« Gogo » : une écolière bientôt centenaire à l’affiche

À l’affiche du documentaire Gogo, actuellement en salles, cette humble Kenyane de 97 ans est la doyenne mondiale des écolières. Plus remarquable
encore que cette prouesse 
individuelle : sa volonté tenace d’entraîner dans son sillage ses propres arrière-petites-filles et toute une jeunesse 
féminine non scolarisée.

Mis à jour le 30 août 2021 à 6:04

Publié le 31 août 2021 à 8:30

Priscilha Sitienei, dite Gogo, (au premier plan) sur les bancs de l’école primaire de Ndalat

Priscilha Sitienei, dite Gogo, (au premier plan) sur les bancs de l’école primaire de Ndalat (Kenya). Née en 1923, elle a rejoint ceux-ci en 2014, en vue d’apprendre à lire la Bible et la Constitution de son pays. La nonagénaire a bataillé ferme pour convaincre le directeur de l’y accueillir, ainsi que ses arrière-petites-filles: pour diverses raisons, les parents préfèrent souvent les garder auprès d’eux dans les villages. © Cyril Marcilhacy pour Le Pèlerin

Pendant quatre-vingt-quatorze ans, elle a fréquenté l’école de la patience, avant d’apprendre enfin à lire, écrire et compter. C’est l’édifiant parcours de Priscilha Sitienei, dite «Gogo», que capte ici le réalisateur Pascal Plisson. Fruit d’un dispositif de tournage léger – équipe réduite, une à deux caméras –, sans voix off, son documentaire, vibrant d’humanité, illustre le chemin parcouru par l’ex-petite bergère kenyane. Devenue sage-femme, celle-ci était restée pour autant analphabète. Coqueluche de ses camarades de classe (quatre générations d’écart !), la vieille dame force le respect, entre instants de découragement lié à la difficulté d’apprendre à un si grand âge et opiniâtreté au service de la cause qu’elle défend, bien plus grande que sa petite personne. Ainsi lorsqu’elle sermonne le responsable des travaux du futur dortoir des filles, qui n’avancent pas assez vite ! En cette rentrée des classes, Gogo* offre à l’urgence éducative un solaire et salutaire plaidoyer.

Gogo ***
de Pascal Plisson
Documentaire au cinéma à partir du mercredi 1er septembre. 1h27. À partir de 9 ans.

 

 
les pensionnaires de l'école de Ndalat (Kenya)
L’école de Gogo compte cent vingt pensionnaires. La plus grande satisfaction de la vieille femme est d’avoir œuvré à la construction d’un nouveau dortoir, épargnant aux élèves de trop longs trajets quotidiens. Gogo, qui habite à quarante minutes de l’école, bénéficie aussi de l’internat. Elle y voulait un simple lit mais la surveillante lui a cédé la petite pièce où elle dort habituellement. © Cyril Marcilhacy pour Le Pèlerin
Priscilha Sitienei, dite Gogo, porte son uniforme scolaire pour aller à l'école de de Ndalat (Kenya)
Même pour participer à une réunion de famille, Gogo tient à revêtir son uniforme scolaire, source de fierté. Sa fille Jane l’aide à ajuster sa cravate. Gogo a longtemps vécu dans une ferme tenue par des colons. Une vie sans école, dédiée à garder les vaches dans les champs. Plus tard, sa grand-mère lui a enseigné le métier de sage-femme qu’elle exerce encore aujourd’hui. © Cyril Marcilhacy pour Le Pèlerin
pause déjeuner à l'école de Ndalat (Kenya)
Les jeunes camarades de Gogo patientent dans la file pour la pause déjeuner. Pour beaucoup d’enfants de la région, l’accès à l’école de Ndalat, fondée en 2009, permet aussi de bénéficier de trois repas quotidiens, même modestes. Parmi les élèves, cinquante sont orphelins: leurs études sont financées grâce à des sponsors trouvés par le directeur de l’école. © Cyril Marcilhacy pour Le Pèlerin
Priscilha Sitienei, dite Gogo, pensionnaire de l'école de de Ndalat (Kenya), chez l’ophtalmologiste pour une visite de routine
Après avoir constaté qu’elle n’arrivait pas à lire correctement en classe, Gogo s’est fait opérer avec succès de la cataracte. La maladie a pu entamer, un temps, le moral et la capacité de la vieille femme à poursuivre sa scolarité, avant qu’elle ne retrouve toute sa vaillance, encouragée par ses proches. On la voit ici chez l’ophtalmologiste pour une visite de routine. © Cyril Marcilhacy pour Le Pèlerin
Priscilha Sitienei, dite Gogo, à l'école de de Ndalat (Kenya) avec le réalisateur du documentaire Pascal Plisson Sur le chemin de l’école
Gogo avec le réalisateur du documentaire, Pascal Plisson. Ce dernier a été séduit par «la personnalité, l’histoire et le charisme» de son héroïne. «Elle m’a presque viré de chez elle quand je lui ai dit que j’avais arrêté l’école à 15ans !» plaisante l’auteur de Sur le chemin de l’école, César du meilleur documentaire en 2014. © Cyril Marcilhacy pour Le Pèlerin
Shopkoech, arrière-petite-fille de Priscilha Sitienei, dite Gogo, fait sa rentrée dans un établissement supérieur financé par Haussmann-Partage, association
Shopkoech, 14 ans, est l’une des arrière-petites-filles de Gogo. Après avoir partagé les bancs de l’école avec et grâce à son aïeule, la voici effectuant sa rentrée dans un établissement supérieur financé par Haussmann-Partage, association créée par Pascal Plisson à l’occasion du documentaire. Gogo n’a pas manqué de visiter le lieu. © Cyril Marcilhacy pour Le Pèlerin
repas dans le jardin de la maison familiale de Priscilha Sitienei, dite Gogo
En octobre dernier, le retour de Pascal Plisson sur les lieux du tournage est l’occasion pour Gogo de rassembler proches et amis autour d’un repas dans le jardin de la maison familiale. Au centre, sa fille garnit les assiettes des convives. © Cyril Marcilhacy pour Le Pèlerin
Famille de Priscilha Sitienei, dite Gogo, pensionnaire de l'école de Ndalat (Kenya)
Veuve d’un mari berger mort en 1955, Gogo a trois enfants, vingt-deux petits-enfants et cinquante-quatre arrière-petits-enfants. «Je veux dire à tous les enfants du monde, surtout aux filles, que l’école sera votre force, votre richesse, alors foncez, encourage-t-elle. Moi, je prie Dieu qu’il me laisse terminer mes études, même si j’ai 100 ans le jour de mon certificat.» © Cyril Marcilhacy pour Le Pèlerin