« Vous n’avez pas le droit
de faire une crevaison ! »
(PE n° 1091 – 2018/05)
Il y a à peine 2 semaines que je suis revenu d’un tour qui m’a mené au Niger et au Burkina Faso. Pendant près de 4 semaines, j’ai pu visiter près de 9 communautés en compagnie de Luc Kola, le provincial de la PAO. Je me suis alors rendu compte que les membres de notre équipe provinciale de la PAO font beaucoup de chemin et que le boulot ne manque pas. En effet, comme partout ailleurs, dans nos méga-provinces, les distances sont énormes. À la fin de mon séjour, j’ai eu l’occasion de partager avec tous les membres de l’équipe provinciale mes impressions du rapide survol de la partie est de la province. Les premiers mots que je leur ai alors adressés ont été : « Vous n’avez pas le droit de faire une crevaison ! »
Par ces quelques mots, je tenais simplement à leur dire que l’on a besoin d’eux et que l’on apprécie grandement leur travail, mais qu’il est évident que leur charge est lourde et qu’ils doivent prendre soin d’eux- mêmes. Savoir se donner la chance et le temps de refaire le plein, de refaire ses forces est essentiel et une façon concrète de s’aimer soi-même.
Comme nous le lisons dans le Lévitique 19,18 et en Mathieu 19,19 qui fait l’écho à ce même verset du Lévitique, l’amour de soi est lié à l’amour du prochain : « Aimer son prochain comme soi-même ». Donc, pour paraphraser ce verset célèbre je dirais : « Prends soin de ton prochain comme tu prends soin de toi-même ! » Et qui est mon prochain ? La parabole du bon samaritain mais dans cette édition du Petit Écho de mai 2018 nous insistons que, parmi tous les prochains que nous avons, il nous faut porter une attention particulière envers nos jeunes confrères.
Comment s’y prendre ? C’est la question à laquelle nos confrères Jean Lamonde et Olivier Soma répondent en nous donnant nombre d’exemples concrets basés sur leurs expériences personnelles. En bref, ils nous rappellent, tous deux, l’importance de l’hospitalité à l’arrivée d’un nouveau confrère, de savoir prendre le temps de l’écouter, de se parler, de communiquer, bref de s’encourager et de donner au nouveau venu l’espace voulu pour qu’il prenne son envol et, bien sûr, un lieu où il fait bon atterrir, où il fait bon revenir aux moments des repas, de la prière commune et à la fin du jour sachant que l’on pourra se retrouver en communauté pour causer et non pas se retrouver seul dans sa chambre.
En bref, il s’agit d’être heureux dans notre vie missionnaire. Lors de mes études en Inde, j’ai eu l’occasion d’explorer quelque peu ce thème de la joie de vivre. Une joie de vivre qui fait référence au fait d’être intègre et de sentir en soi un bien-être. De mes études, je retiens entre autres un article écrit par deux Salésiens de Don Bosco, les Pères Jose Parappully et Joe Mannath : “Religious and Priestly Formation and Emotional Health”. Ils font mention de trois éléments essentiels sur lesquels toute personne doit veiller afin de maintenir un niveau de satisfaction dans sa vie, quelque soit son âge ou son statut. Ces trois éléments sont le besoin d’être en relation, d’être autonome et d’être compétent ou créatif.
Le premier point, nous rappelle l’importance de communiquer, de s’exprimer, d’écouter. Quant à la communication, nul doute que l’apprentissage de la langue joue un grand rôle. Cet aspect relationnel peut aussi se comprendre comme étant spirituel faisant alors référence à notre relation à Dieu. Pour l’autonomie, il ne s’agit non pas de faire ce que je veux sous l’impulsion du moment mais, tout en étant ancré à mon idéal missionnaire, d’avoir l’opportunité de prendre des décisions, de pouvoir choisir, de pouvoir planifier avec les autres, par exemple, le programme pastoral du mois. Quant à la compétence, il va de soi que nos nombreuses années d’études nous ont remplis de connaissances diverses, mais il importe aussi de développer l’habileté de les communiquer, de les mettre en pratique s’il y a lieu. Donc, accompagner nos jeunes confrères consiste entre autres à s’assurer de leur offrir un contexte leur permettant de nourrir ces trois éléments.
Nul doute qu’en leur offrant des responsabilités, des défis, donc en leur faisant confiance tout en étant présent, on saura leur offrir un milieu propice pour être bien. Certes les défis pastoraux ne manquent pas. Freddy Kyombo nous en fait d’ailleurs part dans son article de ce mois. Il parle du besoin de se laisser interroger par la multiplication des Églises indépendantes tout en sachant reconnaître la vitalité de nos propres paroisses.
Bien entendu, il est important que l’on regarde tous dans la même direction, c’est-à-dire avoir à cœur de regarder le Christ, d’être à son écoute et discerner ensemble la teneur de nos engagements pastoraux. Bref, tel que mentionné dans nos Actes capitulaires de 2016 : « Que tous les membres de la communauté veillent à témoigner les uns envers les autres d’une vie spirituelle personnelle et communautaire pour un enrichissement mutuel » (p. 44). Et comme le dit si bien Luc Kola : « Pas de prière, pas d’accompagnement, droit dans le mur ! » Oui, le mission- naire est avant tout un homme de prière.
Nous avons un exemple de cet enrichissement mutuel dans la vie de nombreux confrères qui ont su tout donner. L’exemple de notre premier Frère ougandais, Léon Lwanga, dont la vie nous est brièvement partagée dans ce numéro du Petit Écho, en est un de plus qui ne manque pas de nous inspirer. Que cette même ardeur qui a habité le Frère Léon, une ardeur que lui a communiquée Mgr Livinhac, puisse aussi nous envahir toujours plus. L’ardeur de découvrir toujours davantage le Christ et d’être ses témoins.
En laissant ce feu de l’ardeur nous envahir, ce feu de l’Esprit, souhaitons que l’on puisse alors éviter toute forme de crevaison et unir nos forces en communauté de trois avec celle de l’Esprit pour avancer en 4 x 4, chaussé de bons pneus, sur la route de la mission du Christ.
Bonne route à tous !
Martin Grenier,
Assistant général