Prières de délivrance et de guérison
Né en Allemagne en 1968, le Père Bernhard Udelhoven a été ordonné prêtre en 1996. Depuis lors il travaille en Zambie. Homme de terrain, il a travaillé dans plusieurs paroisses et dans le Centre culturel FENZA de Lusaka. Sa facilité de contact et son intérêt pour comprendre les gens et les situations l’ont mené à suivre les cours de la School of African Studies de Londres, où il a acquis un master en ethnologie. A la suite de ces études il a mené plusieurs recherches dans divers milieux de Zambie. Il est actuellement vicaire dans une paroisse rurale de la vallée de la Luangwa.
Il y a trente ans, le ministère de guérison de Mgr Milingo en Zambie a mis en pleine lumière des discordances concernant la délivrance de forces spirituelles néfastes. Quand le dialogue échoua, il resta une “patate chaude” que beaucoup, dans l’Église catholique, craignirent de toucher. Cela n’empêcha point des chrétiens de continuer à rechercher des prophètes et “hommes de Dieu” en vue de la guérison par la foi ; il y a des milliers de nouvelles Églises pentecôtistes aujourd’hui, fondées sur des expériences de délivrance.
Dans l’Église catholique en Zambie, le ministère de guérison et de délivrance par la foi a été largement laissé entre les mains du Renouveau charismatique. C’est un mouvement de la base, parfois œcuménique ; les cellules charismatiques ressemblent aux Églises domestiques bibliques. Les membres sont conscients que l’Esprit Saint n’a pas toujours besoin de la permission explicite du curé pour réaliser ses miracles ou offrir ses dons. Beaucoup de prêtres fuient les longues sessions de prières, mais aussi les cris de “démons” qui se manifestent dans des personnes angoissées demandant des prières. Ils abandonnent les groupes à eux-mêmes ou, parfois, à des “prêtres charismatiques”. Les groupes fonctionnent alors en marge de l’Église, alors qu’ils font face à des problèmes vitaux pour beaucoup de personnes.
Bernhard au cours d’une séance de prière
sur les malades le jour de Pâques 2012.
Charisme, miracles et Évangile de prospérité
Quand je suis appelé auprès de personnes malades, j’aime être accompagné par des membres du Renouveau charismatique, spécialement des membres âgés. Prier et chanter vient naturellement chez eux ; de brefs et doux intervalles de “prière en langues” viennent directement du cœur. Ils ont des dons de foi admirables, très favorables à la guérison spirituelle.
“Guerre spirituelle”
Moins positive fut mon expérience lors d’une séance de guérison charismatique qu’on m’a demandé de superviser l’an dernier. Je ne mets pas en doute l’engagement chrétien : beaucoup jeûnèrent au moins un jour par semaine, participèrent à des nuits de prières, furent généreux pour l’Église, et ont été capables de prier et chanter pendant des heures, jusqu’à épuisement. C’était nécessaire, m’a-t-on dit, parce qu’ils étaient engagés dans une “guerre spirituelle” avec les forces du mal, alors qu’ils priaient pour la personne malade. Maladie, malheur et mauvais esprits devaient être défaits ; le nom de Jésus était l’arme avec laquelle frapper. La prédication des laïques dans le groupe était très marquée par “l’Évangile de la prospérité” qui prêche que “si tu crois vraiment, si tu confesses ta foi et agis correctement, tu seras béni et pourras revendiquer la vie, la santé et la prospérité ; l’absence de tels dons pourrait être due au manque de foi ou à la présence de forces démoniaques.”
Semaine après semaine, des personnes cherchant la guérison et la délivrance tombèrent en transe au contact du leader charismatique. C’était des manifestations visibles du Saint Esprit, me disait-on. J’ai pensé plutôt que j’étais témoin d’états hypnotiques produits par l’atmosphère du moment, les attentes et la confiance envers ce leader. Cela procurait une détente temporaire de la douleur et des tensions (ce qui, je crois, peut aussi être utilisé par le Saint Esprit pour une guérison plus profonde). Mais cela en encourageait aussi beaucoup à rester loin des hôpitaux et des médecins, ce qui causait souvent des conséquences néfastes.
Livre de Bernhard Udelhoven: “Unseen Worlds” - Traiter avec les esprits, la sorcellerie et le satanisme,
FENZA Publications, Lusaka 2015, ISBN-13: 978-1505619591, 453 pages
Les rituels de guérison, une alternative
Un de nos groupes à FENZA est devenu un groupe d’appui pour des personnes que des “prophètes” ont désignées comme étant victimes de malédictions, de satanisme ou de sorcellerie. Les prières charismatiques divisaient les familles. Le vocabulaire de “guerre spirituelle” ne les aidait pas à trouver la paix intérieure.
Aujourd’hui, les membres de ce groupe aident ceux qui souffrent d’attaques démoniaques à trouver Dieu dans leur vie quotidienne. Ils considèrent leur douloureuse situation comme un tremplin vers une croissance plutôt qu’un simple blocage de vie. Ils aident les malades et leur famille à trouver une attitude plus positive face aux symboles et aux rêves menaçants que subissent les patients.
Les malades et leur famille prennent part à la préparation des prières. Nous essayons de prier dans une atmosphère calme. Cela aide les personnes à être en rapport avec l’amour de Dieu. Elles se sentent encouragées par l’Église. On souligne l’importance de la réconciliation en famille et de se mettre à la suite de Jésus. Le service de prière contient un élément de mort et de résurrection. Mort à l’ancienne vie sujette aux démons et à la sorcellerie, ou à de mauvaises personnes ; vie nouvelle du chrétien qui peut faire face, avec davantage de sérénité et de paix, à la maladie, ou à une personne mal intentionnée en famille.
Parfois, nous soumettons le malade à un rite de sépulture durant lequel la famille le couvre de couvertures et où la chorale chante des mélodies funèbres en jetant de la terre sur lui ; après un moment de silence et de prière, il est dégagé et enlevé “du tombeau” ; un cierge pascal allumé lui est donné en signe d’union intime au Christ.
Dans d’autres réunions de prière, le rite de guérison est centré sur le feu béni ou le charbon ardent (purification, amour, transformation), sur la terre fraîche que la personne malade est appelée à toucher et sentir (croissance, vie, fertilité), ou encore sur des herbes bénies (munies de diverses significations), flottant dans un récipient dont les gens peuvent utiliser l’eau pour laver leurs mains ou leur visage. La “guerre spirituelle” biblique et les bruits des “démons” ne sont pas totalement absents de ces services de prière, mais sont placés dans un contexte qui ne polarise ni sur les pouvoirs spéciaux d’un guérisseur, ni sur les démons, mais sur la foi de l’Église, l’aide de la famille et des amis, et la confiance en Dieu.
Personnellement, je me sens à l’aise pendant ces prières ; je n’ai pas à prétendre détenir des pouvoirs spirituels spéciaux. Je crois que Dieu prend bon soin de ce qui lui est confié dans ces rites.
Bernhard Udelhoven