Un Jésuite en terre d’Islam – Autobiographie (Compte-rendu)
Christian Reille
Un Jésuite en terre d’Islam – Autobiographie
Lessius 2017 – 230 pages – 22,50€
ISBN 978-2-87299-326-0
Nous sommes là devant un livre remarquable que toute personne, intéressée par l’Algérie ou le Maghreb, se doit de lire. Il s’agit d’une autobiographie ou témoignage de Christian Reille sur sa vie, déjà longue, au service des Algériens, musulmans pour la majorité.
Après une évocation de sa jeunesse et de ses racines, il nous parle de ses premières années chez les Jésuites et son souci d’une orientation vers le différent, vers les non-chrétiens avec lesquels il veut rechercher des relations conviviales. Pour lui, cette convivialité est une composante « intrinsèque » de sa relation à Dieu (p.40-45). Il arrivera à Constantine (Algérie) et commence son insertion comme professeur universitaire de physique. C’est ainsi qu’il peut mesurer les enjeux de la rencontre avec ce monde si différent. « On est à la fois sur le seuil et à l’intérieur ! » nous dit-il (p.60). Mais la convivialité est toujours là et « elle va déborder, bousculer les réticences religieuses » (p.147) Pour lui, « Cette transformation des différences culturelles ou religieuses en une vie conviviale enrichissante, était une des grandes œuvres à accomplir dans notre monde d’aujourd’hui. » (p.67)
Comment gérer ces différences religieuses ? Dans la rencontre avec les musulmans, il s’agissait d’abord de respecter « leur foi qui avait sa propre cohérence » (p.81). En plus, pour beaucoup d’entre eux, « Etre chrétien était étrange et incompréhensible » Néanmoins l’auteur prend soin de préciser : « Paradoxalement, j’ai ressenti une paix intérieure à vivre dans un contexte où se manifestait une telle incompréhension face à ma foi. »(p.142) Ensuite, par un approfondissement progressif, il va sentir qu’une grande richesse s’offre à l’Eglise, « celle de pouvoir contempler en dehors d’elle, sur ses frontières, un Christ qui prends corps comme la parole semée sur les routes de Galilée. » (p.151)
Puis viendra le jour, où Christian Reille devra laisser son poste d’enseignant pour devenir le responsable des jésuites en Algérie et au Maroc. Il laissera Constantine en 2002 pour se retrouver au centre de Ben Smen. C’était un centre spirituel, d’une certaine manière, dont l’objectif majeur n’était pas tant la propagation de la foi chrétienne mais plutôt la croissance humaine de l’individu (p.178). C’est aussi l’époque où l’auteur revient sur la gestion des différences religieuses. Il évoque alors, mais de manière trop brève, les sujets qui secouent la jeune Eglise de l’Algérie indépendante. Ainsi, il traite en seulement deux pages le sujet souvent épineux de « Prosélytisme ou écoute ? » (p.186-187). Comme toujours la conversion des musulmans n’est pas une de ses priorités mais il nous confie : « J’ai eu la grâce de connaître des Algériens et des Algériennes vivant leur foi chrétienne avec une paix intérieure et un grand respect de leur environnement. » (p.190)
En conclusion de sa longue expérience, Christian Reille affirme : « Je vois cette vie de Dieu en germe dans chaque homme que je rencontre » (p.207) Il y a pour lui une joie à reconnaître que Dieu est à l’œuvre. Mais il affirme également comme une profession de foi : « Le seul roc sur lequel je m’appuie, c’est bien le regard de Jésus qui habite les Evangiles et qui est toujours ouvert à ceux qui se trouvent sur son chemin » (p.214) La dimension missionnaire de son travail et de sa vie peut alors se résumer dans cette phrase : « Je me sens appelé à collaborer à la vie de Dieu qui se partage, à être un artisan de sa croissance dans le cœur de tous ceux qui consciemment ou non, accueillent la vie divine en eux. » (p.215)
Il ne faut donc pas chercher dans ce livre un traité exhaustif de la théologie missionnaire en pays musulman. L’auteur nous offre son témoignage d’une vie donnée à l’autre, au différent, à l’Algérien musulman. C’est un témoignage sur la force de l’amour et du respect de l’autre ; un amour qui devient chemin vers la rencontre de celui qui est tout Amour. Sachons recevoir et accepter ce témoignage.
Gilles Mathorel