NOTICES BIOGRAPHIQUES
Père Georges Hugot
...Georges Hugot est né à Ostreville, dans le diocèse d'Arras, le 9 février 1926. Son père, entrepreneur de battages agricoles, était bien connu et apprécié dans toute la région. Georges restera fortement marqué par l'exemple de ses parents, que lui-même décrira plus tard comme "n'étant pas des piliers de la paroisse, mais des pratiquants des valeurs évangéliques", toujours disponibles pour aider des voisins dans la misère. C'est dès l'âge de 10 ans qu'il ressent l'appel au sacerdoce et entre au petit séminaire d'Arras. A 19 ans il entre au Grand Séminaire qu'il quitte après deux ans pour rejoindre le Noviciat de Maison Carrée. On est alors en 1946 et le noviciat compte 110 novices dont un bon nombre ont fait la guerre, les autres ayant connu l'occupation et ses privations, ce que le Père Maitre a parfois de la peine à apprécier. Malgré "l'ennui de cette vie de moine", il s'adapte et se fait remarquer par une nature assez impulsive qu'il domine par le sérieux de son engagement. Le noviciat est suivi par le service militaire qu'il commence en Tunisie, dans le 3ème régiment de Tirailleurs Sénégalais, qu'il continue par la formation E.O.R. ( Elèves Officiers de Réserve) en Algérie et en France, et qu'il termine en Tunisie. En 1948 il reprend sa formation missionnaire à Thibar et Carthage. Il s'y fait apprécier non pas par ses aptitudes au travail intellectuel, mais par son sens pratique, son dynamisme, sa jovialité, une grande générosité, un bon sens pastoral et une hantise de se dévouer aux plus déshérités. Il prononça son serment missionnaire le 26 juin 1951 à Thibar et reçut l'ordination sacerdotale à Carthage le 12 avril 1952. Sa première messe solennelle fut l'occasion de grandes festivités dans son village natal.
En octobre il arrive à Balouma, dans le diocèse de Nzérékoré en Guinée. Il se met courageusement à l'étude de la langue loghömä (ou toma), une langue à tons. Au travail pastoral, il ajoute la responsabilité de l'économat et du dispensaire. Les tournées se faisaient à pied de village en village, ce qui lui permet de commencer à pénétrer la culture. Il porte aussi un intérêt spécial aux questions sociales. Mais au bout de deux ans il est nommé en ville, à Macenta. Se sentant démuni pour un apostolat urbain il va d'abord voir ce qui se fait à Bamako et à Bobo-Dioulasso. Il va rester 4 ans à Macenta où il s'investit beaucoup dans l'animation de la jeunesse, à l'école, dans le club de sport et dans les mouvements. Plutôt que de bâtir une église, il opte pour la construction du Centre culturel Charles Lwanga, pensant que "avant de mettre les gens à genoux devant le Créateur, il fallait d'abord qu'il soient debout et réveillés". L'indépendance approchant, il s'intéresse de plus en plus à la politique, quitte à se faire soupçonner de communisme. Il est apprécié de tous. Se supérieurs voient en lui 'un missionnaire de valeur'
Après son congé en 1960, l'évêque, Mgr Maillat, le nomme à Nzérékoré comme directeur du Centre Diocésain de Pastorale. Il s'occupe aussi des écoles. Mais les relations entre l'Eglise et le président Sekou Toure s'avèrent de plus en plus difficiles. Peu à peu les écoles sont nationalisées, les mouvements interdits… Georges s'efforce de former des responsables laïcs, qui seront capables de prendre la relève lors de l'expulsion des missionnaires. Il est extrêmement actif, voire directif, au point que son manque de diplomatie fait qu'il se met à dos bon nombre de confrères. En 1962 il est arrêté sous l'accusation d'être un 'propagandiste marxiste', et doit rester tout un mois en cellule au camp militaire de Nzérékoré, avant d'être transféré à Conakry où il est libéré et renvoyé dans sa mission. Il est alors nommé à Kolouma où il continue à s'investir dans l'étude de la langue et des coutumes löghöma. Il s'efforce de christianiser certain rites traditionnels et de former des leaders. En 1965 il est nommé de nouveau à Macenta. Sentant l'opposition croissante du régime de Sékou Touré envers la mission, il se consacre totalement dans la formation de Conseils de Responsables, ce qui est mal perçu par les politiques… L'expulsion de tous les missionnaires fut annoncée par Sekou Toure le 1er mai 1967.
Il partit directement pour Ouagadougou, où il rejoignit l'aumônerie nationale des étudiants de Haute-Volta. Il allait y rester un an comme aumônier du Collège de La Salle pour les garçons, du Collège des filles et de l'Ecole Normale des filles. En juin 1968 il rentra en France et s'inscrivit à l'Ecole Missionnaire d'Action Catholique et Sociale de Lille. Ce fut une année qui le marqua profondément, tant par l'enseignement reçu que par le contexte d'agitation et de remise en cause qui agitait alors le pays et l'Eglise de France. Il adhère à un groupe de prêtres contestataires et s'investit à fond dans tous ces questionnements qui allaient influencer le reste de sa vie. Il parlera d' 'un tournant dans sa vie'. Il profita de cette année pour rédiger un mémoire qui lui permit de faire une relecture de ce qu'il avait vécu en Guinée. L'année suivante il se porta volontaire pour un nouveau départ vers l'Afrique et il reçut une nomination pour Mopti. Il se mit à l'étude du Bambara. Mais assez vite il se sentit mal à l'aise dans le genre de présence et de pratique pastorale. Percevant que ses confrères n'étaient pas prêts à l'écouter et à se remettre en question, il sentit venir la déprime et demanda à quitter l'Afrique. C'était en 1971, il avait 45 ans.
Sa vie va alors prendre une autre direction. Pendant 3 ans il fait partie de l'équipe des aumôniers universitaires de Nancy, pour les étudiants originaires du Tiers-Monde. Très vite il décide de ne pas se présenter comme aumônier, mais comme animateur socio-culturel. Il crée une association : le Groupe d'Amitié International Etudiant, et lance un bulletin 'Tierce Parole'. Son intérêt se porte de plus en plus vers la défense des droits de l'homme, vers le social et le politique plus que vers la pastorale.
Depuis quelque temps il se sent mal à l'aise dans l'Eglise-Institution et dans la Société, et il pense à s'intégrer dans le monde des travailleurs immigrés. En janvier 1975 il quitte la communauté de Sainte-Foy et s'établit dans un quartier cosmopolite de Lyon où résident de nombreux travailleurs immigrés. Il trouve du travail à l'Hôpital Herriot, d'abord comme magasinier, puis comme aide-manipulateur en radiologie. Il va y passer 16 ans. Il y lie de nombreux contacts. Il est membre du syndicat CFDT. Son enracinement lui permet de nombreux contacts avec le monde immigré et est amené à participer à la fondation de l'Association Solidarité Français Immigrés (ASFI). Georges y est heureux, mais ses confrères le trouvent assez doctrinaire, peu ouvert au dialogue, en réaction contre l'Eglise et contre les Pères Blancs. Il reste néanmoins en contact avec la communauté de Ste Foy et fait partie du 'groupe 'migrants' que la Province a mis sur pied pour faciliter un certain dialogue avec les confrères au travail ou en lien avec les migrants.
L'âge de la retraite arrivant, en 1991 il quitte Lyon et achète une maison aux Allymes (près d'Ambérieu-en-Bugey) où il s'installe. Il s'engage alors au service du Secours Catholique de Bourg-en-Bresse, où il remet en marche le secteur de l'action internationale au service de laquelle il rend de multiples services grâce à son expérience, sa générosité et son enthousiasme.
Finalement, en 2013, à l'âge de 87 ans, il rejoint la communauté de Ste Foy, où il vit d'une façon assez solitaire tout en rendant des services. Sa vie peut paraître assez marginale par rapport à celle de la plupart des confrères. Il se sentait plus concerné par la dimension humanitaire que par la dimension religieuse du christianisme. Mais il est resté fidèle à son serment missionnaire, en attachant plus de poids au service des démunis qu'au développement de l'Institution. Il était insatisfait par une Eglise qu'il trouvait trop embourgeoisée, trop loin des 'périphéries'. Il est décédé le 11 janvier, alors qu'il venait d'accepter une nomination pour la communauté de confrères âgés de Bry-sur-Marne. Lors de la messe de sépulture, le P. Norbert Angibaud put souligner comment la vie de Georges avait été une longue recherche de la façon la plus authentique de servir Jésus de Nazareth 'venu mettre l'homme debout et faire naître la fraternité universelle'.