le père Charles SartiUn dimanche, à Ourandé ( paroisse de Dédougou ), la Messe vient de se terminer et le catéchiste demande aux quelques femmes chrétiennes du village de rester pour régler leur problème.

Dans tout le Burkina, la boisson la plus commune, c'est la bière de mil (nyamou, pour les Bwaba, - doro, en jula, - raam, pour les Mossi). La cuisson et la vente du dolo est aussi l'une des façons les plus usitées pour les femmes de se faire de l'argent de poche.

Mais pour cela, il faut toute une installation : un minimum de deux ou trois jarres en terre cuite pouvant contenir chacune plusieurs dizaines de litres d'eau dans laquelle on fera bouillir le mil germé puis laisser murir (fermenter) le précieux liquide après y avoir mis la levure. Selon les ethnies et... les femmes, le tout peut durer de deux à trois jours.

Les femmes calculent pour que le précieux nectar soit fin prêt pour le jour du marché ou un jour de fête : mariage, funérailles, célébrations religieuses.

lci, le problème des femmes chrétiennes - peu nombreuses - c'est qu'aucune d'enles cruches (maintenant en aluminium) pour la cuissontre elles n'est « dolotière » c'est-à-dire n'a pas l'installation ad hoc : elles doivent aller chez des femmes de religion animiste. Or dans la religion traditionnelle, quand une femme a préparé son dolo, au moment de l'ouverture de son cabaret, elle puise la première calebasse qu'elle va verser au pied du fétiche qui symbolise le génie protecteur de la cour et elle lui demande de veiller sur elle et sur les buveurs qui vont se présenter... afin que tout se déroule dans la paix : sans dispute et sans incident.

L'une ou l'autre - chrétienne convaincue - a refusé de « faire fétiche »,  d'où palabre... et même menace de se voir refuser la location du cabaret.

Nous nous sommes assis et chacune a raconté l'histoire à sa façon.

Puis je leur demande : "d'après vous, quelle (s) solution (s) adopter ?"

- Pas besoin de se casser la tête : on a qu'à verser le dolo comme elles veulent, et boire tranquillement.

- Pas question, réplique une autre, nous ne pouvons pas faire fétiche.

Je leur demande : "pourquoi les femmes font ce geste. Qu'est-ce qu'elles cherchent." ?

- La paix et la tranquillité.

- Et nous, chrétiens ? A qui demandons-nous cette paix et cette tranquillité

-A Dieu, à Jésus.

- Alors quel geste faire pour montrer aux femmes païennes que nous aussi nous cherchons la paix et la tranquillité, mais... en la demandant à Dieu ?

- On va amener un crucifix dans la cour à dolo.

Une autre réplique : pas possible : si une dolotière amenait son fétiche dans notre cour,  à nous chrétiennes, est-ce que tu accepterais ? Non !

le dolo prêt à être buElles ont compris que le geste principal c'est l'offrande, en pur sacrifice de la 1ère calebasse. Nous chrétiens, comment l'offrir à Dieu ? Après moult cogitations, elles décidèrent d'offrir cette première calebasse à un vieux du village (*) et, en plus, de prendre la valeur de cette calebasse et d'aller la déposer sur l’autel de la chapelle.

Et lorsque ces offrandes équivaudraient à un honoraire de Messe, elles demanderaient une Messe pour attirer la bénédiction de Dieu sur tout le village (en prévenant et en invitant les vieux et les dolotières) c'est ainsi que la tranquillité est revenue à Ourande... en attendant qu’une chrétienne s'installe comme dolotière et commence par prier le Notre père sur la 1ère calebasse  qu'elle offrait au vieux chargé de la déguster...  au nom de Dieu, source de la vraie Paix.

(*) Au moment du sacrifice, certains animistes prononcent cette formule : « Dieu ne boit pas le dolo mais Il le donne à ceux qui marchent derrière Lui ».  lls versent alors un peu de dolo à terre (c'est la part des « ancêtres ») puis ils se partagent le reste.

 

                         Charles Sarti

                         Missionnaire d'Afrique