du calendrier électoral

Ce soutien des putschistes de la première heure, ancien membre du comité stratégique du Mouvement du 5 juin – Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) ayant mené à la chute de l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), en août 2020, aurait-il retourné sa veste ?

« Il a estimé qu’une prolongation de la transition au Mali mènerait à de nouvelles sanctions de la Cedeao, ce qui aurait des conséquences insoutenables pour les populations », affirme un journaliste malien qui a approché Ben le Cerveau récemment et qui souhaite rester anonyme. Si l’activiste s’est prononcé en faveur d’un maintien de l’élection présidentielle en février 2024, il a aussi précisé soutenir une éventuelle candidature d’Assimi Goïta.

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Critiques contre Modibo Koné

« Il soutient toujours Goïta », assure un de ses confidents. Quelques heures après son arrestation, un message Facebook publié sur la page d’Adama Ben Diarra appelait ainsi ses partisans à continuer le combat « sous le leadership du président libérateur Assimi Goïta ». Pourtant, en novembre 2022, le leader de Yerewolo avait déjà défrayé la chronique en critiquant l’augmentation du budget de la présidence et du CNT.

Cette fois, c’est à Modibo Koné, chef de la redoutée SE, que s’en est pris Adama Diarra. « Il déplore le comportement de certains chefs militaires et a dénoncé plusieurs actions de la sécurité d’État, comme des cas de corruption », indique le journaliste précédemment cité.

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Depuis quelques semaines, Adama Diarra savait son siège au CNT en sursis et disait même « s’attendre à tout ». Le 27 août, il s’était pourtant prononcé pour la levée de l’immunité parlementaire d’un autre membre du CNT également dans le viseur de la junte, Mamadou Diarrassouba, ancien questeur de l’Assemblée nationale, en facilitant ainsi les poursuites pour fraudes contre ce dernier.