Kandy Guira, l’amazone du Burkina
Le 12 février dernier, la chanteuse défendait le vivre-« ensemble », du nom de son album, au festival Au fil des voix, dont la 15e édition se déroule du 31 janvier au 18 février, à Paris. Celle qui a longtemps officié dans l’ombre des têtes d’affiche a prouvé qu’elle avait l’étoffe d’une grande.
Toujours affublée de ses larges épaulettes de guerrière, la charismatique Kandy Guira avance sur la scène du 360, à Paris, parée d’une armure rouge de faso dan fani. Du haut de son mètre 80, la chanteuse burkinabè née à Yamoussoukro, en Côte d’Ivoire, en impose. Celle qui a longtemps officié dans l’ombre des plus grands artistes africains, de Manu Dibango à Amadou et Mariam en passant par Oumou Sangaré, est prête à montrer de quel bois elle se chauffe en solo.
L’ambassadrice du Wassoulou assure d’ailleurs que sa « petite mossi » sera la future star africaine. « Oumou est comme une maman pour moi », confesse la chanteuse, choriste de la diva malienne depuis cinq ans et qui assurera la tournée de son nouvel album Timbuktu avec elle cette année. Mais pour l’heure, c’est bien le « faso-électro-pop » que Kandy Guira défend dans Nagtaba.
JE VEUX RENDRE LA MUSIQUE BURKINABÈ ACCESSIBLE À TOUS, SOUTIENT-ELLE
Ce « premier vrai projet solo », publié en octobre 2021, plus de dix ans après l’album M’ba (maman en dioula) sorti au Burkina, signifie « ensemble », en langue mooré. Le cocktail de rythmiques traditionnelles wirre et warba – tempo associé aux danses du pays, impulsé ici à la batterie – et de volutes électro ultra-produit, perd un peu de sa saveur en studio. Une fois dépouillé d’effets gadgets, soutenu par une ligne de basse groovy et des riffs de guitare funk et rock, le mélange se révèle à la fois équilibré et explosif en live. « Je défends mon terroir, revendique la vocaliste qui bat aussi la cadence au tchema, cloche métallique traditionnelle. Le Burkina est un pays enclavé. Musicalement, on s’est laissé noyer par les autres territoires ouest-africains. Je veux rendre la musique burkinabè accessible à tous », soutient-elle.
Langue des signes
Il est loin le temps des cabarets de jazz de Ouagadougou, où Kandy Guira a fait ses premières classes avant d’être repérée par le musicien malien Cheick Tidiane Seck. À 37 ans, sa voix est désormais puissante et taillée pour les grandes salles. Mooré, dioula, français et anglais, Kandy Guira manie les quatre langues quand elle n’est pas accompagnée d’une chant-signeuse – une traductrice en langue des signes.
« Mon frère est malentendant. Ces enfants sont rejetés en Afrique et n’ont pas de nom », déplore celle qui chante l’inclusion des personnes handicapées. Mais aussi l’intégration des petites filles. « Chaque enfant a le droit d’aller à l’école, peu importe le genre », déclame-t-elle dans Karango (Scolarité). Généreuse, la soliste invite une amie à danser sur scène, puis son « tonton ». Une énergie communicative qui pousse le public à se lever à son tour et à s’agiter sur Wasindi.
« Nagtaba, on est ensemble ! », répète-t-elle à l’envi. « L’Europe nous fait oublier le vivre-ensemble, ce qu’est vivre en communauté », confesse l’artiste qui a réalisé cet album près des siens, à Ouagadougou, alors que le confinement lié à la pandémie de Covid-19 l’obligeait à rester sur place. L’occasion de se reconnecter avec le pays qui l’a vue grandir, aujourd’hui miné par l’instabilité.
« Les problèmes du gouvernement doivent rester au gouvernement. Car il y a des victimes collatérales, qui souffrent déjà de la faim, soupire-t-elle. En tant qu’artiste, je prête ma voix pour la paix », estime la chanteuse qui espère que les autorités prendront leurs responsabilités, également à l’égard de la circulation des artistes de la diaspora. Repérée au Marché des arts du spectacle africain (Masa) d’Abidjan l’année dernière, Kandy Guira espère en effet entamer une tournée africaine au Mali, au Bénin, au Togo, au Burkina et en Côte d’Ivoire en octobre 2022.