« Au Mali, je vais dessiner ma tribu imaginaire »
Liens de famille. Adoptée très jeune, Hélène Jayet, photographe et dessinatrice (1), place la question
des origines au cœur de son travail artistique.
« Mes parents m’ont adoptée à trois mois et demi via Les Nids de Paris, association qui accompagne les femmes célibataires dans leur grossesse non désirée. Et c’est cette œuvre que je suis allée voir quand, à 27 ans, j’ai entamé un travail mêlant photographies et témoignages autour de l’adoption.
Je n’ai pas demandé d’informations sur mon histoire personnelle car je ne voulais pas d’éventuelles retrouvailles décevantes et douloureuses avec mes parents biologiques. Je cherchais à comprendre le processus d’accompagnement des mères, à bénéficier de contacts. À la fin de l’entretien, toutefois, mon interlocutrice m’a tendu une enveloppe.
« C’était très émouvant, très étrange, de voir des gens à qui je ressemblais »
À l’intérieur, un carnet de santé, un document de la préfecture et une fiche avec quelques éléments sur mon parcours. Il y était indiqué que j’étais née sous X d’une mère française et d’un père malien. Une information qui avait été donnée, mais au conditionnel, à mes parents adoptifs, que je considère comme mes vrais parent
Immédiatement, je leur ai téléphoné pour partager la nouvelle. Et eux m’ont répondu : « ça tombe bien, on a réservé un voyage au Mali et on a acheté un billet
pour toi ! ». Un voyage inoubliable. Dès que j’ai posé les pieds sur le sol africain, j’ai eu l’impression de connaître cette odeur de terre rouge. Alors que je n’étais jamais allée sur ce continent ! Je me suis tout de suite sentie très à l’aise. C’était très émouvant, très étrange, de voir des gens à qui je ressemblais. Et formidable de vivre ces moments avec mes parents.
« Des tantes, des oncles, des cousins que je n’aurai jamais »
Le sujet de l’adoption n’a jamais été tabou dans ma famille. Cela aurait d’ailleurs été difficile car mes quatre frères et sœurs, eux aussi, ont des origines différentes (coréennes, antillaises, rom ou gitane). Mes parents ont compris très tôt qu’on aurait besoin de savoir d’où on venait. Ils m’ont offert des livres sur l’Afrique et l’Asie ou encore l’album Sept milliards de visages (2), mon livre de chevet.
L’adoption ne cesse de nourrir mon travail d’artiste. Je repars bientôt pour le Mali, où je vais dessiner ma tribu imaginaire, avec des tantes, des oncles, des cousins que je n’aurai jamais. Une façon de me créer un album de famille. De quoi m’apporter beaucoup de paix. »
(2) De Peter Spier, Éd. L’École des loisirs, 15,30 €.