Dix choses à savoir sur Oumar Diawara, le mystérieux homme d’affaires qui a fait saisir un avion d’Air Côte d’Ivoire
Condamné à 20 ans de prison par la justice ivoirienne, le natif de Pointe-Noire s’est retrouvé sous le feu des projecteurs à la faveur du bras de fer qu’il a engagé avec Abidjan. Portrait d’un investisseur dont le parcours a croisé ceux d’Omar el-Béchir, Alpha Condé ou encore de Dadis Camara.
1. Congo
Né à Pointe Noire en octobre 1978, Oumar Diawara est le fils d’une Béninoise et d’un commerçant malien, qui fut consul honoraire du Mali au Congo et l’un des principaux importateurs de riz du pays. Il a un temps fréquenté l’entourage du président Denis Sassou Nguesso avant de prendre ses distances mais cette période lui a permis de se rapprocher du pouvoir gabonais, avant le décès d’Omar Bongo. En 2004, en conflit avec le Crédit pour l’agriculture, l’industrie et le commerce à Brazzaville, il avait saisi en France des avoirs congolais, avant d’obtenir un accord lui octroyant 13 millions de dollars.
2. Machiavel
Passé par le prytanée militaire de Bembéréké, situé au nord de Parakou, Oumar Diawara n’a pas particulièrement brillé pendant ses études. De ses années béninoises, il retient plutôt les cours de karaté, grâce auxquels il a décroché une ceinture noire, quatrième dan. À 15 ans, l’adolescent quitte définitivement l’école et retourne au Congo, travailler pour son père. C’est ensuite en autodidacte qu’il parfait son éducation, notamment en droit. Parmi ses livres de chevet : les œuvres de Machiavel et les mémoires du cardinal Richelieu.
3. Dadis Camara
À la recherche d’opportunités dans le négoce d’essence, Oumar Diawara contacte le capitaine Dadis Camara quand celui-ci n’est encore chargé que de gérer les stocks de carburants de l’armée guinéenne. Les deux hommes sympathisent et restent proches quand le militaire prend le pouvoir.
Après le massacre du 28 septembre 2009, lorsque la Cour pénale internationale réclame de pouvoir juger Dadis Camara à la Haye, Oumar Diawara plaide avec le colonel Siba Loholamou, alors ministre de la Justice, pour l’ouverture d’une instruction en Guinée afin d’éviter son transfert, estimant qu’il est du ressort de l’Afrique de juger ses dirigeants.
4. Omar el-Béchir
Fort de son expérience guinéenne, Oumar Diawara va proposer ses services d’intermédiaire au président soudanais, lorsque celui-ci est poursuivi par la CPI. Son plaidoyer se révèle inefficace, mais il entre ainsi dans les bonnes grâces d’Omar el-Béchir, qui lui demande d’accompagner Ghazi Salah Eldine Atabani, chargé de plaider pour empêcher la partition du pays, notamment dans le Golfe. Cette mission échoue également. Mais Oumar Diawara est néanmoins gratifié d’une quote-part de un million de barils de brut, dont il parviendra non sans mal à vendre 300 000 barils à un acheteur russe, au prix intéressant de 64 dollars l’unité.
5. Guinée
Mis en relation avec Alpha Condé par Sékouba Konaté, l’homme d’affaires va devenir l’un des nombreux conseillers de l’ex-président guinéen. Mais avant même la fin du premier mandat du chef de l’État, l’investisseur prend quelque peu ses distances avec celui-ci, préférant se consacrer à ses affaires. La rupture sera consommée quand Alpha Condé décidera de briguer un troisième mandat. Au cours de l’instruction de l’affaire qui l’oppose à la Banque nationale d’investissement ivoirienne (BNI) et à la Côte d’Ivoire, son avocate et l’Union africaine tenteront de faire valoir son statut diplomatique, mais Abidjan, tout en le reconnaissant, répondra qu’ayant été octroyé par la Guinée, il est sans effet en Côte d’Ivoire.
6. Réseaux
Particulièrement discret, l’homme d’affaires évitait, jusqu’à la saisie de l’avion d’Air Côte d’Ivoire à Bamako, d’apparaître dans la lumière. S’il se tenait en retrait de la politique, Oumar Diawara est bien introduit dans les cercles du pouvoir à Abidjan. Il entretenait par exemple de bonnes relations avec feu les ex-Premiers ministres Amadou Gon Coulibaly et Hamed Bakayoko. Ses avocates Esther Dagbo et Géraldine Odehouri Koudou sont, elles, historiquement liées à Laurent Gbagbo. La première fut secrétaire générale adjointe du gouvernement, et la seconde, conseillère spéciale de l’ex-président.
Oumar Diawara est aussi connecté aux instances de l’Union africaine à Addis-Abeba. Pour preuve, l’organisation panafricaine a entrepris des démarches auprès de l’appareil judiciaire ivoirien pour faire valoir son statut diplomatique. En Guinée et au Mali, cet ancien conseiller d’Alpha Condé discute avec les militaires au pouvoir.
Il dispose également d’un accès à plusieurs palais en Afrique centrale et dans la région des Grands Lacs. Au Congo-Brazzaville, il était lié par son ex-épouse à l’ancien ministre Lékoundzou Itihi Ossetoumba, décédé le 25 novembre. Enfin, hors du continent, il serait de manière épisodique en contact avec le département d’État américain depuis sa rencontre en 2010, en Guinée, avec le diplomate Johnnie Carson.
7. Escroc ou victime
Oumar Diawara a-t-il tenté d’escroquer la BNI ? C’est la thèse de la justice ivoirienne. Il se serait rendu complice des malversations de l’ex-patronne de BNI gestion, filiale de la BNI, dans l’acquisition de terrains. Cinquante hectares qu’il a ensuite rachetés en prenant le contrôle de la société immobilière Perl Invest.
Preuve de son implication, selon la juge Blanche Abanet Essoh : le non-remboursement d’un prêt de 15 milliards de F CFA (22,9 millions d’euros), qu’il s’était engagé à prendre en charge, mais que l’ancienne DG a payé à sa place en utilisant les fonds de BNI gestion. Un ordre donné d’après elle par erreur, en raison du stress lié à un surcroît de travail. Ce subterfuge lui aurait permis de mettre la main sur des parcelles, promises à prendre beaucoup de valeur, pour à peine plus d’un milliard de F CFA.
D’OPPORTUNITÉS EN OPPORTUNITÉS, L’INVESTISSEUR EST DEVENU UN IMPORTANT PROPRIÉTAIRE TERRIEN
Le 22 octobre, la Cour de justice de la Cedeao a eu une autre lecture des faits en reconnaissant qu’Oumar Diawara est bel et bien le propriétaire des terrains et en dénonçant la spoliation dont il a été victime quand ceux-ci ont été réattribués à BNI gestion au début de 2021, sur décision du pôle économique et financier d’Abidjan.
Outre la reconnaissance de la nullité de la confiscation, la juridiction communautaire a condamné l’État ivoirien à lui payer 1,25 milliard de dommages et intérêts. Refusant d’exécuter cette décision, la justice ivoirienne l’a déclaré coupable le 2 décembre de complicité d’abus de biens sociaux et de blanchiment de capitaux. Elle l’a condamné à 20 ans de prison, 50 milliards de F CFA d’amende, 25 milliards de dommages et intérêts, ainsi qu’à la confiscation de ses biens et à une interdiction de territoire. L’homme d’affaires a fait appel.
8. Saisies
Après avoir brièvement saisi un appareil d’Air Côte d’Ivoire à Bamako le 22 novembre pour obtenir le paiement des dommages et intérêts ordonné par la Cour de justice de la Cedeao, l’homme d’affaires a tenté de récidiver à Conakry. S’il a obtenu la formule exécutoire du jugement, la procédure a avorté sous la pression d’Abidjan. Oumar Diawara pourrait tenter de nouvelles saisies dans d’autres États de la Cedeao.
Inquiet de ce qui pourrait se passer sur son sol, le ministre ivoirien de la Justice, Sansan Kambilé, a demandé qu’aucune décision des juridictions internationales ne puisse être exécutée sans l’aval de la Chancellerie. De son côté, Air Côte d’Ivoire a attaqué Oumar Diawara au Mali. Dans une décision rendue le 7 décembre, le tribunal de grande instance de la commune VI district de Bamako prévoit de l’assujettir à une astreinte de 1,5 milliard de F CFA s’il tente à nouveau de saisir un appareil de la compagnie.
9. Terres
D’opportunités en opportunités, l’investisseur est devenu un important propriétaire terrien. Il posséderait près de mille hectares répartis entre le Congo, le Gabon et le Cameroun. Des parcelles où il élève environ 7 000 têtes de bétails (moutons, bœufs, cabris).
Passionné par les oiseaux, il détient également une soixantaine d’éperviers répartis entre le Congo, la Côte d’Ivoire et le Mali. Au Kenya, l’homme d’affaires loue une soixantaine d’hectares dans la région de Nyeri à des producteurs de thé, qui vendent leur récolte à Unilever.
10. Cobalt et diamants
Son père a fouillé les veines de diamants en Zambie et au Zaïre avant de s’établir au Congo. Lui se verrait bien extraire du Cobalt et des diamants dans l’Est de la RDC, mais de manière plus industrielle. Pour mener son projet, il lui faudra le soutien des autorités congolaises, mais il espère aussi un parrainage de Kigali.
Sa connexion avec le pouvoir rwandais s’est développée après sa rencontre avec Paul Kagame en 2004, lorsque ce dernier a participé, à Pointe-Noire, en marge des célébrations de l’indépendance du Congo-Brazzaville, à un sommet extraordinaire à la suite du massacre de Gatumba au Burundi.