Françoise Massy et Yvonne Reungoat,
deux religieuses honorées par la République
Portrait
Supérieures de leurs congrégations, Sœurs Yvonne Reungoat et Françoise Massy ont été distinguées, le 1er janvier, dans l’ordre de la Légion d’honneur. Une décoration et une promotion qu’elles prennent comme un encouragement de leur pays à l’investissement des religieuses dans la société.
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À les voir, elles ont l’air toujours un peu étonnées de ce qui leur arrive. Réunies à Rome dans une salle de la grande maison qui accueille le siège de l’une de leurs deux congrégations, l’une est voilée, l’autre pas.
La première, Sœur Yvonne Reungoat, 76 ans, est supérieure générale des salésiennes de Don Bosco. La seconde, Sœur Françoise Massy, trois ans de moins, est à la tête des Franciscaines missionnaires de Marie. Et si elles ont accepté de se réunir ce samedi matin, c’est pour échanger sur une médaille… décernée par la République. Toutes deux ont en effet découvert quelques semaines plus tôt que la France les distinguait dans l’ordre de la Légion d’honneur : promotion au grade d’officier pour Sœur Yvonne et nomination au grade de chevalier pour Sœur Françoise.
Des distinctions apprises en lisant La Croix
Les deux religieuses ne l’ont d’ailleurs appris que le lendemain de la publication du Journal officiel. « J’ai regardé un peu par hasard dans La Croix et en voyant mon nom, ma surprise a été totale. Je n’arrivais pas à y croire ! J’ai cru à une erreur, en vérifiant sur le Journal Officiel, je me suis rendue à l’évidence », sourit franchement Sœur Yvonne Reunogoat.
À côté d’elle, Françoise Massy enchaîne : « Et moi, eh bien c’est Yvonne qui m’a téléphoné… » À vrai dire, les deux femmes se connaissent. Depuis qu’elles ont été nommées en 2019 toutes deux membres de la Congrégation pour la vie consacrée, qui régit, à Rome, tout ce qui a trait aux moines, religieux et religieuses.
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Et lorsque l’on souligne le paradoxe d’une République laïque décorant deux religieuses, on les voit esquisser un sourire, avant de reprendre une gorgée de café. « Dans un pays comme la France, il n’est pas évident que la vie religieuse soit reconnue publiquement de cette manière, et cela m’a beaucoup réjouie », admet Yvonne Reungoat. « Bien sûr qu’il y a l’évangélisation, mais cette vie-là est aussi une façon d’être un signe pour la société de ce que l’on peut vivre », renchérit-elle.
« Ça fait partie des surprises de la vie religieuse… »
« Moi, si j’ai choisi la vie religieuse, c’est pour être au service de Dieu, du monde et de la société. Donc oui, cela rejoint un certain nombre de valeurs de la République », poursuit Sœur Françoise Massy, originaire de Bergerac. « Dès le début, je voulais vivre avec des gens qui ont le moins de chance d’être en contact avec l’Église. Au Mexique, je me suis mise au service de gens qui n’étaient pas en contact avec des prêtres ou des paroisses, retrace cette femme réservée. Mais être supérieure générale ou recevoir des médailles, on ne peut pas dire que ce soit un choix de vie. Disons que ça fait partie des surprises de la vie religieuse… »
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De manière paradoxale, Sœur Yvonne voit dans cette décoration une large « reconnaissance de la vie religieuse », ou en tout cas de son rôle dans la société. Celle qui a donné sa vie à une congrégation formée par 11 600 religieuses investies dans les écoles y voit même un soutien par la République de l’importance donnée à l’éducation, « la chose la plus importante qui existe pour construire l’avenir d’une société. Elle est le fondement du futur d’un pays. »
« Les carences de certains pays vous sautent au visage »
La position que cette Bretonne occupe à la tête de sa congrégation constitue d’ailleurs un bon observatoire en la matière. « Quand vous avez une vision mondiale, les carences de certains pays vous sautent au visage, notamment dans le secteur de l’éducation des filles dans certaines zones d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique latine. »
Le choc ressenti lors de ses huit années passées en Afrique de l’Ouest, ne l’a jamais quitté. « Quand tu vois des gens mourir de maladies que l’on prendra simplement en charge en France… » souffle-t-elle.
Ni l’une ni l’autre n’ont, pour l’heure, songé à l’organisation de la cérémonie au cours de laquelle tout récipiendaire d’une telle distinction doit être officiellement épinglé. Toutes deux ont aussi terminé leur mandat de supérieures générales en octobre dernier… et ont dû jouer les prolongations en raison du Covid. Et, à vrai dire, c’est plutôt les complications provoquées par l’épidémie qui les préoccupe. « Pour le reste, on verra plus tard. »