Le pape François peut-il renoncer ?

Analyse 

Alors que Benoît XVI a ouvert la voie, le 11 février 2013, il y a tout juste huit ans, à la renonciation d’un pape au trône de Pierre, les rumeurs sur l’éventuel départ de François sont récurrentes.

  • Loup Besmond de Senneville (à Rome), 

Lecture en 3 min.

                      Le pape François peut-il renoncer ?
 
                Le pape François après avoir récité la prière de l’Angélus,
                 le 7 février 2021.GREGORIO BORGIA/A

Alors que le 11 février 2021 marque les huit ans de la renonciation de Benoît XVI au trône de Pierre, certains posent aujourd’hui la question d’un acte similaire de la part de François.

Depuis le début de son pontificat, elle s’invite d’ailleurs régulièrement dans les discussions. Sur le fond, le pape n’a jamais fait mystère que cela demeurait pour lui une option. Dès 2014, c’est François lui-même qui estimait que son pontificat serait bref. « Deux ou trois ans, et puis… à la maison du Père »lançait-il aux journalistes. La même année, il avait également demandé le renouvellement de son passeport argentin, nourrissant alors l’hypothèse d’une éventuelle démission et d’un retour au pays.

→ ANALYSE. Pape François, un pontificat « bref », vraiment ?

L’année d’après, dans un entretien à la télévision mexicaine, il répétait : « Mon pontificat sera bref. Quatre ou cinq années, je ne sais pas, même 2 ou 3. Je sens que le Seigneur m’a placé ici pour un temps court, rien de plus. » Sauf que près de huit ans plus tard, le pape François est toujours là, et qu’il s’apprête à reprendre, début mars avec l’Irak, ses voyages apostoliques après 15 mois d’interruption forcée en raison de la crise sanitaire.

Droit canonique

En théorie, le droit canonique n’a pas évolué sur ce point précis, et une renonciation est donc possible. Le canon 332-2, qui avait permis à Benoît XVI de laisser sa charge, ouvre en effet clairement cette possibilité.

→ RELIRE. Le pape émérite Benoît XVI explique sa renonciation

« S’il arrive que le Pontife Romain renonce à sa charge, il est requis pour la validité que la renonciation soit faite librement et qu’elle soit dûment manifestée, mais non pas qu’elle soit acceptée par qui que ce soit », peut-on y lire. Des dispositions dont le pape émérite avait tenu compte à la lettre, puisqu’il avait pris soin, de manifester sa décision publiquement, devant les cardinaux réunis lors d’un consistoire, affirmant bien « renoncer au ministère d’évêque de Rome, Successeur de saint Pierre », accomplissant cet acte « en pleine liberté ».

Spéculations

À Rome, les spéculations n’ont pour ainsi dire presque jamais cessé depuis l’élection de François. Certains pointent ainsi régulièrement la fatigue de François, 84 ans, ou ses problèmes de santé, comme sa récente sciatique qui l’a empêché de présider plusieurs célébrations autour du 1er janvier. D’autres font également remarquer que la durée de son pontificat a désormais dépassé celle de Benoît XVI.

Autour de Noël, plusieurs journaux ont pris prétexte d’une citation de l’un des proches du pape, Austen Ivereigh, pour relancer la rumeur. Sauf que ce journaliste avait par la suite démenti ses propos, prétendument tenus auprès d’un magazine britannique.


« Je n’ai jamais dit que le pape allait bientôt démissionner, et je n’ai cessé de répéter le contraire ces dernières semaines : il s’agit d’un pontificat en plein essor, dynamisé par la crise de Covid, sur le point de mettre en œuvre d’importantes réformes du Vatican et de planifier des voyages en Irak et au Sud Soudan »
, écrit-il écrit sur Twitter.

L’année d’avant, certains avaient également remis cette question sur le devant de la scène après un geste d’agacement du pape, le 31 décembre 2019, à l’encontre d’une femme qui l’avait agrippé.

Collaborateurs limités

Si la renonciation de François est bel et bien une option pour le pape, qui ne l’a jamais exclue, il est certain qu’une telle décision serait, comme dans le cas de Benoît XVI, prise dans le plus grand secret. Le pape argentin, dont le nombre de collaborateurs de confiance est extrêmement limité, consulte beaucoup mais décide seul. Et il tient à se préserver de toute pression, dont celles provoquées par les rumeurs.


C’est ainsi que, selon une source proche du pape, il a par exemple confié à deux personnes le soin de gérer son agenda, l’une ayant connaissance des rendez-vous pris le matin, l’autre de ceux fixés l’après-midi. Le pape est ainsi le seul à connaître l’intégralité des personnes qu’il rencontre. Une manière de préserver sa vie privée et sa liberté de décision, en dehors des spéculations. Y compris pour une éventuelle renonciation.