Voix d'Afrique N°105.

Calais
Evacuer, et après ?


Qu’on le veuille ou non, des images font honte ! À ceux qui n’ont rien, la force vient enlever même ce qu’ils n’ont pas. Une fois de plus, les refuges de fortune dressés par les migrants aux abords du port de Calais ont été démantelés et leurs occupants dispersés. Ils étaient insalubres : personne ne prétendra le contraire ! Ils étaient devenus le repère de la gale, ce n’est pas une surprise. Les migrants rassemblés constituent une proie facile pour des exploiteurs sans scrupules. La misère n’est pas perdue pour tout le monde.

Le scandale n’est pas fondamentalement dans la démolition de ces camps improvisés, mais dans les raisons de leur apparition.

Jusques à quand se poursuivra sur nos rivages un déni d’humanité qu’une sournoise indifférence s’efforce de cacher ? Il n’y a pas des migrants dont l’errance gêne et dérange. Chacun d’entre eux a un visage, porte une histoire, crie une souffrance, fuit une détresse, redoute une persécution. Aucun être humain ne se coupe de son pays, de sa famille, de sa culture, de sa dignité sans y être poussé par d’impérieux motifs. D’autres êtres humains peuvent-ils à leur égard demeurer sourds et aveugles ?

Il n’appartient pas aux seuls Calaisiens, aux seuls Français, d’assumer les conséquences de décisions politiques anciennes ou récentes qui défient le bon sens. Les pouvoirs nationaux, européens et mondiaux ont, un jour, sollicité le droit et l’honneur de gouverner leurs semblables. Ils ne peuvent pas se dérober à la lourde responsabilité de gérer ensemble le délicat problème des migrations et des causes qui les engendrent.

La difficile recherche de solutions concertées et durables ne saurait justifier la mise entre parenthèses de la grandeur et de la valeur de chaque être humain. Il n’est pas davantage acceptable d’abandonner à des bénévoles plus merveilleux les uns que les autres la sauvegarde du minimum de respect qui est dû à chaque membre de la famille humaine quelles que soient ses origines, son appartenance, sa langue et sa culture.
Un abri, l’hygiène, les soins, un simple repas : est-ce déjà trop demander ?

Les récentes consultations électorales ont souligné les énormes défis que doit relever notre communauté nationale. Elle ne le fera qu’en retrouvant les valeurs susceptibles de reconstituer le tissu d’un vouloir-vivre commun trop abîmé. La solidarité au-delà des frontières a toujours renforcé l’unité à l’intérieur de notre pays. Le véritable service du frère n’appauvrit pas. Il ajoute toujours un surcroit d’humanité. Nous en avons bien besoin.

28 mai 2014

+ Jean-Paul JAEGER
Evêque d’Arras