Les barbes ont toujours été associées avec le christianisme. Qui a vu un tableau du Christ imberbe ? Huit des personnages de la Dernière Cène de Léonardo da Vinci sont barbus. Les Missionnaires d’Afrique ont été fondés en Afrique du Nord à l’époque où tous les Arabes portaient la barbe. Quiconque regarde des photos de nos prédécesseurs doit constater qu’ayant adopté le style vestimentaire des Arabes, ils les ont aussi imités en arborant une abondante quantité de pilosité faciale.
Durant la plus grande partie de notre histoire, le port de barbe fut obligatoire dans la Société. Le Directoire des Constitutions de 1909 demande aux missionnaires de se raser la tête et de porter une barbe complète. En même temps, il y avait une petite concession : “Ce qui n’empêche pas de la raccourcir un peu pour la tenir plus propre.” Les Directoires ultérieurs furent plus précis concernant la toilette. Ainsi, l’un d’eux décrète : “Tous les missionnaires, Pères et Frères, portent les cheveux courts et la barbe pendante. Il est rappelé aux missionnaires qu’ils doivent s’abstenir d’excentricités ou de recherches mondaines dans la façon de tailler la barbe ou de couper les cheveux.” Quelques-uns des premiers Pères apparaissaient, en effet, assez féroces.
Le Père Jean-Baptiste Durand présentait peut-être la barbe la plus impressionnante de toutes, d’après ce que montre sa photo. Au Nord Ghana, des gens venaient à pieds, de très loin, pour la voir et il était connu pour être l’homme sans bouche. À Jirapa, à Noël 1934, la première messe de minuit fut célébrée au premier étage de la véranda de la maison des Pères, au lieu de la petite chapelle provisoire. Elle attira une foule nombreuse de curieux. À la fin du service, le Père Durand se mit à chanter le beau chant de Noël “Douce Nuit”. Sa fine voix de ténor émergeant d’un homme supposé sans bouche a provoqué un vrai tohu-bohu dans l’assemblée. Les femmes se mirent à hurler et se sont enfuies, paniquées, avec leurs enfants. Seuls les hommes sont restés, leurs genoux s’entrechoquant de terreur.
La barbe était la marque des Pères Blancs, ce qui les distinguait des autres Sociétés missionnaires. À la consécration de la cathédrale de Kigoma en 1950, Twining, Gouverneur général du Tanganyika, a raconté comment les Pères Blancs l’avaient séduit après la première guerre mondiale, en les voyant à l’œuvre en Ouganda, pédalant infatigablement sur leur bicyclette, leur grande barbe flottant au vent.