Session Jérusalem : « Disciples Missionnaires Aujourd’hui » (septembre décembre 2010)
« Jérusalem, ô belle et grande ville, solidement construite, alléluia » : combien de fois n’avons-nous pas chanté ou écouté ce chant ? Le nom de Jérusalem est plus que fascinant et souvent assimilé par méconnaissance à toute la Palestine ou à l’État d’Israël. Jérusalem, qui est situé en « Terre sainte », faisait partie de mes rêves. Voir Jérusalem « non pas pour mourir après », mais pour marcher sur les traces du Christ, fouler de mes pieds les endroits historiques où il a sans doute passé ou demeuré ! Ce rêve s’est finalement réalisé en 2010 où j’ai eu la chance de participer à la session « Disciples Missionnaires Aujourd’hui » de septembre à décembre.
À mon arrivée à l’aéroport international Ben Gourion, situé entre Jérusalem et Tel Aviv, je n’ai eu aucune difficulté avec la police et je fus accueilli à la sortie par le diacre Jean de Dieu Bukuru. Sur le chemin vers Jérusalem, mon attention a été attirée d’abord par les murs que je voyais de part et d’autre de la route et par leur hauteur. Le jeune diacre n’a sans doute pas été surpris des multiples questions que je lui posais en voyant ces fameux murs dont parlent les journaux quand on relate le conflit israélo-palestinien.
À notre arrivée à la porte des Lions, j’ai eu l’impression que nous rentrions dans la grande prison de Bamako à cause de la hauteur impressionnante des murs et des grilles qui sont fixées au-dessus. L’entrée de Sainte-Anne m’a fait le même effet. Je disais : c’est ici Jérusalem ? Je n’imaginais pas qu’une ville (la vieille ville surtout) pouvait être entourée de murs et que toutes ses portes d’entrée puissent être gardées par les militaires.
Durant la session, je ne voyais pas vraiment cette « Jérusalem, belle et grande ». Solidement construite, oui : quand on voit toutes ces pierres et ces gros blocs de rochers qui entrent dans les constructions, on ne peut pas douter de cette solidité. La géographie de la Terre Sainte laisse voir une région du Proche-Orient vraiment désertique et très aride par endroit. Je n’ai jamais vu autant de pierres et de rochers de toute ma vie. À la suite des visites et excursions à travers le pays, je revivais les propos d’un de mes professeurs de Bible au grand séminaire qui disait ceci : « Si tu visites la Terre Sainte, tu as de la peine à comprendre pourquoi le Christ a dit que le fils de l’homme n’a pas même une pierre où poser sa tête. »
Cependant, Israël a développé une technique exceptionnelle de maîtrise d’eau qui permet effectivement de créer par endroit des lieux paradisiaques comme cette belle ville à Neve Shalom dans le désert du Néguev où l’on voit une verdure magnifique en plein désert et le jardin des bahaï à Aifa, pour ne citer que ces deux endroits. Ce qui est frappant partout dans les ruelles de la vieille ville comme dans le reste des localités que j’ai visitées, c’est le nombre impressionnant de chats. Même à Sainte-Anne, il était impossible de dénombrer le nombre de chats qui s’y trouvaient.
Dans cette même vieille ville, les souks sont dans toutes les petites rues comme les souks du Dibida ou Dabanani à Bamako au Mali. Quand je me promenais dans ces ruelles, je revivais les mêmes réalités qu’à Bamako ; même la présence des jeunes militaires israéliens très bien armés dans ces quartiers chauds et très souvent agités ne m’impressionnait pas beaucoup.
Par contre, voir des commerçants musulmans et juifs qui vendent des croix, des médailles, des chapelets, des vases sacrés, des chasubles et beaucoup d’autre objets religieux chrétiens dans certaines ruelles de la vieille ville, cela m’a beaucoup étonné. Dans ces tohu-bohu des souks, j’admirais certains pèlerins qui, entre les touristes, commerçants et passants, vivaient leur dévotion de chemin de croix sur la via dolorosa ! Personnellement, je trouve que la beauté de Jérusalem ne se trouve pas dans les infrastructures qu’on y voit, mais que sa beauté est une beauté beaucoup plus spirituelle.
Les soirs ou très tôt le matin, je trouvais très belles les voix des muezzins mêlées au son des cloches ou aux chants de louange dans les différents lieux de culte, sans oublier la sirène qui annonce le sabbat des juifs. Juifs comme chrétiens et musulmans, tous adoraient à leur façon le même Dieu. Le côté paradoxal, c’est de voir que dans cette même ville où se côtoient ces différentes grandes religions, la violence est omniprésente.
Qu’est ce que je retiens dans tout cela ?
Mon désir de voir et de fouler la Terre Sainte sur les traces du Christ est né de cette soif spirituelle que j’avais après 13 ans d’apostolat en paroisse. Je voulais réellement prendre un moment pour me ressourcer. L’idée de Jérusalem m’a été soufflée par le Frère Patient et le Père Manolo. Pourquoi ne pas faire un pèlerinage en Terre Sainte ? La citation de l'anthropologue William Turner reprise dans le document de la présentation de la session était la bienvenue pour moi :
« Un pèlerinage nous libère des contraintes obligatoires de tous les jours, de tout ce qui est statut ou position sociale, de toutes nos histoires personnelles, de nos triomphes et de nos défaites, de sorte que nous devenons capables de redevenir nous-mêmes, selon un modèle nouveau de fraternité. Un pèlerinage est un trajet dans la liminalité, par où nous obtenons une nouvelle vision sur la vie, sur la mission, sur Dieu, sur nous-mêmes et sur autrui ».
Réaliser ce pèlerinage après mes deux ans d’études à Rome constituait un tremplin spirituel pour moi avant de retourner en paroisse. Me libérer du souci des études avant mon retour en pastorale, redécouvrir un modèle nouveau de fraternité, surtout sacerdotale, et enfin obtenir cette nouvelle vision sur la vie, mon apostolat, sur Dieu, sur moi-même et sur autrui.
Les excursions sur les lieux historiques et le contenu de la formation que nous avons reçue durant cette session, surtout les 8 jours de retraite, m’ont permis de bien prier, de méditer en groupe ou seul. J’ai aussi pris le temps de faire en solo le tour des lieux saints, comme le Jardin des oliviers où j’aimais beaucoup m’arrêter au « Dominus flevit » pour voir la ville actuelle et imaginer ce que le Christ ressentirait encore s’il se trouvait aujourd’hui à cette même place pour voir ce qui se passe quotidiennement sur ce sol qui l’a vu naître, grandir et accomplir sa mission de Messie. L’église du Saint-Sépulcre qui abrite le Golgotha et le tombeau de Jésus n’était pas d’un attrait spécial pour moi quand je voyais comment les orthodoxes et les franciscains gèrent ce lieu : on dirait une concurrence de prestige ou de possession sur un lieu saint. Peut-être que j’avais une image trop idéaliste de ce lieu saint ?
Les thèmes développés sur la communication non violente et la justice sociale selon Amos, les différents exposés sur le judaïsme, les Églises orientales et leurs rites, les causeries avec certaines personnalités religieuses et la vue des réalités quotidiennes de la Terre Sainte m’ont permis de relativiser beaucoup de choses dans ma façon de voir et de juger, surtout dans la pastorale. Je me sens renforcé dans ma foi, armé d’un nouveau zèle apostolique, même si certaines de mes convictions religieuses d’antan ont perdu des plumes. Ma foi en ressort encore plus purifiée qu’avant. Si beaucoup de jeunes prêtres diocésains pouvaient faire cette expérience, nos Églises locales en bénéficieraient.
Merci à toutes les personnes qui m’ont facilité cette expérience inoubliable.
Abbé Moise DEMBELE
Diocèse de Bamako.