Missionnaires d'Afrique


Jean-Michel Laurent M.Afr
Secrétaire à la formation

Rome

L'obéissance

Bonjour de Rome. Ceux d'entre vous qui s'approchent de la fin de leur formation initiale sont maintenant habitués à recevoir chaque année une lettre du Conseil Général, aux bons soins du Secrétaire à la Formation Initiale. Si vous y faites attention, vous constaterez que chacune d'entre elles discute d'une valeur fondamentale de la politique de formation mise en place par nos instances de gouvernement : notre vie spirituelle et sa visibilité, la confiance, le sens des responsabilités... Chacune de ces lettres essaie de promouvoir une de ces valeurs centrales et de montrer son importance. La valeur mise en exergue par la lettre de cette année est l'obéissance.

Commençons par le commencement : " C'est pour que nous soyons vraiment libres que le Christ nous a libérés " (Gal 5:1). Pas question d'obéir sans réfléchir. L'époque où les supérieurs demandaient une obéissance aveugle à leurs ordres est heureusement terminée. Nous sommes des êtres humains créés libres par Dieu et Il désire que nous le restions. Personne ne vous a forcés à entrer dans le programme de formation des Missionnaires d'Afrique et personne ne peut vous forcer à y rester contre votre gré. Vous êtes (ou êtes en train de devenir) des personnes libres.

Que faire avec cette liberté que Dieu nous accorde ? C'est toujours la personne de Jésus qui nous sert de référence. Saint Luc nous le présente comme enfant obéissant à ses parents et homme respectueux des coutumes comme celle de la prière du Sabbat. En guérissant un groupe de lépreux, il leur recommande de suivre les prescriptions de la loi (Lc 17 : 14). Mais il était libre face aux autorités de son temps et n'hésitait pas à rompre les Traditions lorsqu'il avait une bonne raison de le faire. Quel secret le guidait ? Pourquoi obéir à certains moments et ne pas le faire à d'autres ? Saint Jean nous éclaire : " Ma nourriture, c'est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé " (Jn 4 :34). Jésus avait un GPS avant la lettre. Dans tout ce qu'il faisait, il était guidé par un principe très simple : où est la volonté du Père, quel chemin désire-t-il que je suive, quelle mission me confie-t-il ? S'il voyait la volonté du Père dans les prescriptions de la loi, il les suivait. Dans le cas contraire, il n'avait aucun scrupule non pas à les enfreindre mais à obéir à une loi plus profonde. L'Esprit de Jésus, le Saint Esprit est un esprit d'obéissance.

C'est le même Esprit, le même GPS qui devrait nous guider vers la sainteté personnelle et dans la Mission qui nous est confiée: la volonté du Père. Comme Jésus, il n'y a qu'une personne à laquelle nous devons obéir, une et une seule : Dieu le Père. À tout instant et pour chacun d'entre nous, personnellement ou en Église, cette obéissance absolue au Père devrait être la boussole qui nous indique la direction à suivre. Elle devrait être le ressort le plus profond de nos vies, nous impliquant avec toutes nos forces, toute notre attention, toute notre volonté. C'est à cette disponibilité et obéissance que nous nous engageons par notre serment au service de la Mission. Personnes libres, nous ne devons donc l'obéissance à aucun être humain, Pape, Évêques ou supérieurs… uniquement au Père. Mais bien sûr, il serait illusoire de prétendre Lui obéir en ne faisant attention à aucune des instances qu'Il nous a données pour nous guider et nous révéler sa volonté. Mais il est bon de se rappeler que, même lorsque nous leur obéissons, c'est au Père que nous voulons obéir. Nous n'avons pas à obéir à notre supérieur simplement parce qu'il est supérieur. Nous obéissons parce que et lorsque nous sommes convaincus que c'est la volonté du Père qui nous est révélée par lui.

Ceci est vrai pour celui qui est en position d'autorité et pour celui qui lui obéit. Personne ne devrait être guidé par la recherche de sa volonté propre ou chercher à imposer ses gouts et désirs aux autres. Tous doivent chercher les signes de la Volonté du Père que tous désirent découvrir et accomplir. Dans cette recherche, aussi bien pour une personne que pour le groupe, le supérieur cherchera partout, interrogera le plus grand et le plus petit et demandera toutes les opinions possibles et imaginables. De son côté, la personne sous autorité fera connaitre tous les éléments d'information ou de discernement en sa possession. Elle fera connaître sa position et les raisons qui la justifient. Le rôle du dialogue avant une décision n'est pas de lui donner la chance de faire valoir son point de vue et ainsi obtenir ce qu'elle désire. Le dialogue doit donner à ceux qui croient connaître des éléments de discernement la chance de les faire connaître et à ceux qui doivent prendre la décision la chance de les entendre, chacun apportant sa contribution au discernement.
Dans une Société comme la nôtre, la façon habituelle dont nous parvient la volonté du Père est la nomination qui se fait selon la Mission confiée à notre Institut et les priorités discernées. Une fois que nos supérieurs ont consulté et dialogué, qu'ils ont fait leur possible pour se mettre à l'écoute des indications de l'Esprit, ils ont le devoir de prendre des décisions qui impliquent les individus et la Société. C'est par eux que la volonté du Père nous est révélée et nous appelle à l'obéissance. Avant la décision, l'obéissance nous appelle à être actifs et à communiquer tout élément en notre connaissance qui peut s'avérer utile pour le discernement en cours. Après la décision, l'obéissance nous demande d'embrasser la décision prise (même si elle ne correspond pas à nos goûts), à la faire nôtre et nous y investir avec toute notre énergie.

Il semble parfois y avoir confusion dans la compréhension donnée à cette vertu évangélique de l'obéissance. Un stagiaire qui n'avait pas reçu la nomination espérée se plaignait qu'il n'y avait pas eu dialogue... et pourtant il avait été consulté. Dans ce cas, le reproche de manque de dialogue indique que l'intéressé n'était pas prêt à accepter autre chose que son désir. Sa disponibilité était limitée. La recherche de la volonté du Père devrait nous habiter à 100% mais certains obstacles nous empêchent d'être vraiment disponibles et de la trouver : l'attachement à nos idées, nos propres plans, nos peurs, la jalousie, le poids de notre péché. Les signes d'un manque de liberté intérieure sont facilement perceptibles aux observateurs : colère, indignation, accusations, incapacité à changer ses plans préétablis, accusations de racisme, de népotisme, d'autoritarisme.... Malheureusement l'intéressé rate souvent ces signes, pourtant bien visibles de l'extérieur.

L'obéissance est une vertu évangélique très belle, peut-être celle qui nous unit le plus intimement à Jésus et à Marie sa Mère. " Ma Mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la mettent en pratique " (Lc 8 : 21). Jésus nous a donné l'exemple et son obéissance l'a amené à la Croix (Phil 2 : 8). C'était le souhait de notre fondateur que l'obéissance soit un de nos signes distinctifs (Charles Lavigerie à ses missionnaires 4 octobre 1875). Non pas une obéissance de style militaire, sans dialogue ou sans intelligence mais l'obéissance librement donnée par les disciples qui cherchent de tout leur cœur la volonté du Père. C'est celle qui devrait nous caractériser et que nous devrions apprendre à vivre dès les premières années de notre formation pour y entrer de plus en plus librement et pleinement au fur et à mesure que grandit le don que nous faisons de nous-mêmes au Père. Tous doivent être obéissants à la volonté du Père, les supérieurs comme ceux qui sont sous leur autorité et chez tous, cette vertu a besoin de grandir et de s'épanouir librement....

Demandons au Fils la grâce d'entrer de plus en plus dans son Esprit d'obéissance, devenant ainsi Fils à son image. Demandons à Marie sa Mère qu'il nous soit fait selon la parole du Père (Lc 1: 38)


Jean-Michel Laurent
secrétaire pour la formation initiale
15 Janvier 2016