Mort de M'mah Sylla: en Guinée, les cliniques clandestines prolifèrent (2/2)

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Des habitants du quartier Enta et des proches de M'mah Sylla près du cimetière où a eu lieu l'enterrement de la jeune femme, mercredi 24 novembre. (Image d'illustration) © Matthias Raynal/RFI

 

En Guinée, une grande partie de la population se soigne dans les cliniques privées, faute d’avoir accès aux établissements publics de santé. Le décès de M'mah Sylla après avoir subi plusieurs interventions chirurgicales a jeté une lumière crue sur les conditions d’exercice de la médecine dans ces structures souvent illégales. Enquête sur ces cliniques qui sauvent des vies, mais tuent parfois leurs patients.

Dans le quartier populaire d'Enta, en haute banlieue de Conakry, une dame penchée sur un réchaud prépare le riz du déjeuner sur le minuscule perron de sa petite maison. « Je suis sage-femme. Ici, c’est la salle de soins. Ça, c’est le lit de consultation. Là, le labo. On fait des examens pour les femmes enceintes. »

Dans cette clinique privée de 60 mètres carrés à peine, à l’aménagement très sommaire, le matériel est hors d’âge, le lit pour les accouchements de fabrication artisanale. « La plupart du temps, les femmes aiment accoucher par terre. On met un tapis. S’il y a des complications, on dit aux patientes de se rendre dans un centre plus approprié, dans les CHU. »

Des centres hospitaliers universitaires, la Guinée n'en compte que deux. Et ils sont situés en centre-ville. La grande banlieue de Conakry est un désert médical. Alors s’est développée dans les quartiers comme Enta une offre de proximité, plus abordable aussi : un accouchement est facturé entre 5 et 10 euros dans la clinique que nous venons de visiter. La zone est quadrillée, il y a un cabinet tous les 100 mètres 

« Tout le monde se dit médecin »

« Ces médecins-là, pour moi, sauvent des vies. Tout récemment, ma mère est tombée gravement malade, elle avait le palud. Mais grâce au docteur qui se trouve juste à côté de chez nous, Dieu merci, elle s’est rétablie », nous confie Seydou Camara. Cet habitant de 28 ans ne se fait pas d’illusion sur la qualité des soins prodigués dans ces cliniques de quartier « qui manquent de moyens ».

Souleymane Camara, un autre jeune d’Enta, évite, lui, de s’y rendre : « La plupart des docteurs qui sont dans le quartier, je ne les fréquente pas trop. Ce n’est pas l’État, il n’y a aucune garantie. »

Il y a très peu de contrôle. Beaucoup de ces structures n’ont pas les autorisations requises. Ce médecin – nous l'appellerons Aliou – a préféré garder l'anonymat. Il a fondé son cabinet il y a 10 ans. « Il y a des gens qui font des cliniques sans avoir de diplôme. Ce n’est pas normal. C’est ça le problème : tout le monde se dit médecin, tout le monde opère, tout le monde fait le suivi des femmes enceintes. »

Par le passé, l’État guinéen a déjà annoncé qu’il entendait s’attaquer à la prolifération des cliniques clandestines, sans grand succès jusqu'à présent.