A l’occasion de la transposition de directives européennes sur le droit d’asile, le Ministre de l’Intérieur a présenté un texte de loi relatif à la réforme du droit d’asile. Mardi 16 décembre, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi (324 voix pour et 188 voix contre).
Ce projet de loi traduit un double objectif :
Réduire les délais de traitement des demandes de droit d’accès à l’asile et d’autre part. C’est la nécessité de redonner du sens à l’asile en protégeant les personnes, sans qu’elles aient à attendre des années dans une situation précaire et instable.
Améliorer l’accueil des demandeurs, dans le cadre de leur parcours. Le gouvernement a clairement fait le choix du développement de l’hébergement pérenne, plutôt que le recours à l’hébergement d’urgence en hôtel. Ce choix est justifié par le fait que l’hébergement pérenne est mieux adapté aux besoins des demandeurs (accompagnement juridique, social…).
Même si ce texte de loi ne répond pas à l’ensemble des problématiques liées au droit d’asile, notamment l’accès au marché du travail ou encore la situation des demandeurs aux frontières, à travers ce texte l’Assemblée Nationale a réaffirmé l’importance du droit d’asile.
La Cimade a publié sur son site internet une analyse des principales mesures adoptées à l’Assemblée Nationale. Le texte sera débattu au Sénat dans les mois qui viennent.
1- Enregistrement et droit au séjour des demandeurs (article 12)
La personne qui veut demander asile doit se présenter sans justifier d’une domiciliation auprès du préfet qui enregistre sa demande dans un délai de trois jours ouvrables (six jours s’il s’est adressé à une plateforme d’accueil et dix jours en cas d’afflux massif).
Si sa demande relève de la France, il lui est remis une attestation de demande d’asile valant autorisation de séjour. Il est mis en mesure de saisir l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et le préfet enregistre immédiatement la demande. L’attestation est renouvelée jusqu’à la décision de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).
2- Procédure Dublin (article 13)
Ce droit au séjour n’est pas accordé aux personnes qui sont susceptibles de relever du règlement Dublin qui seront munies d’attestation autorisant leur maintien en France jusqu’à leur transfert effectif vers l’État membre responsable de leur demande d’asile. Elles peuvent être assignées à résidence pendant la procédure de détermination de l’État membre responsable pendant une période de six mois renouvelable une fois.
La décision de transfert vers un autre État membre peut faire l’objet d’un recours devant le tribunal administratif. Le délai de recours est de quinze jours et le juge statue seul (et non en formation collégiale) dans un délai de quinze jours. Ce recours est suspensif.
3- Procédures accélérées, procédures d’irrecevabilité et de clôture (article 7)
La procédure accélérée remplace la procédure prioritaire et les cas dans lesquels les personnes peuvent être soumises à cette procédure sont plus nombreux qu’auparavant. L’Ofpra peut décider de placer en procédure normale une personne qui a été placée en procédure accélérée si cela est nécessaire.
Le projet de loi crée des procédures de recevabilité des demandes ainsi que la possibilité pour l’Ofpra de clore le dossier dans un certain nombre de cas.
En cas de procédure accélérée ou d’une demande jugée irrecevable, le demandeur bénéficie de moins de garanties puisque son recours est examiné à la CNDA par un juge unique dans un délai de cinq semaines (au lieu d’un examen en cinq mois par une formation collégiale).
4- Entretien à l’OFPRA (article 7)
Le demandeur répond aux questions de l’officier de protection de l’Ofpra dans une langue dont il a une connaissance suffisante et peut être accompagné d’un avocat ou d’un représentant agréé d’association de défense des droits des étrangers, des droits de l’homme, du droit des femmes ou des enfants ou associations visant à lutter contre les persécutions sexuelles habilitée qui prend des notes pendant l’entretien et peut faire des observations à son issue. La transcription de l’entretien qui comprend les observations du tiers est transmise, sur demande, au demandeur ou à son avocat.
5- Procédure d’asile en rétention (article 9A et 9)
Le retenu dispose du droit de demander asile pendant un délai de cinq jours et il bénéficie d’une aide juridique et linguistique.
Le projet de loi prévoit de créer la possibilité de maintenir en rétention par une décision écrite et motivée une personne qui y demande l’asile si sa demande n’est présentée que pour faire échec à l’éloignement.
La procédure est accélérée et il n’est mis fin à la rétention qu’en cas d’octroi d’une protection ou si l’Ofpra considère qu’il ne peut statuer selon cette procédure notamment parce que la personne est considérée comme vulnérable.
Le recours au TA contre la décision de maintien en rétention peut être fait dans un délai de 48h après la notification de la décision de rejet de l’Ofpra (sauf dans les DOM où le recours n’est pas de plein droit suspensif.
6- Recours devant la CNDA (article 10)
Le recours contre la décision de rejet se fait dans un délai d’un mois. La Cour dispose de cinq mois pour statuer en procédure normale, de cinq semaines en procédure accélérée.
7- Dispositif d’accueil, allocation financière et hébergement (article 15 et 16)
C’est l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) qui est le maître d’œuvre du dispositif d’accueil après l’enregistrement de la demande d’asile par le préfet. L’OFII peut déléguer ses missions d’accueil, d’information et d’accompagnement à des associations. Il propose un hébergement et une allocation financière à chaque demandeur.
L’hébergement se fait soit en centre d’accueil de demandeurs d’asile (CADA) soit en hébergement d’urgence des demandeurs d’asile (HUDA). Dans ces lieux, les demandeurs bénéficient d’un accompagnement juridique et social. Les frais d’accueil et d’hébergement sont pris en charge par l’État. Tous les demandeurs d’asile peuvent être admis dans les lieux d’hébergement, y compris les « Dublinés » (mais ces derniers n’entrent pas dans les CADA).
Le demandeur qui ne dispose pas d’un hébergement en CADA ni d’un domicile stable dispose d’un droit à la domiciliation dans une association agréée.
L’entrée, la sortie ou le changement de lieu sont décidés par l’OFII en tenant compte de la situation du demandeur et après consultation du directeur du lieu d’hébergement. L’OFII s’assure de la présence des demandeurs dans les lieux d’hébergement et les responsables des centres doivent déclarer les places disponibles et aussi alerter le préfet de l’absence injustifiée et prolongée des personnes.
Le préfet peut limiter ou retirer au cas par cas les conditions d’accueil si la personne a abandonné le lieu d’hébergement, ne s’est pas présentée aux autorités, ne s’est pas rendue à un entretien, a dissimulé ses ressources ou menti sur sa situation familiale, sollicite un réexamen ou n’a pas formulé sa demande immédiatement.
L’allocation est versée au demandeur qui a accepté l’offre de prise en charge pendant toute la procédure d’asile ou Dublin. Elle prend en compte la composition familiale, les ressources du demandeur et son mode d’hébergement. Les demandeurs ont accès au marché de l’emploi à la formation professionnelle au bout de neuf mois de procédure devant l’Ofpra.
8- Détection de la vulnérabilité (article 15)
L’OFII est compétente pour procéder à une évaluation des besoins des personnes vulnérables après un entretien personnel avec le demandeur d’asile. Cependant seul l’Ofpra évalue les « vulnérabilités » liées aux éléments d’information de la demande (torture, femmes victimes de violence).
9- Membres de famille de réfugiés (article 18 et 19)
Le droit à une carte de résident est étendu aux partenaires et concubins notoires majeurs de la personne réfugiée ainsi qu’aux parents de mineurs réfugiés.
La procédure de réunification familiale se fait sans conditions de ressources, de logement et de durée de séjour en France pour les conjoints, concubins ou partenaires de réfugiés ainsi que pour leurs enfants mineurs.