Dans "Voix d'Afrique" N°111.
Passage par le purgatoire similaire à
un passage à l’hôpital
En 1987, Michaël L. Fitzgerald a été nommé secrétaire du Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux. En octobre 2002 , il a succédé au cardinal Francis Arinze comme Président du Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux . Il est l’un des principaux experts sur l’Islam, les relations islamo-chrétiennes et le dialogue interreligieux au sein de la haute hiérarchie de l'Église catholique. Le 15 février 2006, il a été nommé nonce apostolique en Égypte et délégué auprès de la Ligue des États arabes, son premier poste diplomatique. Il a démissionné en novembre 2012 et reste avec les Missionnaires d’Afrique à Jérusalem.
Dans ce texte il écrit avec humour son passage dans un hôpital de Rome, passage qu’il compare au passage qu’il nous sera donné d’accomplir au purgatoire
Le 25 février dernier, il a fallu que j’aille à la Policlinique Umberto, l’un des principaux hôpitaux de Rome. L’expérience m’a fait penser au purgatoire. Je m’explique.
Un ami m’a accompagné en taxi aux Urgences. On nous dit d’attendre que quelqu’un soit libre de me recevoir. La salle d’attente était lugubre, le papier peint se décollait des murs et il n’y avait que quatre sièges. Un jeune homme d’origine africaine entra, avec sa femme ou sa petite amie, et immédiatement brancha son téléphone portable pour le charger. C’était comme s’il regrettait d’avoir eu à quitter le monde extérieur.
Après un court instant, j’ai été reçu par une réceptionniste qui nota mon identité : nom complet, date et lieu de naissance, adresse. Je suppose qu’entrant au purgatoire, on devra établir son identité de manière semblable, bien que les anges devraient déjà avoir toutes les informations.
On me mit sur un brancard et on me roula chez le médecin de garde. On vérifia la pression artérielle, on me fit un électrocardiogramme (ECG), et on me préleva un échantillon de sang. On était plusieurs alignés, en attente de l’examen de Tachycardie (TAC). Un pauvre homme semblait complètement perdu. Il n’arrêtait pas de pleurer « Angelina, Angelina (probablement son épouse), viens m’aider, je suis tout seul. » Personne n’accordait beaucoup d’attention à ses pleurs, mais il me semble qu’ils exprimaient aussi la difficulté de se détacher de la vie dans le monde.
IRM spirituel
La TAC détermina qu’une opération était nécessaire, et on m’a donc emmené au service de neurologie où d’autres examens allaient être effectués. Il y avait un IRM où le patient est introduit dans une grosse machine et bombardé avec des ultrasons, certains comme le claquement d’un marteau, d’autres comme une foreuse pneumatique. Cela produit une image de résonance magnétique. Il pourrait y avoir quelque chose de semblable au purgatoire, où le candidat pour le ciel est bombardé de toutes parts par des voix accusatrices, de ses propres péchés, ou des gens auxquels il aurait fait du mal. L’image résultante montrera combien la purification est nécessaire pour pouvoir entrer dans la divine présence du Seigneur.
Un Doppler a aussi été réalisé. Encore une fois, il s’agit d’un examen par le son, mais avec une plus grande concentration sur une zone particulière du corps et de façon plus intensive. Pour moi il était concentré sur les artères carotides. C’était le test décisif pour montrer qu’il fallait une opération sur l’artère carotide droite. Sûrement, au purgatoire, nos faiblesses cachées seront exposées, ces défauts que tout au long de notre vie nous avons gardés cachés, consciemment ou inconsciemment, et qui maintenant viennent à la surface pour qu’on y remédie une fois pour toutes.
Avant l’opération, il y eut un autre examen. Il s’agissait d’une angiographie. C’est un examen des veines et des artères. Il fonctionne par contraste, puisqu’on envoie une substance iodée dans la circulation sanguine et cela permet de montrer s’il y a une faiblesse quelconque qui ferait déconseiller l’opération prévue. Cet examen m’a fait penser aux différentes façons de comprendre l’arrivée dans l’au-delà.
Une angiographie fait penser à la façon
de comprendre l’au-delà. dans l’Égypte antique.
Il y a l’explication du Livre Égyptien des Morts, où les bonnes actions dans la vie de la personne décédée sont mises sur la balance avec ses mauvaises actions. Selon la tradition islamique, ses actions la devancent afin qu’au moment du décès, elle soit prête à être examinée. En fait pour les musulmans, toute personne a deux anges enregistreurs ; l’un inscrit toutes les bonnes actions, l’autre enregistre les mauvaises. Le premier ange est très zélé et enregistre les bonnes immédiatement, tandis que le second est un peu paresseux et laisse passer les mauvaises actions sans les enregistrer. Ceci est jugé conforme à la Miséricorde Divine.
Au purgatoire ce que nous avons fait au cours de nos vies sera sûrement pesé, mais nous pouvons être assurés que nous ne serons pas jugés en fonction de nos mérites, car nous n’en avons vraiment aucun. Ce que nous avons pu faire de bon a été effectué par la grâce de Dieu, et nous sommes donc dépendants de la miséricorde de Dieu, dans lequel nous mettons notre confiance.
Un doppler qui décèle nos faiblesses cachées, tel sera le purgatoire.
Après ces examens, l’opération pouvait avoir lieu. C’était une opération de nettoyage, pour enlever la matière obstruant le passage du sang dans l’artère carotide. Cela n’a pas été agréable, mais pas vraiment douloureux grâce à l’anesthésie locale, mais ça donnait la vie, ou au moins la restaurait. Je suis sûr que quelque chose comme ça doit se dérouler en arrivant au purgatoire.
Le Christ un feu qui nous purifiera
Le pape Benoît XVI a écrit ceci : « Certains théologiens récents sont de l’avis que le feu qui brûle et en même temps sauve est le Christ lui-même, le Juge et Sauveur. La rencontre avec Lui est l’acte décisif du Jugement. Devant son regard s’évanouit toute fausseté. C’est la rencontre avec Lui qui, en nous brûlant, nous transforme et nous libère pour nous faire devenir vraiment nous-mêmes. Les choses édifiées durant la vie peuvent alors se révéler paille sèche, vantardise vide et s’écrouler. Mais dans la souffrance de cette rencontre, où l’impur et le malsain de notre être nous apparaissent évidents, se trouve le salut. Le regard du Christ, le battement de son cœur nous guérissent grâce à une transformation assurément douloureuse, comme « par le feu. Cependant, c’est une heureuse souffrance, dans laquelle le saint pouvoir de son amour nous pénètre comme une flamme, nous permettant à la fin d’être totalement nous-mêmes et par là totalement de Dieu » Spe Salvi (47).
Durant tout le temps que j’ai passé à l’hôpital, avant et après l’opération, il y avait un flux continu de médecins, d’infirmières et d’aides-soignantes, répondant à tous les besoins comme des anges tutélaires. Les anges s’occuperont sûrement de ceux qui passent par le processus de purification. Il y avait aussi les visites régulières des confrères, des messages et des appels d’amis, le soutien de prières. Tout cela m’a rappelé que la Communion des Saints, dans laquelle nous croyons, est une réalité vraiment réconfortante.
Mgr Michaël L. Fitzgerald, M. Afr.