Miss Monde : l’Irlande représentée par Pamela Uba, ancienne demandeuse d’asile

Portrait 

Sacrée Miss Irlande en septembre 2021, Pamela Uba représente son pays au concours Miss Monde ce jeudi 16 décembre. Née en Afrique du Sud, arrivée en Irlande à huit ans, cette chercheuse en médecine et mannequin politisée se bat pour l’intégration des migrants et l’accès à l’éducation.

  • Juliette Démas, correspondante à Dublin (Irlande), 

Lecture en 3 min.

Miss Monde : l’Irlande représentée par Pamela Uba, ancienne demandeuse d’asile
 
Pamela Urba. Arrivée en Irlande à huit ans, la Miss Irlande entend faire de son règne celui de l’inclusivité.SOURCE  : PAMELA UBA
    • « Miss Irlande 2021. » À chaque fois qu’elle prononce son titre, Pamela Uba ne peut s’empêcher de sourire. Car, pour la jeune femme de 26 ans, tout est allé très vite : « Le 6 mars 2020, j’étais couronnée Miss Galway. La semaine suivante, le pays entrait en confinement ! » Chercheuse en médecine, elle se retrouve en première ligne pour faire tourner l’hôpital.

Quelques mois plus tard, son établissement était touché par la cyberattaque générale qui met à l’arrêt le système de santé irlandais. « J’étais en train d’analyser des échantillons sanguins et je me suis retrouvée à imprimer des résultats et à courir d’un bout à l’autre de l’hôpital pour les remettre aux médecins. À l’ancienne ! »

Arrivée à huit ans en Irlande

Avec sa manucure parfaite et sa robe rose bonbon – elle enchaîne avec une séance photo –, Pamela Uba est une étrange Miss pour l’Irlande. D’abord parce qu’elle est noire, dans un pays à 95 % blanc. Née en Afrique du Sud, elle avait à peine huit ans lorsqu’elle est arrivée sur l’île d’Émeraude. « Nous sommes venus en Irlande car une amie de la famille s’y trouvait. Mais quand ma mère a pris la décision de partir de Johannesburg avec ses quatre enfants, elle était loin de s’imaginer qu’elle ne pourrait pas travailler ! »

La famille se retrouve enfermée dans un système dit de « prescription directe » et va de centre en centre. Si le gouvernement irlandais met à disposition un logement, de la nourriture et une rente de quelques euros par mois, les arrivants sont ostracisés et n’ont aucun droit. « En entrant dans le système, on pensait rester un ou deux ans seulement. Nous y avons passé dix ans. »

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En Irlande, les structures d’accueil des migrants sont régulièrement dénoncées par les associations de défense des droits de l’homme comme « inhumaines » et impropres à l’accueil d’enfants. « Vu la taille de notre famille, on a eu la chance de ne pas avoir à partager un logement, mais d’autres sont obligés de vivre dans une chambre avec de parfaits inconnus. » Désormais naturalisée, Pamela se souvient de l’embarras et du secret qui entouraient son lieu de résidence. Adolescente, elle trouvait son échappatoire dans l’école et les activités périscolaires.

Promouvoir l’inclusion

Tout change lorsque sa mère parvient à lever les 9 000 € de frais pour son inscription à l’université, en première année de licence. Pamela commence à prendre rendez-vous avec des avocats et obtient un permis de résidence pour elle et sa famille. « Vous imaginez, passer de demandeuse d’asile à diplômée d’un master de la plus prestigieuse université du pays… et Miss Irlande ! »

Loin des paillettes, elle entend faire de son règne celui de l’inclusivité et « montrer aux enfants qui sont encore dans les centres qu’il y a bien une lumière au bout du tunnel. Avec espoir et résilience, ils s’en sortiront. Je veux qu’ils sachent que l’éducation peut être leur superpouvoir, qu’elle leur permettra de devenir la personne qu’ils veulent être et d’atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés ».

Son combat est aussi celui du sexisme en Irlande. « Être une femme pose déjà certains défis, être une femme noire complique encore les choses. Je ne me souviens pas d’une seule professeure noire ou femme noire en position de pouvoir à la fac. Or, comment vouloir être ce qu’on ne voit pas ! »

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Elle-même n’avait pas songé à devenir mannequin, jusqu’au jour où une juge du concours Miss Galway la prend pour une candidate, alors qu’elle faisait son service dans un bar. « Ça m’a surprise, et un peu choquée… Il m’a fallu un ou deux ans pour réfléchir, puis je me suis lancée et ça a plutôt bien marché ! » À celles qui hésitent à se lancer, elle ne mâche jamais ses mots d’encouragement.

« Au fond, qu’est-ce qu’une Irlandaise ?, dit-elle encore. Je n’ai pas les yeux bleus ni les cheveux blonds, mais je suis africaine et je suis irlandaise. Non seulement j’en suis fière, mais je pense aussi que beaucoup d’ethnies ici partagent cette fierté. »

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Moins de migrants en Irlande en 2021

Selon les données sur la population et les migrations, publiées par le Central Statistics Office (CSO), le nombre de migrants a baissé de 85 400, en 2020, à 65 200 en 2021.

En février, l’Irlande a changé sa politique d’accueil avec une première phase d’accompagnement de quatre mois qui prévoit bilan médical, cours d’anglais, entretiens avec des assistantes sociales. Et une deuxième phase d’autonomie : possibilité d’ouvrir un compte bancaire, de travailler et de passer le permis de conduire.