Mali : dix choses à savoir sur Alousséni Sanou, le ministre sur lequel Goïta s’appuie pour contourner les sanctions
Ce discret banquier est devenu l’un des personnages clés du système mis en place par les militaires. Alors que le pays est placé sous sanctions et que le bras de fer avec les Occidentaux se durcit, le voilà, en tant que ministre de l’Économie, en première ligne.
1. KATI
Alousséni Sanou est né en 1964 dans la ville-garnison de Kati, à une quinzaine de kilomètres de Bamako. C’est du Camp militaire Soundiata de la 3e région militaire, situé dans cette ville, que sont partis la plupart des coups d’État, ces dernières années. Ce camp abritait ainsi le siège du Comité national pour le salut du peuple (CNSP), qui a renversé Ibrahim Boubacar Keïta avant d’être dissous par décret en janvier 2021.
Cette proximité géographique avec les putschistes se double d’une proximité humaine : Alousséni Sanou est en effet réputé proche de certaines des principales figures de la junte, dont le colonel Assimi Goïta, le président de la transition.
2. Ami de Goïta
Inconnu du microcosme politique malien – tout comme de l’opinion – avant sa nomination au poste de ministre de l’Économie et des Finances dans le premier gouvernement de transition dirigé par Moctar Ouane, Sanou a rencontré Goïta à Kati. Depuis, les deux hommes ont noué des liens étroits, ce qui explique que le banquier ait été nommé à la tête de ce portefeuille stratégique.
Proche de Goïta, Sanou l’est aussi d’un autre membre de la junte : le colonel Sadio Camara, ministre de la Défense et des Anciens combattants.
3. PDG par intérim
Diplômé en sciences économiques de l’École nationale d’administration en 1987, Sanou était, depuis 2006, le directeur financier et comptable de la Banque nationale de développement agricole (BNDA), où il était entré en 1991. Au sein de cette institution, il a notamment assuré l’intérim du PDG et du directeur général, entre 2017 et 2019. Il était « respecté par les membres de son département », « très généreux », « effacé, mais très rigoureux au travail », selon l’un de ses collègues de l’époque.
4. « Bon samaritain »
Au sein de la BNDA, Alousséni Sanou a joué les facilitateurs pour le compte de certaines figures de la junte au pouvoir aujourd’hui. Il fut notamment le gestionnaire de compte de certains d’entre eux. « Il a joué le rôle du bon samaritain, en ouvrant des lignes de crédit pour eux par le passé », assure l’une de nos sources au sein de l’établissement bancaire public.
5. Éviction
Entré une première fois au gouvernement en octobre 2020, il en a été évincé en mai 2021, lors du remaniement au cours duquel Bah N’Daw, le président, et Moctar Ouane, le Premier ministre, avaient tenté d’écarter les colonels Modibo Koné et Sadio Camara ainsi que des personnalités réputées proches des militaires, comme lui-même mais aussi Lamine Seydou Traoré, le ministre des Mines, de l’Énergie et de l’Eau.
Cette tentative de reprise en main par Bah N’Daw et Moctar Ouane a précipité le second coup d’État, mené par Assimi Goïta, qui a démis les deux hommes quelques heures après l’annonce de la composition de l’équipe gouvernementale.
6. Discret mais influent
Selon un ministre qui a participé au gouvernement sous la présidence de Bah N’Daw, Alousséni Sanou fait partie des civils les plus influents du pays. Personnage central du dispositif mis en place par la junte, il participe aux rencontres nocturnes qui se tiennent à Kati et au cours desquelles les militaires au pouvoir définissent leur stratégie.
7. PMU et Trésor
En avril 2021, sous la primature de Moctar Ouane, Sanou n’avait pas du tout apprécié certaines nominations, en particulier celles d’Alfousseyni Niono à la tête du Pari mutuel urbain (PMU) et de Mahamane Dédéou à la Direction nationale du Trésor et de la comptabilité publique. « Cela avait créé un grand malaise au sein du gouvernement », se souvient un ancien ministre.
À peine Bah N’Daw et Moctar Ouane relevés de leurs fonctions, Niono et Dédéou avaient eux aussi perdu leur poste. À leur place, Alousséni Sanou a installé des proches : Fassery Doumbia, son chef de cabinet, a pris la direction du PMU, et Boubacar Ben Bouillé, un proche du chérif de Nioro, a repris les rênes du Trésor, qu’il avait déjà dirigé entre 2012 et 2015.
8. Peur des médias
Peu bavard en public, Sanou cultive la discrétion, tant sur le plan médiatique que lors de ses – rares – rencontres avec les institutions financières internationales. Ses échanges avec des représentants du FMI ou de la Banque mondiale se comptent sur les doigts d’une main.
« C’est l’argentier du régime, mais pas forcément le technocrate parfait, tacle un ancien collaborateur de la primature. Il n’est pas aussi flamboyant que certains de ses prédécesseurs, comme Boubou Cissé ou Mamadou Igor Diarra. Peut-être entretient-il un complexe vis-à-vis d’eux. » « Il n’est pas effacé, mais il est extrêmement prudent. Il veut être sûr que, si un problème survient, cela ne sera pas de son fait », tempère un ancien collègue.
Pas du tout à l’aise face aux caméras, Alousséni Sanou s’emploie à les éviter autant que possible. Loin d’être un tribun, il n’aime pas non plus prendre la parole en public, y compris devant le Conseil national de transition (CNT), l’organe législatif, où il préfère envoyer un collaborateur quand sa présence n’est pas indispensable.
Une timidité qui, alors que le Mali fait face à de lourdes sanctions économiques imposées par la Cedeao et l’Uemoa, lui est reproché au sein de la classe politique et de l’opinion.
9. Futur Premier ministre
Il y a quelques semaines, les rumeurs faisant état d’un départ de Choguel Kokalla Maïga de la primature ne cessaient d’enfler. Considéré comme le « sniper » de Goïta dans le bras de fer qui oppose le Mali à certains de ses partenaires, la France en tête, Maïga faisait alors figure de « fusible ».
Dans l’éventualité où il aurait dû céder sa place, le nom d’Alousséni Sanou figurait en bonne place parmi ses successeurs potentiels, tout comme celui d’Abdoulaye Diop, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale.
10. Riposte aux sanctions
Assimi Goïta a confié en partie à Alousséni Sanou le soin de riposter aux sanctions économiques que subit le Mali. Le ministre est à la manœuvre pour amener les banques à prendre en charge certaines demandes du gouvernement. Parmi celles-ci, comme l’a révélé Jeune Afrique, figure « l’interdiction formelle aux banques de geler les comptes de l’État » et de « communiquer les positions de l’État » domiciliées dans leurs livres de comptes.
Au cours d’une rencontre avec l’Association professionnelle des banques et établissements financiers, le 10 janvier, Sanou a indiqué qu’il était « hors de question que les banques commerciales bloquent les comptes de l’État et de ses démembrements ».
Une posture volontariste et ferme qui conduit cependant les observateurs et les acteurs de la scène économique malienne à se demander, en off, si le ministre de l’Économie se montre totalement transparent lorsqu’il évoque les conséquences des sanctions.