[Chronique] Mariam, la jeune Malienne qui fait la leçon au Conseil de sécurité
Quelle portée auront les propos de l’adolescente malienne qui vient de tancer les grands de ce monde au Conseil de sécurité ? Sa prestation a le mérite de réveiller des institutions anesthésiées pendant la récente pandémie.
Pauvres bedonnants dégarnis des instances onusiennes ankylosées ! À peine commencent-ils à se débarrasser médiatiquement de l’activiste écologiste suédoise Greta Thunberg qu’il voient débarquer une nouvelle « teigne » adolescente. C’est ce 23 juin que Mariam, Malienne âgée de 15 ans, s’est adressée en visioconférence au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies, organe présidé en juin par la France, pays impliqué dans la gestion de la crise sahélienne.
Son cheval de bataille à elle, c’est le sort des enfants dans ces zones de conflit si peu évoquées pendant cet étrange printemps monomaniaque, période inédite où les instances et les médias n’avaient que le mot « Covid » à la bouche.
Tellement jeune qu’elle n’est qu’un prénom dans les compte-rendus, Mariam a brassé pêle-mêle l’exposition des mineurs à des exactions, leur recrutement par des milices, l’enseignement de la violence et du vol, la naissance d’une culture de justice sauvage, la confrontation à la drogue, à l’alcool ou au viol, filles comme garçons.
« Prenez des décisions »
Membre du Parlement des enfants au Mali, Mariam a joué la carte de l’incarnation en abîme, faisant revivre par sa présence le sort vécu par le dénommé Mohamed, natif de la région de Mopti devenu orphelin après le massacre de ses parents et recruté de force par un groupe armé alors qu’il n’avait que dix ans. Traumatisé, le garçon finira par fuir…
« Prenez des décisions » a adjuré Mariam d’une voix éclatante, afin que les enfants en zones de conflit cessent de subir des conséquences « énormes ».
Si l’intervention de la jeune Malienne est si remarquée, c’est que les témoignages d’adolescents sont rares au Conseil de sécurité et que la question soulevée est d’actualité dans les arcanes onusiennes : le secrétaire général de l’ONU vient de publier un rapport sur les enfants dans les conflits.
Un document qui fait l’objet de controverses soulevées par de nombreuses ONG, António Guterres ayant décidé de retirer deux entités de la liste noire des pays et groupes participant aux exactions sur des enfants : la Birmanie et la coalition dirigée par l’Arabie saoudite au Yémen.
Selon des chiffres de l’UNICEF de 2019, près d’un enfant sur dix dans le monde – soit plus de 230 millions d’enfants – vit dans des zones qui connaissent des conflits armés. 125 millions seraient directement affectés par ces combats. Plus de 170 000 violations graves ont été certifiées depuis 2010, ce qui représente plus de 45 violations par jour contre les mineurs en lien avec des conflits.
Des chiffres aussi éloquents que surréalistes. Des statistiques qui ont bien besoin, de temps à autre, de l’incarnation d’une Mariam ou d’un Mohamed.