Dans le deuil, lorsque nous pleurons le départ d'un être cher, l’Église, notre Mère, nous rappelle cette réalité de notre foi en Christ que “pour nous, la vie n'est pas détruite, elle est transformée”. La mort est un passage : une Pâques.
Emmanuel, catéchiste chevronné, rendait compte de cette réalité mystérieuse à sa façon :
“Une femme était sur le point d'accoucher et, comme elle avait coutume de parler avec l'enfant qu'elle portait en elle, elle lui dit :
- Mon enfant, le moment est venu pour toi de sortir de mon ventre. Le passage est étroit, tu vas peut-être souffrir un peu, mais n’aie pas peur, cela se passera bien.
L’enfant de répondre : Pourquoi sortir et m’arracher de toi, ma mère ? je t’aime bien, tellement même que je ne veux pas te quitter.
- Mais si mon enfant : là où tu es, tu ne connais que moi, et encore. Après ta naissance, tu découvriras tes frères et sœurs qui t’ont précédé, tu verras mon visage et celui de ton père.Tu feras la connaissance des hommes et des femmes qui peuplent notre village et le vaste monde que tu pourras parcourir.
- Non, mère, ne m’expulse pas de ton sein maternel : ici, je ne connais ni la faim ni la soif.
- Mais si, mon enfant, viens au dehors. Tu pourras savourer tant de nourritures, tant de sauces plus savoureuses les unes que les autres : le to de mil ou de maïs avec la sauce de gombo frais, de bons plats de riz à la sauce d’arachide, toutes sortes de viandes : le poulet, la pintade, le mouton et même de la viande de chasse. Tu connaîtras la fraîcheur de l’eau tirée du puits et, les jours de fête, tu te réjouiras en buvant une bonne calebasse de dolo.
- Mère, laisse-moi ! Ici, il fait si bon. Ne suis-je pas à l'abri du froid et de la chaleur ?
- Sors de mes entrailles, mon enfant, et tes yeux s'ouvriront aux splendeurs de la création : le soleil, la lune, les étoiles, les arbres de la brousse et les fleurs des champs. Tu grandiras et tu connaîtras les joies de l'amour et de la vie. Viens donc : le passage est difficile, mais le bonheur t'attend au-delà.”
Après quoi, le vieil Emmanuel reprenait la parabole où le Christ compare le bonheur et la joie du Royaume des Cieux à des noces royales où nous verrons le visage de Dieu notre Père et celui de tous ceux qui nous ont précédés, où nous goûterons cette paix qui surpasse tout ce que nous pouvons imaginer. Encore faut-il laisser son commerce, son champ, sa paire de boeufs et même, momentanément, ceux qui nous sont chers, car peu à peu, nos familles se reconstituent auprès de Dieu.
Au Burkina, les gens raffolent de ce langage imagé et parfois plein de poésie et de saveur. En juillet 1979, quand j'ai dû quitter les Mossi de Dedougou pour aller à Toma (chez les Samo), plusieurs m'ont demandé : “Pourquoi n’avez-vous pas refusé ?” Je leur ai expliqué que l'apôtre, au sens premier, c'est celui qui va là où l'Église l'envoie. Et certains ont réagi de façon merveilleuse.
Charles Sarti