SAHARA, ALGÉRIE
J’ai quelque chose à te dire ! Quelqu’un m’approche et me confie : « J’ai quelque chose à te dire ! » De voir qu’on me fait confiance, je ressens en moi quelque chose d’intense. Cette personne touche à ma réalité personnelle, fait vibrer une corde dans mon cœur. Je ne suis pas un spécialiste de la rencontre et du dialogue. Mais après une année d’étude et de réflexion dans ce domaine, je m’aperçois que la rencontre et le dialogue interreligieux font partie de ma nature. Je suis originaire du Mali, un pays à majorité musulmane. L’islam au Mali n’est pas, à quelques exceptions près, fanatique. La cohabitation est pacifique et fraternelle entre chrétiens et musulmans. Quelqu’un a tenté de l’expliquer en écrivant : « Cela est dû au fait que les Maliens savent dédramatiser les choses avec l’humour et la convivialité qui leur permettent de conserver leur dignité. » Ce qu’on appelle le « senenkuya » : faire des plaisanteries qui désamorcent toute agressivité en aidant chaque Malien à voir l’autre comme un frère ou une sœur, au lieu de le voir différent par sa religion. On peut dire que j’ai été d’abord séduit par ces rencontres dans mon pays, le Mali, une nation aux multiples religions.
Mon désir de faire mon stage apostolique dans un pays musulman a été motivé par ma passion de la rencontre. J’ai été envoyé au diocèse de Laghouat, au Sahara. J’ajoute que je trouve ici, en Algérie, une approche très différente dans la manière de vivre au milieu des musulmans de celle que j’ai connue au Mali. Cette différence est aussi une richesse. . Au Sahara, je pense donc je suis ! En ville, je danse donc je suis ! « La présence » ou « le fait d’être » ! Rappelez-vous, vous avez souvent entendu ces expressions. Tout d’abord, il est tout à fait pertinent de parler de présence. Qui dit présence dit existence. C’est à l’opposé du néant. Comment être présent ? Comment être ? La présence n’est-elle pas une action ? C’est un acte d’occupation qui dure tant que persiste ce phénomène de présence. Qui dit occupation dit forcément action. Toute présence n’a absolument pas d’autre finalité si ce n’est celle de ne faire qu’agir et rien qu’agir : c’est le comportement existentiel. Aucune présence que ce soit ne saurait supporter le moindre instant d’immobilisme. Elle ne saurait jamais se reposer dans l’immobilisme qui relève de l’ordre du néant. « La présence et l’action de l’Esprit ne concerne pas seulement les individus, mais la société et l’histoire, les peuples, les cultures, les religions… Ainsi l’Esprit qui souffle où il veut nous invite à élargir notre regard pour contempler son action présente, en tout temps et en tout lieu. » (Redemptoris Missio, 28-29) Dieu s’adresse à nous pour faire de nous ses partenaires. Il veut compter sur nous pour se révéler aux hommes : « Je vais faire de vous la lumière des nations, pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre » (Isaïe 49, 6). Notre confiance en Jésus s’épanouit dans un amour pour lui et pour nos frères. La longue présence de l’Église au Maghreb nous réconforte dans nos incertitudes. Elle démontre que notre doute, quant à cette démarche du dialogue et de la rencontre, peut déboucher sur une issue lumineuse. . Je fais des visites : à Ouargla, une mosquée et, à Tamanrasset, le borj (fortin) de Charles de Foucauld. Je trouve ici dans nos communautés en Algérie des lieux de rencontre permanente assurée par des personnes qui vivent en fraternité, unies entre elles au nom du Christ. Nos communautés sont aussi très ouvertes sur l’extérieur. Parmi ceux qui frappent à notre porte, à Ouargla, la majorité sont des élèves et étudiants qui viennent pour la bibliothèque et pour les cours de soutien en français et anglais. Il y a aussi des amis, des chercheurs… Dans ces rencontres, la curiosité de certains les pousse à vouloir visiter l’église (notre chapelle) et à se renseigner sur le christianisme. D’autres viennent pour dire bonjour, tout simplement. Nous accueillons aussi ceux qui nous confient leurs soucis, ou qui quémandent une aide matérielle, morale ou autre. À travers les services rendus, et aussi à travers les services qu’on nous rend, nous tissons des liens d’amitié qui peuvent déboucher parfois dans un partage de nos propres expériences religieuses. Le souffle de la mission, l’Esprit, qui naît du cœur de l’amour de Dieu nous aide à témoigner de notre foi en sa présence dans la mission, même au cœur des épreuves. René Mounkoro |