La vie interculturelle : appel prophétique
(PE n° 1089 – 2018/03)
« Notre monde globalisé rassemble de plus en plus de gens de différentes cultures, mais pas toujours harmonieusement. Ces dernières décennies, les sociétés multinationales ont cherché des stratégies plus efficaces vers une collaboration interculturelle authentique. Mais dans le monde multiculturel de l’Église d’aujourd’hui, les communautés religieuses aussi sont confrontées au défi de la vie interculturelle. Les sciences sociales ont mis au point des approches constructives, mais les personnes de foi ont aussi besoin d’enraciner leurs efforts dans une base biblique et théologique solide… Seule, la bonne volonté ne suffit pas à apporter ces changements. Vivre inter-culturellement doit être étayé par la foi, la vertu et un éventail de compétences nouvelles et appropriées » (Notes du père. Antony Gittins, PCSS).
Du 23 au 31 janvier 2018, nous, les quatre membres de l’équipe générale SMNDA et un de nos frères des M.Afr., avons eu le privilège de participer à un atelier de neuf jours organisé par la Société des missionnaires du Verbe Divin (SVD) sur le thème : « Vie interculturelle ».
À la suite de groupes de partage enrichissants, nous avons eu du temps pour la réflexion personnelle. Alors que nous observions comment nos cultures laissent des impressions et des marques importantes en chacun de nous, nous avons réalisé leur grande incidence sur notre vivre ensemble comme des gens qui ont un objectif commun, animés par la passion pour le Christ et la passion pour l’humanité.
Différentes présentations et un certain nombre d’exercices nous ont amenés à redécouvrir l’iceberg de notre propre culture. Cela nous a conduits une fois de plus à identifier, à apprécier et à contester nos propres convictions culturelles inhérentes. C’est un des outils d’apprentissage pour savoir comment respecter la culture des autres, et y être sensible sans en être menacé !
Pour nos deux Instituts, l’appartenance à une communauté internationale et interculturelle fait partie de notre patrimoine. Nous nous souvenons avec un cœur reconnaissant que, dès le début, le Cardinal Lavigerie a compris la nécessité pour nos communautés d’être internationales, afin que, de cette façon, les missionnaires témoignent ainsi de l’amour inconditionnel de Dieu pour tous les peuples, au lieu de devenir des explorateurs ! De même, dans nombre de lettres de Marie Salomé à ses sœurs qui étaient ‘en mission’, nous trouvons des conseils et des instructions sur la façon de mener une vie commune profonde dans l’esprit de Jésus-Christ, avant de sortir et de proclamer qui Il est. Pour ces deux fondateurs et pour nous aujourd’hui, cela signifie que vivre en communauté, tel que compris dans ce contexte, joue, dans nos Instituts, un rôle spirituel et pratique.
Conscients de nos racines, nous sommes animés par les valeurs de l’évangile et constamment appelés à avancer pour répondre aux besoins de notre temps moderne avec un cœur de prière, selon l’enseignement de l’Église, la lecture et l’interprétation des signes de notre temps. Les cris et les aspirations de la famille humaine et de notre mère la terre sont forts et urgents : ils réclament soin, tendresse, solidarité, communauté, respect, compassion, réconciliation, relation, communication ; et la liste continue…
Dans l’année dédiée à la vie consacrée, le pape François nous a mis au défi d’être des « experts en communion ».
Compte tenu de nos origines culturelles variées et de nos systèmes de croyance profonds, nous sommes conscients qu’être expert en communion et s’efforcer de vivre des valeurs profondes, n’est pas automatique. Dans notre vie ensemble, il a pu y avoir des moments où nous avons senti que de tenir compte de la différence pouvait être irritant. Nous avons constamment besoin de nous tourner vers Dieu, qui sans cesse, nous appelle à sortir de nous-mêmes et nous forme à devenir un seul corps. Ce lien avec lui et entre nous, nous permet d’entrer dans la Mission du Christ.
Nous sommes aussi appelés à apprendre des différentes écoles pour apprécier la dynamique de nos différences, nous en inspirer, et nous engager de sorte qu’en tant que communauté nous respections les valeurs de l’évangile et du Royaume, déjà présent et à venir.
Par d’autres exercices et dans nos partages de groupe, nous avons observé les marques que nous portons de notre culture /sous-culture d’origine, et découvert dans quelle mesure elles influencent de façon constructive ou négative notre vie ensemble en tant que communauté. On peut les détecter dans nos comportements, nos attitudes et nos manières d’être. Voilà quelques questions traitées :
Comment ma culture a-t-elle :
- façonné l’image que j’ai de Dieu et la façon dont je prie ?
- influencé nos styles de leadership ? (Cela dépend de la perception de la personne qui détient le pouvoir).
- eu un effet sur ma perception de mon corps ?
- Est-ce que j’ai un corps ou suis-je un corps ? La différence change la façon dont je comprends l’Incarnation, la façon dont je perçois et protège mon corps, dont j’en prends soin, je m’habille, je me déplace, je prie, etc.
- eu un impact sur ma relation à l’espace et à la libre expression ? (Cela dépend si j’ai grandi dans un environnement ouvert ou fermé).
Dans une autre expérience au cours de l’atelier, nous avons appris qu’il existe différents stades de croissance dans nos réactions lorsque nous sommes confrontés à des différences culturelles. C’est un long processus en effet de l’ :
Ethnocentrisme par déni, défense et minimisation |
⇓ |
Ethno-relativisme via acceptation, adaptation et intégration |
L’expérience a montré qu’une fois qu’on a progressé vers une vision d’ethno-relativisme, on pourra se réjouir des différences culturelles et les célébrer, et en prendre de subtiles caractéristiques différentes des siennes.
Les conférenciers nous ont donné plusieurs devoirs à faire qui remettent en question : vivre, travailler et prier fidèlement ensemble en communauté, chercher activement à se connaître, développer le respect de nos différences culturelles et enrichir nos vies par ce que nous avons appris.
Nous attendons avec impatience un échange sur les fruits de cet atelier, plus vaste et allant plus loin, par le biais de courtes retraites et sessions. Cela nous aidera à approfondir nos connaissances et notre capacité à vivre en communautés interculturelles. Nous espérons que cela portera aussi des fruits dans notre mission.
Juliana Karomba, SMNDA