Bien chers amis et parents, je vous écris du Caire (Egypte) où j’ai commencé un cycle d’études de 3 ans aboutissant à un M.A. en islamologie.
En ce moment une image me reste toujours gravée dans la tête et qui à mon avis résume les 3 ans passés en Algérie : c’est l’image de ma dernière rencontre avec Aïcha une étudiante en anglais. Et comme certains jeunes de l’université de Ouargla elle fréquentait notre bibliothèque. Aïcha est aussi la dernière étudiante que j’ai assistée pour ses recherches de fin de cycle (d’ailleurs elle avait un thème intéressant : les justifications de l’esclavage des noirs aux Etats Unis pendant les 16ème et 17ème siècle).
Le jour où Aïcha a terminé ses études et qu’elle devait partir, elle avait les larmes aux yeux en me disant merci et au revoir. Mais moi je ne pleurais pas, j’essayais de la consoler : « Ne pleure pas Aïcha ! Pourquoi pleures-tu ? » lui demandai-je. Et avant même qu’elle ne soit capable de dire un mot, je continuai en lui disant « sèche tes larmes ! Au contraire tu dois être heureuse parce que tu as fait un beau travail ; et je suis sûr que tu auras une bonne note ! ». Mais Aïcha continue ses pleurs tout en me disant : « Non, c’est pas ça ! C’est parce que tu m’as beaucoup aidé gratuitement ! Tu as été très gentil avec moi et je ne sais pas comment te remercier ! ». « Aïcha, c’était un plaisir – je lui dis ! Une fille sérieuse et travailleuse comme toi mérite tout ce que j’ai fait ! C’est à Dieu que nous devons tous dire merci ! »
Après le départ de Aïcha, la scène me revenait encore et le mot gratuitement qu’elle a dit ne cessait de faire écho en moi. Je le trouve comme une réponse à ces fameuses et éternelles questions que certains d’entre vous me posent souvent : Que faites-vous là-bas en Algérie ? Pourquoi es-tu missionnaire parmi les musulmans ? Pourquoi es-tu si bon avec eux et pourtant ils ne se convertissent pas ? Il y en a qui me soupçonnent aussi en disant : « ta gentillesse ne serait-ce pas une tactique missionnaire pour les gagner au christianisme? ».
Dans ce monde où tout est « donnant donnant » et « calculé », l’Eglise est un signe de la gratuité de l’amour de Dieu pour tous (Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement). Ainsi la mission que j’ai vécue en Algérie n’est pas obsédée par la question de faire nombre, mais plutôt de dire l’Amour que Dieu a pour tous ses enfants.
Pendant ces 3 ans le défi que je m’étais donné était de ne jamais cacher mon identité de chrétien et de prêtre, même lorsque cela pourrait être compromettant. J’ai voulu vivre au milieu des musulmans algériens en tant que chrétien et prêtre. Jésus Christ dont je suis le signe réel pour ces musulmans aime tout le monde sans distinction ; et j’ai vécu ces 3 années comme missionnaire envoyé auprès des musulmans pour leur dire que Jésus les aime musulmans. Jésus-Christ ne va jamais haïr quelqu’un parce qu’il n’est pas de son Eglise, « de son groupe ou de sa race » ! Et moi non plus ! C’est donc cette foi en Jésus-Christ, amour sans limite et sans frontière que j’ai voulu témoigner pacifiquement, sans mépris, sans haine et sans violence.
Mes services et mes gentillesses, qui sont d’abord les services et les gentillesses de l’Eglise qui m’envoie, ne sont pas du tout des tactiques de stratégies pour convertir quelqu’un ! Cela serait abuser aussi bien de la faiblesse que de la confiance de l’autre. L’Eglise où qu’elle soit est la dispensatrice gratuite de l’amour de Dieu pour tous. Elle n’est pas une agence commerciale avec des stratégies pour avoir plus de clients ! Elle est la présence du Christ qui aime tout le monde gratuitement et sans distinction. Et si quelqu’un confesse Jésus-Christ comme Seigneur, c’est bien par la force de l’Esprit Saint qu’il le fait. Et nous ne sommes que témoins.
Aussi je voulais dire un grand merci à tout un chacun d’entre vous, parce que même étant loin je crois que vous avez vécu cette mission en communion avec moi. J’en suis reconnaissant et je rends grâce à Dieu de vous avoir mis dans ma vie. J’ai beaucoup aimé l’Algérie et j’espère y revenir ! A mon avis le pays est aussi en train de vivre beaucoup de changements positifs malgré certains vents contraires.
Amitié et fraternité.
Anselme Tarpaga