Jean-Pierre Sautreau, au nom des victimes de l’Eglise

Une prière de repentance vis-à-vis des victimes d’abus sexuels est organisée dimanche 14 mars à Luçon, en Vendée.

Jean-Pierre Sautreau a joué un rôle clé dans la prise de conscience de l’Église de Vendée.

  • Christophe Henning, 

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Jean-Pierre Sautreau, au nom des victimes de l’Eglise
 
Jean-Pierre Sautreau, abusé à 12 ans, raconte son enfance volée dans un livre.YOHAN BONNET/HANS LUCAS9

Ce dimanche 14 mars à 15 heures aura lieu, en la cathédrale de Luçon, une prière de repentance avec le dévoilement d’une plaque en mémoire des enfants victimes de violences sexuelles par des prêtres. Si le diocèse vendéen est particulièrement engagé dans ces démarches, il le doit à un homme en colère, victime et lanceur d’alerte.

À 72 ans, Jean-Pierre Sautreau est un homme libre, à la parole généreuse, qui a mis l’Église de Vendée face à ses blessures. Sur cette terre très catholique, les agressions sexuelles sur les jeunes, notamment dans les pensionnats de garçons, ont été une douloureuse réalité. Violé à l’âge de 12 ans, par deux prêtres alors qu’il était scolarisé au petit séminaire de Chavagnes-en-Paillers, Jean-Pierre Sautreau a gardé le silence.

De ses années de syndicalisme, il a gardé la gouaille et le verbe haut : « J’avais cette colère en moi dont j’ignorais la source. Mais cet engagement pour les autres m’a aidé à tenir », confie l’ancien délégué CFDT de Vendée. Il se souvient des grandes heures d’un syndicalisme, des rencontres avec les intellectuels de gauche : « J’ai connu des failles mais pas l’effondrement de la plupart des victimes. »

En 2015, alors qu’il laisse percevoir sur son blog de poésie les traces d’une enfance difficile, ses proches l’interpellent : « Je vais vous dire ce qui m’est arrivé », annonce-t-il à sa femme et ses deux filles, le soir de Noël 2016. Dès lors, il n’est plus question de garder le silence. Projeté dans son passé, l’homme prend sa plume pour écrire le récit de l’adolescence volée, et sort un livre, Une croix sur l’enfance (Nouvelles Sources, 2018). Écumant les librairies vendéennes pour dédicacer l’ouvrage, il reçoit alors de nombreux témoignages de « copains ».

Crinière blanche et fine moustache, il multiplie les prises de parole, crée un collectif, écrit Criez pour nous (1) : « Les gars ont 65 ou 85 ans, et ils ont vécu toutes ces années enfermés dans le secret », confie Jean-Pierre Sautreau.Certains sont tombés dans l’addiction, l’alcool notamment, d’autres ont suivi de longues thérapies.

En 2018, Mgr François Jacolin est nommé à Luçon. Très vite, Sautreau le sollicite. Le nouvel évêque vendéen connaît une vraie conversion : « La honte au cœur pour mon Église, je fais acte de repentance, déclare-t-il le 23 octobre 2020. Vous étiez des enfants innocents, sous l’emprise de personnes qui ont abusé de leur pouvoir spirituel, vous entraînant dans une spirale d’horreurs et de manipulations perverses pour assouvir leurs plus bas instincts. »

Ce dimanche, la célébration mémorielle vient publiquement raviver cet acte de repentance. Jean-Pierre Sautreau y assistera, même si Dieu reste un questionnement. « Je ne sais pas si je crois encore. Faut-il vraiment mettre un nom sur la beauté du monde ? »

(1) Nouvelles Sources, 310 p., 18 €.