Mali : Ibrahim Ikassa Maïga, un pilier du gouvernement de Choguel Maïga
Figure du M5 et membre de l’URD, le nouveau ministre de la Refondation s’est rapidement imposé comme un élément incontournable du dispositif instauré par le chef du gouvernement.
Qu’il paraît loin le temps où Ibrahim Ikassa Maïga montait à la tribune devant les partisans du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) pour dénoncer l’action du gouvernement. Des mois durant, il a appelé à la mobilisation contre Ibrahim Boubacar Keïta d’abord, contraint à la démission le 18 août 2020, puis contre Bah N’Daw, éphémère président de la transition, et même contre Assimi Goïta, officiellement à la tête de l’État depuis le 28 mai. Mais ensuite, Ibrahim Ikassa Maïga est entré au gouvernement.
Ce mercredi matin, c’est un homme pressé qui nous consacre quelques minutes au téléphone. Il accepte de répondre à nos questions, mais celles-ci vont devoir être brèves, prévient-il. « J’entre en conseil des ministres ! »
Nommé le 11 juin dernier à la Refondation de l’État, chargé des Relations avec les institutions, l’ancien coordinateur du M5 est désormais l’un des plus proches alliés du Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga, et un poids lourd du gouvernement. C’est en effet de son ministère que va dépendre l’organe unique censé organiser les élections (présidentielle et législatives) de février 2022.
Gardien de la refondation du Mali
« Le Mali est considéré comme un État en faillite et pour sortir de cette situation, il est urgent de lancer des réformes, nous explique-t-il en arpentant les couloirs du palais de Koulouba. Mon ministère va être l’architecte de ces réformes et nous allons veiller à ce que celles-ci respectent l’esprit de refondation que nous souhaitons pour le pays. »
La refondation, poursuit-il, passera par une révision de la Constitution, un changement de mode de gouvernance et des réformes structurelles en matière de défense, de sécurité, d’éducation et de santé.
Dans les prochaines semaines, il va devoir conduire les assises nationales, chères à Choguel Maïga. Leur organisation était l’une des principales exigences du M5-RFP, dont Choguel et Ikassa étaient les principaux cadres.
Depuis le 2 août et l’adoption du Plan d’action gouvernemental (PAG) par le Conseil national de transition (CNT), qui est l’organe législatif de la transition malienne, Ibrahim Ikassa Maïga et ses collaborateurs s’échinent à convaincre les partis de trouver « un consensus politique » autour de ces assises.
Une partie d’entre eux les rejette, dénonçant une manœuvre destinée à prolonger la période de transition, censée s’achever en 2022 avec l’organisation des élections. Toutefois, le ministre se veut rassurant. « Lors de ces assises seront évoquées les recommandations et conclusions du dialogue national [de 2019], mais aussi de la conférence d’entente nationale [de 2017] et même les états généraux de l’éducation », insiste-t-il. À l’en croire, « il ne s’agit pas de refaire le débat, mais de se retrouver devant les Maliens et de redéfinir les priorités du pays pour mieux hiérarchiser les réformes ».
Le but étant selon lui, que dans le temps qu’il reste à la transition, le gouvernement mette en œuvre un maximum de réformes, charge revenant ensuite aux prochains dirigeants de les poursuivre pour « sortir du système actuel ».
Alliance de circonstance
Comment cet homme, que l’on qualifié volontiers de « mystérieux » à Bamako, s’est-il retrouvé à un poste aussi stratégique ? Enseignant à l’Université des sciences politiques et juridiques de Bamako, Ibrahim Ikassa Maïga, qui aime utiliser son titre de « professeur », a rencontré Choguel Maïga en octobre 2018. « Jusque-là, je ne le connaissais qu’à travers les médias. »
Cette année-là, Soumaïla Cissé échoue à remporter un scrutin présidentiel dont il ne reconnaît pas les résultats. Avec plusieurs autres partis, il crée le Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD), une coalition destinée à contester la réélection d’Ibrahim Boubacar Keïta. Ibrahim Ikassa Maïga, membre de l’Union pour la République et pour la démocratie (URD) et proche de Soumaïla Cissé, rencontre Choguel Maïga dont le Mouvement patriotique pour le renouveau (MPR) a rejoint le FSD.
AUJOURD’HUI ENCORE, IL NE TARIT PAS D’ÉLOGES SUR LE PREMIER MINISTRE
C’est en se côtoyant au sein du M5 qu’ils vont se rapprocher. Alors que ses camarades commencent à perdre foi en la capacité du mouvement – qui n’a obtenu aucun poste au gouvernement – à peser sur la transition, Ikassa s’accroche. « Il croyait fermement au M5 et en Choguel, assure le politologue Sidy Lamine Bagayoko, proche de l’URD. Peu à peu, un lien de confiance s’est installé entre eux. »
Aujourd’hui encore, il ne tarit pas d’éloges sur le Premier ministre. « Il a une clairvoyance unique sur les tenants et les aboutissants des enjeux nationaux, s’enthousiasme-t-il. Travailler à ses côtés n’a fait que décupler ma motivation. »
Soumaïla, le parrain
Né en 1971 à Tondibi, dans la région de Gao, cette figure emblématique du M5 a passé son enfance à Sévaré, dans la région de Mopti (Centre). Il y obtient son baccalauréat en 1991. Admis à l’École nationale d’administration (ENA) de Bamako, il pose ses valises dans la capitale malienne. En 1996, diplôme en poche, Ikassa part pour le Burkina voisin.
« J’ai poursuivi mon cursus à Ouagadougou parce que les études y étaient abordables et que l’un de mes frères qui travaillait à la commission de l’UEMOA [Union économique et monétaire ouest-africaine] y vivait », confie-t-il. Là -bas, il décroche un DESS en droit économique et international et découvre le milieu syndical estudiantin burkinabè, très « mouvementé ». Et voit une certaine similitude entre les soubresauts politiques qui agitent le Burkina et le Mali.
Soumaïla Cissé est à l’époque président de la commission de l’Uemoa, et l’étudiant dîne parfois chez lui. C’est grâce à lui qu’il rejoint l’URD en 2013. « Soumaïla lui faisait confiance, affirme Sidy Lamine Bagayoko. Il faisait d’ailleurs partie des experts qui ont préparé l’atelier de Selingue [en 2018], au cours duquel l’URD a conçu son programme de réformes politiques. »
Depuis la disparition de Soumaïla Cissé, Ikassa se positionne comme le porte-voix de l’URD au sein du M5 et du gouvernement. Il ne souhaite pas commenter les tractations en cours et la guerre des clans qui divisent la formation, mais les suit de près. « Il demeure un membre actif du parti. Une semaine après sa nomination, il a insisté lors d’une réunion du bureau national sur le fait qu’il était ministre au nom de l’URD », confie l’un de ses cadres. Reste à savoir s’il soutiendra le candidat choisi par le parti à la prochaine élection présidentielle ou si ses nouvelles amitiés le feront transhumer.