Rokia Traoré a démarré une grève de la faim pour protester contre son incarcération à Paris

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La chanteuse Rokia Traoré au festival de Cannes, en 2015.

En conflit avec son ancien compagnon sur la garde de leur fille de cinq ans, l’artiste malienne est sous le coup d’un mandat d’arrêt européen pour enlèvement, séquestration et prise d’otage. Depuis la prison de Fleury-Mérogis, elle a entamé une grève de la faim.

L’arrestation spectaculaire de Rokia Traoré à sa descente d’avion à l’aéroport de Roissy, le 10 mars, avait tout pour surprendre. Et pourtant, ces derniers mois, l’artiste malienne qui se produisait encore en janvier dernier à la Philharmonie de Paris et qui travaillait à un hommage à Miriam Makeba, avait déjà été arrêtée dans la capitale française et à Dakar avant d’être à chaque fois relâchée.

Selon nos informations, elle était en effet sous le coup d’un mandat d’arrêt international émis le 24 octobre 2019 par une juge d’instruction au tribunal de première instance francophone de Bruxelle.

Les faits reprochés à la grande chanteuse malienne ? Enlèvement, séquestration et prise d’otage de sa propre fille de cinq ans. Des faits pour lesquels, si sa culpabilité est prouvée, Rokia Traoré encourt une peine de cinq ans d’emprisonnement.

Depuis la prison de Fleury-Mérogis, Rokia Traoré a annoncé entamer une grève de la faim. Elle considère qu’il y a une « racisation » de la procédure et réfute la compétence de la Belgique dans le dossier qui la concerne.

Attouchements sexuels

Si l’affaire est si stupéfiante, c’est aussi que l’artiste a toujours été discrète sur sa vie privée. Une très longue note rédigée sur son propre compte Facebook ainsi que les explications de son avocat, Maître Kenneth Feliho, permettent de reconstituer l’enchaînement des faits, du moins de son point de vue. Pour l’heure, l’avocat de la partie adverse est resté injoignable. Il s’agit de Frank Berton -ténor du barreau, basé à Lille – qui s’est distingué dans plusieurs affaires médiatisées, en prenant notamment la défense de Florence Cassez ou Salah Abdeslam.

Les faits, donc. Rokia Traoré a eu une petite fille de sa relation avec le dramaturge belge Jan Goossens, actuellement directeur du Festival de Marseille. L’artiste malienne a emmené rapidement avec elle cette enfant à Bamako, où elle est d’ailleurs aujourd’hui inscrite à l’école internationale américaine. Le père, quant à lui, pouvait rendre régulièrement visite à sa fille ou l’emmener en voyage dans d’autres pays européens et africains.

Mais en mars 2019, cet équilibre se rompt brutalement. Selon Rokia Traoré, son ancien compagnon aurait fait subir des attouchements sexuels à leur fille. La chanteuse dépose plainte au Mali et obtient la garde exclusive. Dans le même temps, Jan Goossens se tourne vers les tribunaux belges. Sa défense, dénonçant une contestation de l’autorité parentale, évoque une manipulation de l’enfant.

Le tribunal bruxellois a finalement donné la garde exclusive de l’enfant à son père. Mais la mère, vue la gravité des faits reprochés, a refusé de rendre l’enfant et ne s’est pas présentée devant le juge. C’est justement au moment de se rendre finalement à une audience à la Cour d’appel de Bruxelles, qu’elle a été arrêtée lors de son escale à Paris.

Audience le 18 mars

Rokia Traoré est donc actuellement détenue à la prison de Fleury-Mérogis. Une audience est prévue mercredi 18 mars à Paris pour savoir si elle sera transférée devant la justice belge.

Les réseaux sociaux, eux, ont déjà pris parti : le hashtag #FreeRokia est apparu dès que son arrestation a été dévoilée. Une pétition circule également sur change.org. Déjà signée par près de 5 000 internautes, elle reprend les arguments de l’artiste qui dénonce un procès injuste fait à une femme africaine.

Dans une note rédigée en décembre, la chanteuse déclarait en effet : « Avec effroi, je découvre que nos droits ne pèsent pas le même poids dans la balance de mère Justitia selon que nous soyons femme travailleuse ou pas, noir ou blanc du point de vue de l’Europe ou de l’Afrique. »

Elle dénonce également l’absence de reconnaissance de souveraineté du Mali, dont l’avis de justice n’a pas été pris en compte, et l’impossibilité, pour elle, de pouvoir poursuivre sa carrière internationale sous le coup d’un mandat d’arrêt.