Mali : ce qu’il faut savoir sur Choguel Maïga, Premier ministre de la transition

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Choguel Kokalla Maïga (au centre) lors de la cérémonie d’investiture d’Assimi Goïta, le lundi 7 juin à Bamako.
Choguel Kokalla Maïga (au centre) lors de la cérémonie d’investiture d’Assimi Goïta, le lundi 7 juin à Bamako. © Nicolas Remene / Le Pictorium

Fer de lance de l’opposition au régime d’IBK puis au Conseil national de transition, Choguel Kokalla Maïga a été nommé Premier ministre ce lundi 7 juin, quelques heures après l’investiture d’Assimi Goïta à la tête du pays.

• De Gao à l’URSS

Choguel Kokalla Maïga naît en 1958 à Tabango, dans la région de Gao. Après l’obtention de son baccalauréat, il prend le chemin de la Biélorussie puis de l’URSS, où il intègre l’Institut des télécommunications de Moscou – il en sort avec un diplôme d’ingénieur en télécommunication. À son retour à Bamako à la fin des années 1980, il soutient une thèse sur le désenclavement du nord du Mali grâce aux réseaux hertziens et satellitaires.

• Moussa Traoré en héritage

En 1991, à la suite du coup d’État militaire fomenté contre Moussa Traoré, à qui il était reproché d’avoir plongé le Mali dans un système dictatorial et meurtrier, Choguel Maïga décide malgré tout de revendiquer cet héritage contesté et crée son parti, le Mouvement patriotique pour le renouveau (MPR). « Choguel était perçu comme un fou. Au moment où les Maliens voulaient faire table rase du passé et en finir avec les années Traoré, il avait, lui, l’ambition de le faire renaître de ses cendres », se souvient l’un de ses proches.

• Au gré des opportunités

Familier du marigot politique malien, Choguel Maïga a travaillé avec presque tous les régimes. Fervent soutien de Moussa Traoré, il a ensuite rallié Amadou Toumani Touré (ATT) lors du deuxième tour de l’élection présidentielle de 2002. Il deviendra son ministre de l’Industrie et du Commerce. En 2015, il se rapproche du président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) et se voit confier le portefeuille de l’Économie numérique, de l’Information et de la Communication. Acerbes, ses détracteurs le qualifient volontiers « d’opportuniste » sans « véritable identité politique ».

• IBK

Son éviction du gouvernement, en 2016, aurait été le point de rupture entre IBK et lui. La rancœur qu’il a conservée à son égard sera l’un des moteurs de son combat au sein du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP). En août 2020, quand IBK est renversé et que la Cedeao prend des sanctions contre le Mali, Choguel Maïga rétorque que c’est l’ancien président qu’elle aurait dû punir.

• Clivant

« Au sein du M5, il ne fait pas l’unanimité. Choguel et quelques politiciens sont arrivés et ont pris en otage le mouvement à des fins politiques. Cela a fini par faire éclater le M5 », déplore Clément Dembélé, président de la Plateforme de lutte contre la corruption et le chômage au Mali (PCC-Mali), qui a mené la contestation contre IBK à ses côtés, il y a un an. Le choix de le porter à la primature n’a pas fait consensus, ni au sein de la classe politique ni au sein de son propre mouvement.

• Imam Dicko

La proximité entre les deux hommes, qui se vouent un profond respect, n’est un secret pour personne. Officiellement, l’imam et le M5 font désormais cavalier seul, mais le nouveau Premier ministre est un visiteur régulier au domicile de Mahmoud Dicko. Il s’y rend pour prendre « des conseils » auprès de l’imam le plus influent du Mali, qui voit en lui « un homme politique très intelligent ».

• Accord de paix

Choguel Maïga s’est toujours montré très critique vis-à-vis de l’accord pour la paix et la réconciliation, signé en 2015. En 2019, il déclarait que celui-ci devait « être renégocié » et il exhortait la communauté internationale d’en avoir « le courage ». Pour apaiser les esprits tout en rassurant les partisans de l’accord, c’est en sa présence que le président Assimi Goïta a reçu une délégation de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), le 2 juin dernier. « Nous n’avons rien contre Choguel Maïga et respectons ses opinions. Notre unique préoccupation, c’est le respect de la feuille de route et de la charte de la transition », confie un responsable de la CMA.

• Volte-face

« Nous avons aujourd’hui un gouvernement de militaires, composé de militaires et de civils nommés par les militaires, dénonçait-il en septembre dernier. Le M5-RFP ne peut pas se rendre complice de l’installation d’un régime militaire. » À Bamako, son choix d’accepter de travailler avec l’ex-junte alors qu’il a refusé de coopérer avec le gouvernement de Moctar Ouane fait grincer des dents. Pour certains, sa candidature à la primature souligne l’incohérence du M5 qui, quelques semaines, plus tôt avait déposé une requête auprès de la Cour constitutionnelle pour demander la dissolution du CNT qu’il considérait comme illégitime.

• Soupçons

Dans les arcanes du pouvoir malien, il se murmure encore que si Choguel Maïga a été débarqué de son ministère en 2016, à la faveur d’un remaniement, c’est à cause de soupçons de mauvaise gestion à l’époque où il dirigeait  l’Autorité malienne de régulation des télécommunications et des postes (AMRTP). D’ailleurs, après sa sortie du gouvernement, des inspecteurs ont été envoyés dans les locaux de l’AMRTP à la demande du président IBK et de son Premier ministre, Modibo Keïta. Mais aucune accusation n’a jamais été étayée. Dénonçant une cabale, un ancien collègue ministre affirme que « toute une machine politique a été montée contre lui à l’époque ».

• Rassembleur ?

Si son entourage se réjouit de sa nomination à la primature, certains doutent en coulisses qu’il ait l’envergure politique nécessaire pour le poste et qu’il soit suffisamment rassembleur. « Choguel n’est pas un homme d’État, concède l’un de ses proches. Seul, il ne peut pas mobiliser le peuple. » Il a pourtant été deux fois candidat à la magistrature suprême : en 2002 et en 2018.