Mahamadou Bonkoungou décroche BTCI au Togo
et affiche des ambitions à l’échelle panafricaine
Le magnat burkinabé du BTP, patron du groupe Ebomaf, a obtenu le feu vert de Lomé pour reprendre la banque publique BTCI. Jeune Afrique décrypte cette avancée majeure pour l’entrepreneur, qui ne cache plus sa volonté d’expansion dans le secteur bancaire.
Il faisait figure de favori depuis le désistement en début d’année du consortium Agir. Ce dernier réunit le capital-investisseur ouest-africain Cauris, le banquier ivoirien Charles Kié, via son fonds d’investissement New African Capital Partners, et l’entrepreneur Oscar Daaga. Mahamadou Bonkoungou, le patron du groupe de BTP Ebomaf, était depuis ce retrait opposé au groupe panafricain Ecobank.
Au final, Mahamadou Bonkoungou l’a emporté et prend effectivement le contrôle à hauteur de 90% de la Banque togolaise pour le commerce et l’industrie (BTCI), le reliquat de 10% du capital reste détenu par l’État togolais. Cette reprise se réalise via IB Holding, la maison mère du pôle bancaire du magnat burkinabè de la construction, qui est dotée d’un capital de 30 milliards de F CFA (45 millions d’euros).
Ni l’éxecutif togolais, ni le groupe IB Bank – filiale bancaire du groupe de Bonkoungou – n’ont souhaité communiquer le montant de la transaction, qui doit encore recevoir l’avis conforme favorable de la Commission bancaire de l’Union monétaire ouest africaine (CB-UMOA), le gendarme ouest-africain du secteur basé à Abidjan.
Velléités bancaires panafricaines
Ambitionnant de bâtir une branche bancaire aussi prospère que celle du BTP au sein de son groupe, l’entrepreneur burkinabè réalise ainsi son premier rachat de banque hors du Burkina Faso. « L’acquisition de la BTCI participe de la dynamique de la création d’un grand groupe bancaire panafricain comme dans le secteur BTP », insiste-t-on dans l’entourage du groupe de construction. Pour rappel, la BTCI a enregistré 200 millions de F CF de pertes en 2019.
L’incursion de Bonkoungou dans la finance a démarré en 2017 dans son pays par la prise de contrôle pour 7 milliards de F CFA de la Banque de l’habitat du Burkina Faso, qu’il a transformée en International Business Bank (IB Bank). Dotée d’un capital de 23 milliards de F CFA, IB Bank demeure modeste, avec moins de 5% de parts de marché.
Mahamadou Bonkoungou, qui a ouvert l’an dernier une filiale bancaire à Djibouti, explique demeurer attentif à de nouvelles acquisitions.
Selon nos informations, Bonkoungou s’intéresse de près à Oragroup depuis les difficultés que connaît son union avec l’Institut de prévoyance sociale-Caisse générale de retraite des agents de l’État (IP-CGRAE) de Côte d’Ivoire, qui devait reprendre les parts (50,01 %) détenues par le fonds d’investissement panafricain Emerging Capital Partners et par les partenaires institutionnels d’Oragroup, Proparco, DEG, BIO et la BOAD.
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Sur le dossier BTCI, le groupe Ebomaf a été conseillé par le cabinet Africa Development Consulting, dirigé par le banquier marocain Nabil Tahari, et par l’avocat d’affaires burkinabè, Dramane Sanou. Du côté de Lomé, la Commission de privatisation, chapeautée par le ministre des Finances Sani Yaya, s’est attachée les services de la compagnie financière Cadmos, du cabinet KPMG Côte d’Ivoire et du cabinet d’avocat ENSafrica représenté par Sébastien Thouvenot.
UTB toujours à reprendre
Mahamadou Bonkoungou a été introduit dans les hautes sphères de l’État au Togo par le biais de son entité de BTP Ebomaf, qui exécute des chantiers routiers de tout premier plan, y compris l’axe Lomé-Kpalimé, long de 120 km, pour plusieurs dizaines de milliards de F CFA.
Les autorités togolaises cherchent encore un repreneur pour un autre établissement bancaire, l’Union togolaise de Banques (UTB). Premier réseau bancaire du pays avec une cinquantaine d’agence, la banque est repassée dans le vert en 2019 avec plus de 11 milliards de F CFA de bénéfices, une première depuis plusieurs exercices, grâce à une reprise de provisions de 13 milliards de F CFA d’Alpha Télécoms (Atel), propriété du patron des patrons burkinabè, Apollinaire Compaoré.
Après avoir exploré plusieurs pistes, comme la fusion des deux banques, option finalement abandonnée en raison de son coût jugé trop onéreux (plus de 54 milliards de F CFA), les autorités togolaises espèrent maintenant trouver un repreneur capable de consolider cette autre banque.
Numéro trois sur le marché, elle avait besoin, en 2019, d’une enveloppe de 25 milliards de F CFA de recapitalisation pour compenser ses pertes. Quelque 4 milliards de F CFA étaient prévus pour financer le plan de départ volontaire. «C’est la raison pour laquelle nous exigeons que le futur repreneur présente un plan de restructuration viable à moyen et long termes pour redresser les problèmes financiers qu’ont connus nos deux banques», assurait à Jeune Afrique Sani Yaya, le grand argentier togolais.