Togo : Jean-Pierre Fabre et Agbéyomé Kodjo
en quête du leadership de l’opposition
Le patron de l’ANC et l’ancien Premier ministre de Gnassingbé Eyadéma se disent convaincus de pouvoir constituer une alternative crédible au président sortant Faure Essozimna Gnassingbé lors de l’élection présidentielle du 22 février.
Officiellement, ils n’ont qu’un seul ennemi : Faure Essozimna Gnassingbé, qu’ils affronteront dans les urnes le 22 février. Tous deux candidats d’une opposition désunie (et ils ne sont pas les seuls), Jean-Pierre Fabre et Agbéyomé Kodjo se disent convaincus de pouvoir constituer une alternative crédible au président sortant, au pouvoir depuis 2005. Mais, au-delà, tout l’enjeu est de savoir laquelle de ces deux figures de la politique togolaise parviendra à prendre le leadership de l’opposition.
Le premier, Jean-Pierre Fabre, est à la tête de l’Alliance nationale pour le changement (ANC), dont il a déjà porté les couleurs en 2010 et en 2015. Maire de la commune du Golfe 4, à Lomé, il a été investi candidat dès octobre 2019 alors même que la coalition à laquelle il appartenait, la C14, se disait encore favorable à une candidature unique de l’opposition. Fabre avait rejeté l’idée, estimant que les circonstances ne s’y prêtaient pas, et choisi de faire cavalier seul.
Face à lui, un homme au profil radicalement différent : Agbéyomé Kodjo. Si ce dernier est connu au Togo, c’est moins parce qu’il est député ou parce qu’il dirige le Mouvement patriotique pour la démocratie et le développement (MPDD) que parce qu’il a été le Premier ministre de Gnassingbé Eyadéma au début des années 2000.
Deux profils opposés
Dans cette course, Fabre s’applique à faire valoir son expérience parlementaire, même s’il n’est plus député, puisque son parti a boycotté les législatives de décembre 2018 (c’est à ce moment-là qu’il a perdu son statut de chef de file de l’opposition). Réputé intransigeant, il peut également se targuer de ne s’être jamais « compromis » avec le pouvoir, lui qui, en 2010, n’avait pas hésité à rompre avec son mentor, Gilchrist Olympio, quand celui-ci avait fini par se rapprocher de Faure Gnassingbé.
Jean-Pierre Fabre est incontournable pour l’alternance
Agbéyomé Kodjo ne peut pas en dire autant. Président de l’Assemblée nationale à la toute fin des années 1990, nommé à la tête du gouvernement un an plus tard, il a été un pilier du parti au pouvoir, le défunt Rassemblement pour le peuple togolais (RPT), avant d’être contraint à l’exil, en 2002, pour avoir osé défier Gnassingbé Eyadéma.
Déjà candidat à la présidentielle de 2010, lors de laquelle il avait peiné à rassembler 0,9 % des suffrages, il peut se prévaloir d’un profil d’homme d’État et d’être le « candidat unique » d’une coalition, celle des Forces démocratiques (il a été investi le 31 décembre dernier). Surtout, il bénéficie du soutien convoité de Mgr Philippe Fanoko Kpodzro, l’archevêque émérite de Lomé.
Soif de changement
Jean-Pierre Fabre et Agbéyomé Kodjo n’éprouvent pas de sympathie particulière l’un pour l’autre, même si tous deux ont appartenu au collectif Sauvons le Togo (CST) en 2010. L’ancien Premier ministre reconnaît néanmoins que son rival de l’opposition a un rôle à jouer. « Jean-Pierre Fabre est incontournable pour l’alternance », a-t-il déclaré au début de janvier sur une radio locale.
De fait, Fabre jouit d’une solide assise nationale et pourrait bénéficier de l’absence du Parti national panafricain (PNP), de Tikpi Atchadam, qui était parvenu à capter le mécontentement lors des grandes manifestations de la fin de 2018. La force d’Agbéyomé Kodjo réside, elle, dans la soif de changement d’une partie des Togolais qui pourraient être prêts à faire un compromis avec un transfuge du pouvoir.
« Je ne prétends pas être plus intelligent que les autres, mais je suis mieux préparé qu’eux, parce que je connais bien les rouages du pouvoir et de l’opposition », insiste-t-il. Parviendront-ils l’un et l’autre à séduire un électorat démobilisé ? Verdict le 22 février.