Heureuse coïncidence
Je suis arrivé en Algérie depuis dix mois comme stagiaire et mon expérience en tant que telle est impressionnante et me passionne. J’avais toujours comparé le Mali et l’Algérie mais je me suis rendu compte que les deux pays sont très différents. Les gens et les choses y sont très différentes. Les premières choses qui m’ont frappé étaient la chaleur humide au Nord, l’omniprésence de la religion dans la vie et l’étendue du pays. Elles m’ont frappé à mon arrivée mais au fur à mesure que je m’installais, j’ai constaté et je continue de découvrir beaucoup d’autres choses comme par exemple le Sud désertique, l’Est fertile, les Algériens et le café, le couscous et le petit lait, les dattes, le pétrole et le gaz...et surtout l’Algérie face à son histoire de colonisation, d’Evangélisation, de terrorisme.
L’Algérie est un pays musulman et la religion est inscrite dans la constitution comme religion d’Etat. Ainsi pour beaucoup d’Algériens, être Algérien va intrinsèquement avec être musulman. Ce qui est vrai et qui laisserait envisager l’absence d’une quelconque autre religion. Mais en se référant à l’histoire, on se rend compte que l’Algérie de saint Augustin a vécu avec des Juifs, des Chrétiens, des Musulmans non pratiquants et bien entendu avec des Musulmans. Les choses ont un peu changé mais l’Algérie autorise sur papier la liberté d’exercer librement sa religion. L’Eglise y est présente mais constituée essentiellement d’étrangers. Les chrétiens y vivent sans faire grand bruit. Et justement c’est ce qui me façonne beaucoup. Est-ce que l’essentiel, c’est de baptiser à chaque fête de Pâques, chaque premier dimanche ? Est-ce que c’est avoir des grandes cathédrales ? Des quêtes de millions de chèques ?? Tout au moins, notre Eglise d’Algérie vit une autre réalité. Nous sommes présents et nous vivons notre foi comme si on était partout ailleurs.
Etre dans un pays musulman comme l’Algérie laisse immédiatement voir l’aspect extérieur apparent de la religion. Il y a des mosquées partout, des minarets à chaque coin de la rue. Pour exemple, la communauté de Ouargla où j'apprenais l’arabe dialectal est entourée de quatre (4) minarets. La plus proche mosquée se sépare de nous par la rue de deux mètres de largeur. https://www.google.dz/maps/@31.9666657,5.3265994,861m/data=!3m1!1e3?hl=fr
Comme missionnaire d’Afrique, mon stage me permet d’approfondir un aspect de notre charisme : celui de vivre au milieu des musulmans qui nous ont vus « naître » et qui nous ont « éduqués » pour être des missionnaires d’Afrique. En Algérie, nous vivons un dialogue interreligieux très impressionnant.
Un soir, j’étais à la chapelle pour la prière des Vêpres. Je me suis posé la question de savoir ce que je faisais à la chapelle. Je n’ai eu ma réponse que quand j’ai entendu le muezzin crier du sommet de la mosquée « Allahou akbar » pendant que quand nous crions : « Dieu, viens à mon aide ». J’ai découvert que chacun de son côté (les musulmans et ma communauté) loue, chante, prie Dieu pour ses bienfaits de la journée et manifeste son désir de parler à son créateur. C’est là que j’ai senti le sens de ma présence à la chapelle. Cela m’a non seulement réconforté dans la connaissance de l’importance de la prière dans ma vie mais aussi ça m’a rappelé l’importance du dialogue entre musulmans et chrétiens en Algérie.
Nous étions à la chapelle et les musulmans étaient à la mosquée. Nous étions tous en prière. Cette hasardeuse coïncidence me fascine à l’idée de savoir que Dieu notre Père écoute tous ses enfants au même moment. Dieu, du lieu de son trône sacré, nous regarde tous et se réjouit que ses enfants l’adorent dans des endroits si proches mais de différente manière. Il n’écoute pas nos prières en ayant une préférence pour les musulmans ou pour les chrétiens. Dieu est tellement bon qu'il nous écoute tous. En cela, je découvre aussi l'amour de Dieu.
Nos voisins musulmans de nos quatre mosquées environnantes prient sans s’en rendre compte de la présence d’une communauté de cinq personnes. Notre communauté également s’élève vers Dieu pour prier pour le monde. Sans nous laisser distraire par les haut-parleurs des mosquées, et tout en prenant compte de cette louange à Dieu par les musulmans, nous joignons nos petites voix qui ne dépassent pas la porte de notre chapelle pour rejoindre la louange des musulmans parce que nous prions tous notre Père dans notre cœur. Nous sommes unis de cœur. Cela me réjouit à chaque fois que j’y pense parce que je me dis que je ne perds pas mon temps en priant. Non seulement je parle à mon Dieu, mais aussi je prie pour le monde, pour une paix, une justice, pour la santé des malades, pour les morts.
C’est ainsi que je vois le dialogue interreligieux. Il nous arrive de parler de dialogue autour d’une table, lors de session, de théologie, de colloques; mais nous vivons au quotidien et nous prions « au même moment » le même Dieu. Je pense que ces deux derniers méritent d’être soulignés par ce que c’est Dieu lui-même qui nous meut vers son Adoration. Nous ne pouvons que nous laisser guider par l’Esprit.
Je termine en paraphrasant notre père spirituel. L’essentiel est qu’à Notre Dieu soit rendue la gloire qu’il lui revient, lui qui nous aime parce que nous sommes tous créés pour le louer, l’honorer et le servir et toutes les autres choses créées sont créées pour nous aider à arriver à ces trois fins. (cf. Saint Ignace, Exercices spirituels, annotation 23)
les photos :
- N.D. D'Afrique à Alger
- A l'intérieur d'une mosquée
- Minaret de la plus ancienne mosquée
- Avec des élèves Mozabirtes