« la religiosité me parait plus forte que les religions »
ENTRETIEN avec Dionigi Albera, anthropologue, directeur de recherches au CNRS, commissaire principal de l’exposition « Lieux saints partagés », au MuCEM de Marseille. Propos recueillis par Jean-Christophe Ploquin.
Pourquoi avoir organisé cette exposition sur les lieux saints partagés ? C’est un message d’espoir à contre-courant d’une actualité qui souvent nous accable. On y montre la parenté, le cousinage, la connivence qui peuvent exister entre les trois grands monothéismes. Des concepts, des personnages comme Abraham ou Marie circulent de l’un à l’autre. (…)
Le monde que décrit l’exposition ne s’est-il pas évanoui, notamment en Afrique du Nord où les chrétiens et les juifs ont quasiment disparu Pas de nostalgie ! Ces partages restent vivaces dans de très nombreux endroits. On constate des résurgences, notamment en Europe, avec l’installation des migrants venus d’Afrique du Nord, du Sahel ou du Moyen-Orient. Notre-Dame-de-la-Garde, le plus fort symbole de Marseille, est ainsi devenu un lieu de fréquentation interreligieuse. Aujourd’hui, nous sommes très inquiets sur le sort des chrétiens d’Orient. Leur tragédie me touche personnellement. Mais souvenons-nous que pendant quinze siècles, chrétiens et juifs ont vécu sous domination musulmane avec des droits garantis de culte et de libre exercice de leur religión. Bien sûr, ce n’étaient pas des dispositifs juridiques comparables à ceux mis en place en Europe depuis les Lumières, mais ces communautés ont longtemps vécu dans une situation plus enviable que celles des musulmans et des juifs en Europe. Aujourd’hui, il faut s’extirper de l’actualité brûlante pour percevoir de nouveaux processus à l’œuvre.
Finalement, l’exposition est un hymne à la fraternité ? Nous présentons des faits méconnus, nous pointons des chemins de traverse : oui, des gens de religions différentes sont à même de prier dans un même lieu, de se rencontrer sans problème dès lors qu’il n’y a pas d’instrumentalisation politique. Il ne s’agit pas de dialogue interreligieux, plutôt d’un silence interreligieux, fait de gestes, de présences, de mémoires communes. (Source: la Croix/28.04.15/ RECUEILLI PAR JEAN-CHRISTOPHE PLOQUIN)
Algerie – demande d’entretien avec le gouvernement de la part de chrétiens évangéliques
Un groupe de chrétiens évangéliques algériens appartenant à l’Église Protestante d’Algérie (APA) a envoyé une lettre aux Ministres de l’Intérieur et des Affaires religieuses pour demander un colloque ainsi que l’application de mesures urgentes à propos de questions demeurées en suspens afin de rendre effectif et clair l’encadrement de la communauté ecclésiale évangélique dans le cadre juridique national. C’est ce qu’indique l’organisation Middle East Concern dans un communiqué envoyé à l’Agence Fides. Parmi les questions pour lesquelles est demandé une intervention résolutoire des ministères algériens se trouve l’urgence d’appliquer le permis d’importation des Bibles de la part de la Bible Society, depuis longtemps en possession des licences requises. Dans leur lettre aux autorités compétentes, les responsables de l’Église Protestante d’Algérie regrettent que le gouvernement n’ait pas encore approuvé les nominations du nouveau conseil exécutif de la communauté ecclésiale, communiquées dans les temps aux organismes compétents en novembre dernier, conformément aux lois algériennes relatives aux associations. Dans la lettre, sont également rappelés d’autres domaines dans lesquels les chrétiens en Algérie font l’expérience de restrictions de la liberté religieuse, comme la difficulté d’obtenir des permis de construire pour les lieux de culte et le droit contrarié de donner des noms chrétiens à leurs enfants. (GV) (Agence Fides 06/05/2015)
Olivier Roy : «la laïcité n’est pas une réponse au terrorisme»
INTERVIEW – Spécialiste de l’Islam et fin connaisseur du djihadisme, Olivier Roy revient sur la recomposition à l’œuvre au Proche-Orient. Concernant la France, il suggère de « réintroduire de la culture » à l’école et « d’assumer le débat dans les classes ».
A quelques jours du déplacement du chef de l’Etat en Arabie saoudite et près de quatre mois après les attentats à Paris, le politologue et spécialiste de l’Islam Olivier Roy revient sur la recomposition à l’œuvre au Proche-Orient. En France, il convient, selon lui, de distinguer djihadistes et musulmans fondamentalistes. Face aux premiers, « il faut du bon renseignement », dit-il, réservé sur le projet de loi du gouvernement. S’agissant des seconds, il se défie d’une « lacïcité autoritaire ». «Il faut réïntroduire de la culture » à l’école et « assumer le débat dans les classes », souligne-t-il.
Passionné par l’Orient depuis son premier voyage en Afghanistan, en auto-stop en 1969, Olivier Roy est, à près de soixante-six ans, professeur à l’Institut universitaire européen de Florence, où il dirige le Programme méditerranéen. Spécialiste de l’Islam et fin connaisseur du djihadisme, cet agrégé de philosophie et docteur en sciences politiques a longtemps travaillé au CNRS. Auteur, en 1992, de « l’Echec de l’islam politique », il a publié l’an dernier « En quête de l’Orient perdu » (Le Seuil, 2014).
Les attentats en France, Tunisie et Kenya indiquent-ils que les djihadistes sont devenus une menace mondiale ?
Mais c’est le cas depuis longtemps ! Depuis le 11 septembre 2001, qui marque leur irruption sur la scène médiatique. Ils peuvent frapper partout depuis les années 1990. On assiste, toutefois, à un changement qualitatif avec Daech, qui tient un territoire et constitue une force d’attraction considérable, par opposition à Al Qaida. Ben Laden voulait frapper dans le monde entier, mais sans chercher à tenir un pays, il n’était qu’hébergé par les talibans. Daech peut, en revanche, intégrer des milliers de volontaires de nos pays. (Source : Les Echos/30.04.15)
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Le cardinal ricard fustige un « vieux laïcisme de combat » qui réapparaît en france
Dans un texte publié dans le numéro d’avril du journal Église catholique en Gironde, l’archevêque de Bordeaux revendique le droit à l’expression religieuse dans l’espace public. Dans le numéro d’avril 2015 du journal Église catholique en Gironde, le cardinal Jean-Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux, publie un texte dans lequel il revient sur les questions de laïcité et de la place de l’islam dans la société française.
Notant la façon « souvent combative » dont la laïcité est abordée, le cardinal Ricard remarque que celle-ci « devient pour certains le quatrième pilier de notre vie républicaine ». « On veut l’étendre à tous les secteurs de l’espace public, écrit-il. On somme les religions de la respecter. On souhaite la promouvoir de façon plus convaincante dans tout notre système éducatif. » « Mais de quelle laïcité parle-t-on ? », s’interroge l’archevêque de Bordeaux qui note que certaines interprétations de cette notion « sont compatibles avec une approche chrétienne de l’homme et de la société, d’autres pas ».
S’appuyant sur la constitution de la Ve République, le cardinal Ricard estime que la laïcité de la République désigne la neutralité de l’État et son indépendance vis-à-vis des fois religieuses et des convictions philosophiques ». « Cette laïcité est une laïcité de respect, assure-t-il. Aucun citoyen ne doit être discriminé à cause de sa croyance ou de sa religion. C’est pour respecter cette diversité de convictions ou de croyances que les fonctionnaires de l’État respecteront cette neutralité et veilleront à ne pas manifester sur leur lieu de travail leur propre appartenance. »
« Si les religions en France ne sont plus de droit public, la mission de la République n’en est pas moins d’assurer la liberté de conscience, la liberté de religion et de garantir aux religions leur expression publique, ajoute-t-il. En effet, la loi parle bien de “culte” et non pas simplement de convictions personnelles. La seule restriction que met la loi à l’expression publique des religions est le risque de trouble à l’ordre public. »
« Or, nous voyons aujourd’hui s’exprimer une autre conception de la laïcité, déplore l’archevêque de Bordeaux. Réactivant un vieux laïcisme de combat qui s’était exprimé lors de la Troisième République contre l’Église catholique, un certain nombre de partisans de cette laïcité militante demandent l’exclusion des religions et des expressions religieuses de “l’espace public”. Pour eux, les religions sont souvent synonymes de fanatisme, de volonté de puissance et de violence. À défaut de les voir disparaître, ils veulent les cantonner dans l’espace clos des convictions personnelles et des lieux de culte. L’espace public doit être aseptisé, exempt de toute référence religieuse. La moindre manifestation religieuse sera taxée de “prosélytisme”. La République ne connaîtra que des citoyens dont on ne veut pas prendre en compte l’appartenance religieuse éventuelle. Parfois, on militera pour aider ce citoyen à prendre des distances vis-à-vis de sa propre appartenance communautaire. » (Source : la Croix/29/4/15/ Cl.H.)
Une interview de Bernard Maris, économiste, franc-maçon, réalisée en 2012. Bernard Maris collaborait à "Charlie Hebdo" et a fait partie des victimes de janvier 2015
Il s'agit de l'entretien de Bernard Maris au Centre Laïc de l'Audio Visuel.
Bernard Maris est décédé au cours de l'attentat contre Charlie Hebdo en janvier 2015.
Son entretien date de 2012, et la première partie porte sur la laïcité et la conception qu'il en a. Très intéressant. Cliquer juste dessous :
http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&cad=rja&uact=8&ved=0CCEQFjAA&url=http%3A%2F%2Fwww.clav.be%2Fprod_entretienmaris.html&ei=o1ROVa2HNcblUvyxgDA&usg=AFQjCNErnUZiQ5QFOPz9ntBtO7y7toBkng&bvm=bv.92885102,d.d24
Ce qu'il dit de l'économie ne manque pas non plus d'intérêt...
"Le Figaro" disait de lui : «Oncle Bernard» fait partie des 12 victimes du terrible attentat qui est survenu hier au siège de Charlie Hebdo, à Paris. Un père de famille intelligent, sensible, qui était reconnu et respecté par tous ses confrères. Bernard Maris, économiste iconoclaste de gauche qui a été tué mercredi à 68 ans dans l'attentat contre l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, était un homme «tolérant et bienveillant», reconnu pour la qualité de sa pensée et son art de la vulgarisation. «C'était un homme tolérant, bienveillant, amical, bourré d'humour et surtout ne se prenant pas au sérieux», a raconté à l'AFP, manifestement ému, l'éditorialiste des Échos Dominique Seux, qui débattait avec lui chaque semaine sur France Inter. «Bernard Maris était un homme de coeur, de culture et d'une grande tolérance. Il va beaucoup nous manquer», a déclaré de son côté dans un communiqué Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France, saluant celui qui a été nommé en 2011 au conseil général de la banque centrale. Diplômé de l'Institut d'études politiques de Toulouse en 1968, agrégé de sciences économiques en 1994, il avait récemment achevé sa carrière d'enseignant-chercheur à l'université Paris 8 après un détour plus ancien par Toulouse."
Dans "Le Monde" : "Il a été une personnalité marquante de la pensée économique contemporaine ; ses choix iconoclastes l’ont conduit à pourfendre inlassablement l’économie standard et à dénoncer ses impostures. Acteur et penseur de son temps, dans une société soumise à des évolutions très puissantes depuis les années 1980 et à une crise sans précédent depuis le milieu de la dernière décennie, il s’est attaché, sans relâche à participer à la tâche indispensable de l’examen des idées, des institutions, des pratiques, des discours. Son esprit critique s’accompagnait toujours de propositions fortes. Bernard pourfendait les idées néoclassiques, il était attentif à la place de la confiance et au rôle des politiques publiques pour soutenir l’activité économique. Dans ce cadre, il fut un fervent défenseur des politiques sociales, de la réduction du temps de travail, de la décroissance et milita pour un revenu universel. Il refusait d’être enfermé dans une opinion définitive."