Cette fois, un article dans le "Petit Echo" des Missionnaires d'Afrique

 

Des martyrs d’Algérie déclarés “bienheureux” :

«Mgr. Claverie et ses 18 compagnons»

La semaine dernière, le pape François a signé le décret de béatification de l’évêque d’Oran, Mgr. Claverie, assassiné en Algérie, dans les années 1990 – 2000, années noires du terrorisme algérien, ainsi que 18 religieux, sœurs, pères et frères.

Nous parlons des sept moines trappistes de Tibhirine, mais aussi des quatre pères blancs, moins connus, de Tizi-Ouzou en Algérie. Ces confrères avaient été emmenés du premier étage de leur maison le 27 décembre 1994 pour être abattus dans la cour du presbytère. Les terroristes s’étaient habillés en uniforme de police et avaient fait enfermer le cuisinier et sa fille dans la cuisine.

La veille, à midi exactement, j’avais fêté le 70ème anniversaire du Père belge Charles Deckers au presbytère de Notre-Dame d’Afrique à Alger où il était engagé dans la pastorale. Quelques années plus tôt, il avait été déporté par le gouverneur de la Kabylie où il avait travaillé pendant 20 ans à l’éducation de la jeunesse et … au club local de football. Le 27 décembre, tôt au matin, il se rendit à Tizi-Ouzou pour fêter la fête patronale de Jean Chevillard, un confrère français. C’était la fête de Saint Jean l’évangéliste.

Il était à peine sorti de sa voiture qu’il était abattu. Son burnous de Père Blanc est resté, comme «désespéré», sur le siège arrière de la voiture. Quant à Jean Chevillard, il a pratiquement été abattu à la porte de son abri social. Il y recevait chaque jour des femmes et des hommes parmi les plus pauvres qu’il aidait à affronter les problèmes administratifs concernant leurs retraites, l’assistance sociale, les procédures de divorce avec ou sans pension alimentaire. Le père Jean Chevillard avait aussi été, pendant de longues années, économe régional, supérieur régional et directeur d’un institut de formation professionnelle. Le père Alain Dieulangard était un homme très différent. Pendant très longtemps, il avait dirigé plusieurs écoles primaires dans les petits villages berbères de la région très montagneuse de Kabylie. Il était très proche des plus pauvres et toujours prêt à rendre service. Il parlait parfaitement la langue berbère. En même temps, c’était un confrère très «spirituel» qui passait de nombreuses heures à prier. Il avait même transmis cette spiritualité avec beaucoup d’enthousiasme aux musulmans qui l’entouraient et, avec eux, il cherchait la présence de Dieu dans leur existence.

Le plus jeune confrère était le Père Christian Chessel, qui avait passé à peine quelques années en Algérie. Il était pour ainsi dire «l’avenir» de notre communauté à Tizi-Ouzou. Il était entièrement intégré à l’université de Tizi – Ouzou, où il avait suivi des cours sur les techniques de construction des ponts et chaussées. Il avait d’excellents contacts avec ses camarades. Chaque jour, il faisait la navette entre la Maison des Pères Blancs et l’Université, avant d’être le témoin d’un terrible accident de la route, dans lequel notre cher collègue, le Père Louis Garnier, avait été tué. Les parents du Père Christian Chessel ont été très bouleversés par le meurtre de leur fils et ont cheminé de nombreuses années avant de finalement accepter son sacrifice. Ils ont fait rapatrier le corps de Christian pour l’inhumer dans un caveau familial en France.

Un cinquième confrère, belge, s’en est tiré de justesse. Quelques jours avant, il avait décidé de quitter la région parce qu’il avait le pressentiment « que quelque chose allait arriver ». Il se souvient encore aujourd’hui de ce jour fatal. Il n’en était pas moins un confrère extrêmement dévoué à la population locale pendant longtemps. Son départ n’enlève rien à ses efforts. Parfois, il faut plus de courage pour partir que pour rester.

Le jour horrible des quatre meurtres, le chef de la police m’a appelé pour me faire part de la mauvaise nouvelle. Il pleurait en s’excusant de ne pas avoir pu empêcher cela. De nombreuses connaissances et amis exprimèrent leur effroi et leurs regrets devant cet événement incompréhensible. Aux funérailles, toute la ville était là à montrer sa désapprobation pour cet acte lâche et la foule s’est mise à crier à haute voix: «C’étaient des hommes de Dieu en qui nous avions mis notre confiance». Elle n’aurait pas pu donner un meilleur compliment à ces confrères !

       Cimetière de Tizii Ouzou où reposent trois des quatre confrères assassisnés le 27 décembre 1994
En repensant à nos confrères, ainsi qu’aux quinze autres martyrs, je ne peux rien dire d’autre : «­­­​Dieu a choisi les meilleurs parmi nous pour le martyre, qu’ils soient nos ancêtres dans les cieux.»

        Eindhoven, le 31 janvier 2018
        Frère Jan Heuft, MAfr

         Traduit du néerlandais par : webmaster

         A consulter également – entre autres :

     https://www.lexpress.fr/actualite/societe/avant-tibehirine-les-peres-de-tizi-ouzou_927051.html