Bolloré : à la rencontre de Folashade Akanni-Shelle,
première Africaine patronne de BTL au Nigeria
05 février 2021 à 12h20
Fonceuse, efficace et ambitieuse… Les qualificatifs flatteurs abondent pour décrire la nouvelle directrice de la filiale de transports et logistique du géant français à Lagos.
Bolloré aura attendu la fin de janvier 2021 pour officialiser sa nomination. À 41 ans, Folashade Akanni-Shelle est, depuis octobre 2020, la première femme à la tête de la filiale nigériane de Bolloré Transports and Logistics (BTL). Elle retrouve du même coup son pays d’origine qui, elle le sait, l’attend au tournant.
https://www.jeuneafrique.com/wp-content/themes/ja-3.0.x/assets/img/mondial2018/quote-article.png") left top no-repeat;">ELLE A UNE AUTORITÉ NATURELLE QUI IMPOSE LE RESPECT
Alors qu’en Tanzanie, sa précédente affectation, Folashade manageait 300 personnes, à Lagos ce sont plus de 600 collaborateurs qui sont sous sa responsabilité. Elle doit aussi assurer la couverture d’un territoire de 925 000 km² en s’appuyant sur les agences du groupe à Badagry, Agbara et Abuja, ainsi que sur les 26 entrepôts qui jalonnent le pays.
Marché énorme et récession historique
Avec plus de 200 millions d’habitants, le Nigeria est un marché énorme pour le groupe, qui s’y est spécialisé au fil des ans dans le transport des produits de grande consommation, la téléphonie et le oil and gas. Folashade arrive par ailleurs en pleine crise de Covid, qui touche de plein fouet l’économie nigériane : le FMI s’attend à une récession de -4,3 % pour 2020 et à une reprise très lente au cours de 2021.
Mais Folashade aime les défis. « Mon objectif est de faire de BTL la première clearing agency (agence de compensation) au Nigeria. Et on va le faire différemment de nos concurrents : sans compromis ni par rapport à la politique du groupe, ni sur notre niveau de conformité », annonce-t-elle.
https://www.jeuneafrique.com/wp-content/themes/ja-3.0.x/assets/img/mondial2018/quote-article.png") left top no-repeat;">ILS NE PENSAIENT PAS QUE QUELQU’UN COMME MOI, UNE AFRICAINE, UNE FEMME, POUVAIT AUSSI BIEN CONNAÎTRE LE BUSINESS
Pour Régis Tissier, chargé de la zone Tanzanie-Rwanda-Burundi, son précédent responsable, Folashade est faite pour le poste. « Elle a une autorité naturelle qui impose le respect, par la compétence. Lorsqu’il a fallu que je remplace mon adjoint en Tanzanie en 2017, c’est moi qui suis allé la chercher. Elle est travailleuse, efficace et très ambitieuse. Elle réfléchit très vite. Même parfois trop vite. Certaines décisions nécessitent de prendre un peu son temps… Mais Shade, elle est comme ça : elle fonce. La Tanzanie lui aura appris à ne pas toujours réagir à chaud ».
Échelons grimpés un à un
Le Nigeria, Folashade le connaît déjà. Au-delà du fait qu’elle y a passé toute son enfance entre Ngoyi et Ifako Agege, elle a été, à 23 ans, représentante d’OT Africa Line à Lagos – un opérateur détenu à l’époque par Delmas, lui-même contrôlé par SDV Logistic International, qui prendra le nom de Bolloré Logistics en 2015.
https://www.jeuneafrique.com/wp-content/themes/ja-3.0.x/assets/img/mondial2018/quote-article.png") left top no-repeat;">JE N’AI PAS ÉTÉ PROPULSÉE AU SOMMET. J’AI ÉTÉ FORCÉE D’AVANCER PAS À PAS
Elle est déjà la première femme nigériane à occuper cette fonction. Sa secrétaire a deux fois son âge. Son équipe la voit arriver avec circonspection. « J’étais extrêmement angoissée, mais cela s’est très bien passé. Plus tard, j’ai compris pourquoi : c’était le pouvoir de la connaissance. Ils ne pensaient pas que quelqu’un comme moi, une Africaine, une femme, pouvait aussi bien connaître le business. Mais à partir du moment où tu sais du quoi tu parles, et que les autres savent que tu sais, ils ne peuvent rien contre toi ».
https://www.jeuneafrique.com/wp-content/themes/ja-3.0.x/assets/img/mondial2018/quote-article.png") left top no-repeat;">LE TRANSPORT MARITIME, ÇA RÉSISTE À TOUT. AUX GUERRES, AUX RÉCESSIONS, AUX ÉPIDÉMIES.
Puis elle grimpe les échelons un à un. Après le Nigeria, elle devient responsable des services logistiques pour Bolloré au Ghana, puis directrice des solutions logistiques en Ouganda, enfin directrice générale en Tanzanie. « Je n’ai pas été propulsée au sommet. J’ai été forcée d’avancer pas à pas. Et parce que je suis passée par toutes les étapes, que j’ai occupé quantité de postes différents au sein du groupe, je suis beaucoup plus forte ».
Mettre au plus vite les mains dans le cambouis…
À l’origine, Folashade dispose d’un diplôme de droit de l’université de Cardiff, au Royaume-Uni. Elle choisit ensuite de se spécialiser en droit maritime à Southampton. « Je me suis dit : le transport maritime, ça résiste à tout. Aux guerres, aux récessions, aux épidémies. Quoi qu’il arrive, les gens continueront de faire bouger des choses d’un point A à un point B. Au pire, ils transporteront des médicaments, de la nourriture, des armes. Quelque chose doit toujours bouger. C’est donc la meilleure industrie dans laquelle travailler ».
https://www.jeuneafrique.com/wp-content/themes/ja-3.0.x/assets/img/mondial2018/quote-article.png") left top no-repeat;">FOLASHADE A PASSÉ DIX-SEPT ANS CHEZ OT AFRICA LINES
Elle passe un master spécialisé et entreprend rapidement de trouver son premier poste. Ce sera chez OT Africa Lines, mais pas immédiatement au Nigeria : à ce moment-là, le groupe recherche simplement un agent maritime, avec des qualifications moins élevées que celles dont elle dispose.
Mais son objectif est de mettre au plus vite les mains dans le cambouis. Dès la première année, le poste évolue pour mieux correspondre à son profil. Elle devient double-assistante, à la fois auprès du directeur commercial et du directeur export. Elle les accompagne partout – y compris, au bout de deux ans, dans leur agence au Nigeria. Elle envisage un temps de démissionner pour retrouver son pays, qu’elle redécouvre dynamique et plein d’opportunités. Conscients du potentiel de la jeune femme, ses responsables trouvent le moyen de la garder dans la « famille » en lui proposant le poste de représentante locale. Folashade restera dix-sept ans dans le groupe.
…mais reprendre ses études et finir major de promo
Malgré ce parcours modèle, Folashade admet que son ascension ne s’est pas faite sans heurts. Dès ses premières années chez Bolloré, elle remarque que les collègues masculins qui ont démarré au même niveau qu’elle progressent plus vite. La frustration grandit jusqu’en 2016 où elle cherche alors une façon de sauter du bateau Bolloré sans que cela n’affecte sa carrière: ce sera un MBA en Business Administration and Management.
https://www.jeuneafrique.com/wp-content/themes/ja-3.0.x/assets/img/mondial2018/quote-article.png") left top no-repeat;">FAIRE HONNEUR À SA GRAND-MÈRE, BUSINESSWOMAN AVANT L’HEURE
Elle présente sa démission, qui lui est refusée. Au lieu de cela, on lui accorde une année sabbatique, à l’issue de laquelle elle sera nommée en Tanzanie. L’épisode lui aura permis au passage de faire figurer son nom sur les murs de l’université de Cranfield, au Royaume-Uni, comme major de sa promotion.
Le Nigeria, Folashade le voulait, et elle a fini par l’avoir. Pour relever le défi lancé par Bolloré mais aussi pour se rapprocher de sa famille, dont elle n’a pas beaucoup profité ces dernières années. Également pour faire honneur à la première « femme forte » de la famille, Alhaja Taibat Abebi Agunbiade, sa grand-mère : une businesswoman avant l’heure, « une matriarche qui obtenait toujours ce qu’elle voulait », devenue sans avoir fait d’études l’une des stars de la confection de vêtements pour la bonne société nigériane. Un réseau que Folashade a côtoyé dès son plus jeune âge dans les meilleures écoles du pays, et qui ne sera pas le moindre de ses atouts dans ses nouvelles fonctions.