Le Frère Jan Heuft a travaillé très longtemps en Algérie, et témoigne dans le texte ci-dessous de son expérience du retour dans ce pays
Le Frère Jan Heuft s'exrpimant au micro, photo prise en 2014
Accueil et Rencontre
Ayant été obligé de m'absenter de mon pays d'adoption d'un temps assez prolongé pour des raisons de santé, à mon retour je fus, une fois de plus, frappé par le sens de l'accueil que ses habitants m'ont fait à mon retour, malheureusement provisoire. Déjà à mon arrivée, à l'aéroport, un grand groupe d'amis m'attendait "les bras ouverts" et durant tout le mois qui suivait
ce fut 'un va et vient' constant des hommes et des femmes
qui venaient m'assurer de leurs amitiés et soutien.
Parmi eux des nombreux anciens élèves sourds et non - sourds, des collègues de travail, des voisins, des anciens des colonies des vacances de Bouzareah, des Fusillés, du Corso (tremblement de terre en 2003) et des Sources. Un groupe avait même complètement nettoyé ma maison et le jardin.
La présentation d'un bouquet de fleurs par un habitant du quartier du 1ier Mai où est situé le bureau de notre service social "Rencontre et Développement", fut un geste plein d'émotions et d'amitiés. Lors de ma visite à la prison de Bouira, le directeur de l'établissement m'entourait tous les soins nécessaires, afin de me reposer de trois heures de route et ainsi de me permettre une visite aux détenus dans des conditions les meilleures possibles.
Durant ce beau séjour, très vite, est arrivée la fête de la mémoire de l'Offrande d'Abraham qui sacrifiait (selon les saintes écritures) un mouton à la place de son fils. Chaque année les familles se retrouvent pour célébrer cet évènement. Plus qu'auparavant, cette année je me sentais inclus dans cette fête religieuse et familiale. En m'apportant une partie du mouton et, bien sûr du couscous, des beaux gestes de partage et d'amitiés furent échangés avec parfois des paroles fortes en langue arabe : « Khafrou badakum » ce qui veut dire
« Pardonnons-nous les uns, les autres »
Nous vivons tous une époque dure et épouvantable où la violence a pris le dessus sur le bien vivre ensemble. Du coup, nous nous entourons des hauts portails automatiques, des barbelés, des gardiens de sécurité et même des escortes pour nous déplacer! Aller à l'accueil de l'autre, et encore plus à sa rencontre semble aujourd'hui faire partie de la folie. La cruauté des images de la guerre en Syrie et ailleurs, les attentats partout dans le monde, nous font douter de la sincérité des hommes et même de l'existence même de Dieu. Les flux migratoires d'Afrique et en Afrique, en Amérique et en Europe avec leurs longues listes des morts dans les déserts et dans les mers, nous donnent un sentiment de découragement.
Nous écoutons avec dégoût certains dirigeants politiques exploiter ce mal fonctionnement de ce monde globalisé! Des accords "publics" ou "souterrains" entre pays, pour nous débarrasser de cette masse humaine malheureuse nous remplissent de honte.
Et pourtant, le récit au début de ce texte, montre bien qu'un autre monde est possible. Il ne s'agit pas des amitiés particulières ou un "micro – climat' de bienveillance les uns envers les autres. Non il s'agit de la volonté assidue de vouloir accueillir l'autre dans toutes ses différences afin que petit à petit que nous arrivions à nous rencontrer en profondeur
Les saints de notre temps ont bien voulu donner leur vie pour cela, j'en cite les derniers: Hervé Gourdel (Algérie), le Père van de Lugt (Syrie), le Père Harmel (France) et tant d'autres les aéroports et lieux publics. La dernière rencontre entre musulmans et chrétiens dans la cathédrale de Lyon ou encore les journées mondiales de jeunesse en Pologne, mais aussi des rencontres sportives telles que olympiques et para olympiques sont autant d'essais de construire ensemble des ponts de compréhension et d'acceptation de la différence de l'autre.
Le plus important moyen reste quand la vie est partagée
dans le quartier et au travail
"Un cri de Cœur"
Eindhoven, le 14 octobre 2016
Jan Heuft (Alger)