Guinée: la mort de M'mah Sylla, symbole de la lutte contre les violences sexuelles (1/2)

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Des proches de M'mah Sylla, réunis à l'aéroport de Conakry pour accueillir la dépouille de la jeune femme, mardi 23 novembre 2021. © Matthias Raynal / RFI

En Guinée, l’histoire tragique de M’mah Sylla a provoqué une vague d’émotion et contribué à une prise de conscience, une libération de la parole sur les violences sexuelles. La jeune femme de 25 ans est décédée le 20 novembre dernier. Elle aurait été violée par des médecins avant de subir un avortement clandestin.

De notre correspondant à Conakry,

De la tristesse et un profond, viscéral, sentiment de colère. En novembre dernier, aux funérailles de M’mah Sylla, une centaine d’habitants sont venus se recueillir au quartier Enta. « Justice et justice ! On ne demande rien d'autre que la justice », clamait l'un de ses oncles.

Ousmane Diallo a écrit sur une pancarte le slogan devenu viral depuis la mort de la jeune femme : « Justice pour M’mah Sylla. Plus jamais ça. » Il ne comprend pas comment des médecins ont pu en arriver là. « Ce sont des personnes en qui on a confiance. Quand on a des problèmes, on court vers ces médecins. S'ils arrivent à agir comme ça, je ne peux rester à la maison sans manifester. »

Une simple chambre en guise de cabinet médical

Populaire et excentré, Enta a été construit sur une colline. Surplombant le cimetière, à 100 mètres de distance, se trouve un « cabinet médical ». L’expression ne convient pas vraiment à cette simple chambre que louait un médecin, Patrice Lamah. « On prescrivait les médicaments, on soignait plein de maladies ici. Presque tout le quartier venait nous voir », nous confie une jeune femme croisée sur la concession et qui dit avoir travaillé dans ce cabinet comme infirmière pendant plus de sept ans.

C’est au mois d’août que M’mah Sylla s’y rend pour une consultation. Elle y aurait été droguée, puis violée par le médecin. Alors que la jeune femme pense être enceinte, Patrice Lamah lui diagnostique un kyste à l’intérieur du ventre. « L'opération de M’mah Sylla, c'est la première à laquelle j'ai assisté. Le lieu ne convient pas pour ce genre d’intervention », affirme cette femme.

Un jeune du quartier Enta s’est fait retirer un ganglion dans ce cabinet. « Y’a pas le choix, nous tous ici on vient chez Patrice. L’hôpital, c'est cher et j’avais mal, je n’avais pas le temps de me déplacer jusqu’à l’hôpital. S'il n’y a pas d’embouteillages, tu peux mettre 30 minutes pour y aller. »

Détermination 

Tee-shirt rouge, frappé du portrait de M’mah Sylla, Alhassane Diallo est un ami qui désormais milite pour que sa mort ne reste pas impunie, pour que ce drame serve aussi à éviter de nouvelles victimes. « Nous sommes déterminés, les jeunes, les femmes, les hommes, tout le monde. Nous allons unir nos forces pour que, plus jamais, une fille ne soit violée en Guinée. »

Les associations de défense des droits des femmes ne se battent plus seules. Elles peuvent désormais compter sur le soutien de l’opinion publique, qui exige de l’État des mesures urgentes pour lutter contre les violences sexuelles.